20C/501Y.V2 ; un variant sud-africain du SARS-CoV-2 ; plus contagieux ou plus politique ?

par Bernard Dugué
lundi 28 décembre 2020

 Après le variant B.1.1.7 qui se propage dans le sud de l’Angleterre en inquiétant les autorités, c’est un autre variant, désigné par le nom de code B.1.351, qui inquiète les épidémiologistes car lui aussi serait censé être plus contagieux. Ce « variant » circule abondamment en Afrique du Sud. Il partage avec son homologue britannique une mutation N501Y dont le résultat est de remplacer une asparagine par une tyrosine. Cette mutation est suivie de près car elle porte sur le domaine de liaison (RBD, résidus 330 à 520) de la protéine S, mais sans qu’on ne puisse en déduire une facilité plus grande à pénétrer dans une cellule hôte. Tout au plus des études biochimiques peuvent indiquer une affinité accrue pour le récepteur ACE2 sans que cela n’impacte la contagiosité. De plus, cette mutation n’est pas isolée, le domaine RBD étant connu pour être variable. En fait, les mutations observées sur S se comptent en milliers et celles concernant RBD en centaines, la plupart étant enregistrées sur un, deux ou trois génomes séquencés et notés dans la banque de donnée Gisaid.

 

 Rien n’indique une relation entre une mutation et une contagiosité. Il suffit qu’un variant se propage à partir d’un foyer de contamination, puis diffuse dans une région ou dans le monde, pour que cette mutation devienne dominante. Ce fut le cas de la D614G dont la presse a beaucoup parlé et qui est couplée à la P323L. Plus de 200 000 séquences contenant ces deux mutations sont enregistrées. On les voit apparaître sur l’arbre phylogénétique publié sur le site Nextstrain géré par des scientifiques Suisses. Les mutations R203K et G204R sur la protéine N de la nucléocapside ont quelque 90 000 descendances et figurent sur le variant B.1.1.7. En revanche, il suffit qu’un variant n’affecte qu’un seul patient alors que la chaîne de contamination est interrompue pour que ce variant ne circule plus. C’est le cas pour la majorité des variants.

 

 Le variant sud-africain B.1.351, signalé comme 20C/501Y.V2 sur Nextstrain, compte 15 mutations génétiques produisant plus de 10 substitutions d’acides aminés, dont trois sont apparues simultanément sur la protéine S (215, 484, 501). Quelque 215 descendants sont enregistrés. Ce variant n’est pas resté en l’état puisqu’il est suivi d’une mutation K417N notée sur 210 descendants. Ce qui fait au moins trois mutations sur le domaine de liaison. Si je dis au moins, c’est qu’au fil du temps et de la circulation virale, les mutations ne cessent de se produire avec une vitesse très élevée, ce qui n’a rien d’étonnant car plus il y a de virions en circulation, plus le nombre de mutations augmente. La divergence des variants issus du « clade 20C/501Y.V2 » se situe entre 25 et 30, ce qui est du même ordre que pour les variants issus du clade anglais surveillé de près depuis un mois et comptant déjà 23 mutations. La séquence N00342/2020 enregistrée en Afrique du Sud a une divergence de 25 ; elle affiche pas moins de sept mutations protéiques, 3 délétions sur ORF1a, 2 substitutions sur ORF1b, 2 délétions et une substitution sur S. Ce phénomène des divergences mutationnelles ne peut que s’amplifier avec la circulation du virus et le phénomène d’accumulation des modifications. Il faut s’attendre à voir apparaître des dizaines de variants jugés tout aussi inquiétants que les deux soi-disant « souches », anglaise et sud-africaine, dont les disséminations ne peuvent être stoppées.

 

 Des variants ayant une divergence supérieure à 20 et une descendance, nous en avons sur tous les continents. Il suffit de regarder les derniers enregistrements, Aux Etats-Unis, au Brésil, en France, en Espagne ou même en Tunisie. Ces virus divergents accumulent autant de mutations que les variants anglais et sud-africains, y compris sur la protéine S. La propagation d’une mutation dépend de la circulation virale, de l’existence de petits clusters ou de foyers plus larges. Il y a fort à parier que le variant anglais ne soit pas plus contagieux. En revanche, on est certain que ce variant a été très contagieux dans les médias et les milieux politiques. Il ne pourrait bien que Boris Johnson ait pris prétexte de cette sorte de « fake lyssenkiste » pour reconfiner le pays et si nous ne sommes pas vigilants, c’est ce qui risque de nous arriver en France, sous réserve d’un frémissement dans les admissions combiné à la détection de ce variant sur le territoire.

 

 

Variant sud-africain : https://nextstrain.org/ncov/africa

Variant britannique : https://nextstrain.org/groups/neherlab/ncov/S.N501?c=gt-S_501

 

Pour suivre les mutations dans le monde

 

https://nextstrain.org/sars-cov-2/

 

http://cov-glue.cvr.gla.ac.uk/#/replacement

 


Lire l'article complet, et les commentaires