Avale-Loire : étape 11

par C’est Nabum
samedi 20 juillet 2013

Angers – La Possonnière

Je suis sur la route

Les joies du nomadisme fluvial ! Depuis trois jours, je n'ai pas goûté aux joies de la douche. Une éternité au regard des conditions de vie qui sont miennes. Je me lave au gant quand je trouve un lavabo et à Angers, c'est monsieur Decaux en personne qui se fit fort de pouvoir me rendre odeur supportable. Ce sont à ces petites choses que l'on touche du doigt (et du nez parfois) la dure condition du SDF.

L'électricité est mon autre souci. J'ai toujours un œil sur la batterie de mon ordinateur. Pour le recharger, je n'ai jamais autant bu de jus d'orange ! Au petit matin, c'est l'appareil photographique qui refuse de témoigner de la douceur angevine. Dommage, le quai de la savate avait fière allure aux lumières matutinales.

Je retrouve mon hôte. Son fûtreau est reparti par le fond. Un travail plus conséquent s'impose. Ce sont là les joies secrètes de la marine en bois. Cette partie immergée de l'iceberg que personne ne voit et qui est pourtant la principale difficulté de cette étrange passion. Les bateaux qu'il faut déplacer aux variations de la rivière, les quais flottants à amarrer, les incidents divers avec les épaves qui dérivent, les outrages du temps et les pluies qui vous font écoper. Ils ont bien du mérite nos mariniers à quai !

 

Je m'exonère de toutes ces vicissitudes. Je suis celui qui passe d'un bateau à l'autre et qui joue les beaux parleurs et les faiseurs d'histoires. J'ai bien compris qu'avoir un rafiot était au-dessus de mes forces. Je me contente de profiter de chacun d'entre eux pour y dire mes fariboles. Ce matin là, c'était sur la « Libellule » que je devins le guide d'occasion. L'équipage : Tony le Capitaine aux pieds nus et Audrey, la fille du patron eurent la délicatesse de ne pas m'empêcher d'assouvir mon vice !

 

 

C'est fort de cette heure à dire n'importe quoi ou presque que je retrouvai mon frêle esquif bleu. Mes bidons étaient en ordre de bataille. Nos amis du camping-car avaient scrupuleusement conservé mes effets. Je pouvais repartir pour un bref parcours de Bouchemaine à la Possonnière. La Loire retrouvait ses habits que je lui connais. Seules les îles se font bien plus grandes. Une fois encore, elle change de visage. Elle a encore modifié son parfum. Après la brusque effluve végétale de la Maine, elle redevient minérale et porteuse des accents de décomposition.

En moins de temps qu'il en faut pour composer un billet, j'arrivai à la Possonnière par un ciel gris comme je n'en avais jamais connu. La chose n'était pas pour me fâcher. Je profitais ainsi d'un peu de fraîcheur. Ce ne fut qu'un bref répit car les rayons ardents firent à nouveau leur apparition, faisant de ma sieste une épreuve au cœur d'un sauna : ma tente !

J'avais souhaité la planter pour la faire sécher et ranger mes bidons, laver mon petit linge et me reposer un peu avant l'arrivée de mon hôte. Alex, le plus jeune en activité d'une dynastie marinière. De lui et des siens, je ne vous dirai rien aujourd'hui. Je vais faire halte une journée entière pour mieux connaître ce garçon d'exception, marinier de la modernité qui vit de la rivière.

Je pris un repas à la guinguette de la Possonnière, un vrai espace convivial qui mérite un grand coup de chapeau. Le maire de la commune, mon ami Célestin, peut être fier de cette belle réalisation qui conjugue qualité et esprit, convivialité et service. Nous sommes bien loin de quelques tentatives malheureuses qui ne sont que prétextes et produits d'appel. Il y a des leçons à tirer parfois d'expériences simples et sans ostentation. Celle-ci est de ceux-là ! Enfin, je me comprends sans mettre quiconque en boîte ...

Je découvris Alexis au sortir d'une nécessaire sieste. Il m'ouvrit la toue cabanée qui me servira de refuge ce soir. Demain soir, ce sera un bivouac et une visite aux gens de Chalonnes et leur beau chantier. Ils construisent, projet fou, un bateau de 25 mètres de long tout en bois si le financement de ce projet ambitieux parvient à suivre les exigences toujours plus délirantes des spécialistes de l'agrément administratif.

Nous vidâmes une bouteille d'un petit vin naturel. La modération n'est de mise en pays ligérien. Il faut accepter la règle et ne pas jouer les vierges effarouchées. Quand le plaisir de partager est tel, il ne faut pas se pincer du nez. C'est ainsi qu'on vit bien dans la vallée du vin et tant pis si les médecins en sont chagrins. Nos vignerons font un si beau travail qu'il serait leur faire injure que de boire autre chose que leur merveilleux ouvrage.

La guinguette se pare de ses habits de fête. Ce soir, un concert de Willy et toutes les tables réservées. Il sera bien délicat au vagabond de se faire une place. Tant pis, je gouterai au partage de mes amis de rencontre. Pas de barrière en ce beau pays d'Anjou. Il y a place pour chacun pour peu qu'il aime la Loire, ce trait d'union et de plaisir qui unit tous les gens qui vivent le long de son cours magnifique.

Pendant que j'écris ces quelques lignes, Alain, le père d'Alex vient à ma rencontre avec un verre de crémant. Bernard, le grand père sort de sa petite toue, faite sur mesure par Bibi de Nevers. La distance ne compte pas. Nous sommes tous du même pays. Nous évoquons la rivière. Alain se félicite de voir des enfants se baigner en Loire, en un endroit où il n'y a aucun danger. La Loire s'apprend, elle ne s'interdit pas. Nos pisse-vinaigres qui rédigent des arrêtés ne se soucient que de tirer le parapluie, jamais de faire œuvre de pédagogie.

Escapadement vôtre.

 

 


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