Il y a quelque chose qui cloche

par C’est Nabum
vendredi 13 octobre 2017

Tout un rituel à revoir

Une foule très nombreuse, des amis, des élèves, la famille, les voisins sont venus rendre un dernier hommage - selon l’expression usuelle – à celui qui est parti dans la force de l’âge. La nouvelle les a stupéfiés, ce fut si soudain qu’ils sont sous le choc d’autant plus que l’homme était apprécié de tous, aimable, chaleureux, bienveillant, attentif à chacun quel qu’il fut… La cérémonie se déroule dans une église qui ne suffit pas à recevoir tout le monde.

Bien vite il apparaît évident qu’il y a un formidable décalage entre le discours pompeux, ésotérique et si peu en adéquation avec la majorité des gens présents. Que nous importent les promesses de paradis, la vie éternelle, les prières lignifiantes et les chants d’un autre temps aux textes insipides ? Quel réconfort peut-on trouver dans ce discours creux qui veut perpétuer une croyance obsolète et décalée ?

Il apparaît bien vite que l’assemblée s’ennuie, ne trouve aucun réconfort à ce qui a perdu totalement sens pour la plupart d’entre nous. La Religion a fait tant de mal depuis qu’elle sévit sous bien des truchements de par la monde, laissez-donc les hommes se faire leur propre cérémonie. Après le pensum, place à l’émotion ; les discours des amis, des membres de la famille évoquent enfin celui qui est parti, avec chaleur, avec une sincérité qui n’a plus rien à voir avec le fils du charpentier et ses adorateurs pompeux.

La suite sera du même tonneau, un fût rempli de vin naturel, d’amour et d’amitié, de sincérité et d’un goût de la fête qui se refuse à laisser toute la place à la terrible nouvelle. Honorer ce n’est pas prendre des airs de componction, c’est tout au contraire rester dans la droite ligne de l’esprit de celui qui est parti, le rendre présent, bien loin de la pauvre dépouille qui gît tout près de là, lui redonner vie sans attendre l’espoir vain de la résurrection, fable absurde qu’il convient encore de servir comme un plat froid aux ultimes naïfs, aux derniers crédules.

Le rituel du départ est à repenser du tout au tout. Les hommes de robe et d’église, la croix en bandoulière et le goupillon larmoyant n’ont plus rien à nous dire. Le clocher peut bien faire résonner son glas pathétique, c’est la musique qui réjouit nos cœurs et nous tire les larmes quand elle évoque celui qui a tiré sa révérence un peu trop tôt. Il faut rire, chanter et boire et cesser de donner la parole à ces psalmodies d’outre-tombe.

Les croque-mort sont aussi ridicules que la porteur de la bonne parole. Il ne font penser à des vautours organisant le défilé des pleureuses. Il convient de tout repenser, d’inventer un autre lieu pour accompagner le dernier voyage, l’ultime voyage. Comment peut-on encore confier ce moment essentiel à ceux qui ne savent plus saisir l’esprit du temps, ceux qui ne peuvent comprendre la vacuité de leur propos ?

La parole que nous voulons entendre ce n’est pas celle de Saint François d’Assise ou bien d’un quelconque mauvais apôtre, c’est celle du défunt par la bouche même de ceux qui l’ont aimé. Rien ne fut plus fort que ce chant « On lâche rien, on lâche rien ! » qui l'a rendu tangible à tous. Son combat soudainement a pris corps, s’est transcendé, a diffusé dans les travées et provoqué frisson et tension. La vie éternelle c’est celle des idées et des combats, ce ne sont certes plus les mensonges éculés des valets des pouvoirs.

Il me fallait écrire cela au risque de choquer les derniers tenants d’une tradition usée jusqu’à cette pauvre corde qui actionne le bourdon. Une minorité impose encore l'idée obsolète de Dieu comme viatique pour l'éternité, une conception qui justifie tant d’atrocité qu’il conviendrait de l’éradiquer à jamais. Le monde se porterait bien mieux sans les religieux de toutes les obédiences et chapelles en voie d’effondrement. La vie est un si bref passage que nous ne devrions pas nous encombrer de telles niaiseries, de si incroyables supercheries. Que les cloches battent à la volée pour ponctuer le départ de l’ami mais qu’elles cessent de nous imposer leur lugubre bourdon.

Irrévérencieusement vôtre.

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