Ardavan Amir-Aslani : l’avocat atypique de Laeticia Hallyday

par Nicolas Kirkitadze
lundi 20 août 2018

 "Je suis arrivé en France il y a quarante ans, sans parler un mot de français, la France m'a donné ma chance", déclarait-il samedi dernier au micro de BFM TV. L'homme aux lunettes cerclées et au costume élégant est Ardavan Amir-Aslani : un avocat franco-iranien de 53 ans, spécialiste du droit international qui a acquis une notoriété médiatique nationale en devenant l'avocat de Laeticia Hallyday dans le cadre du litige qui oppose cette dernière aux enfants aînés de Johnny. Arrivé en France peu après la révolution islamique de 1979, sans rien connaître à la France, il a vite assimilé la culture de son nouveau pays, au point d'effectuer de brillantes études à Assas (où, à l'époque, le GUD était encore plus puissant et radical qu'aujourd'hui) et devenir un avocat réputé pour sa rigueur et son efficacité. Le cabinet Cohen & Amir-Aslani, dont il est associé, conseille aussi bien les particuliers que les sociétés et les États. En outre, maître Amir-Aslani est un colonel de réserve au sein de la Gendarmerie et un mécène qui, en fervent adepte de la méritocratie républicaine, a créé des bourses pour accompagner les jeunes de banlieue dans leur formation et leur insertion professionnelle.

Parmi ses faits d'armes, on peut compter la saisine du yacht de Saddam Hussein (estimé à près de 23 millions d'euros) en 2008. On peut également citer sa défense de la famille royale du Bahreïn engluée dans l'affaire Alba (un contentieux à un milliard de dollars !) ou encore la relaxe de Faouzi Lamdaoui, l'ancien conseiller de François Hollande, soupçonné d'abus de biens sociaux et de fraude fiscale. Durant sa carrière, Me. Amir-Aslani a aussi été l'avocat de grands groupes (Vinci, Bolloré) et d'États comme l'Indonésie ou le Pakistan. Des services qui lui ont valu d'être décoré par plusieurs pays (Djibouti, République Dominicaine) ainsi que par la Légion d'Honneur et l'Ordre National du Mérite. Enfin, maître Amir-Aslani est un essayiste spécialisé dans les questions géopolitiques ayant trait au Moyen-Orient. Auteur d'une dizaine d'ouvrages (dont La Guerre des Dieux et De la Perse à l'Iran), il dispense des cours à l'École de Guerre Économique et aurait été consulté par les commissions parlementaires et l'armée sur des sujets hautement sensibles.

A première vue, l'avocat pétri de questionnements philosophiques et spirituels semble donc bien loin du monde du rock et des paillettes. C'est pourtant là que le destin l'y mène dès 2009 lorsqu'il est contacté par les assureurs de Johnny Hallyday qui assignent en justice le chirurgien Delajoux suite à l'hospitalisation et au coma du rockeur. Les deux hommes, issus de milieux totalement différents, apprennent à se connaître et à s'apprécier – ils ne se tutoient pas mais finissent par tisser au fil des années des rapports plus que cordiaux. Défendre une figure phare de la chanson française est vécu comme un honneur par l'avocat franco-iranien qui en parle encore avec émotion. De fait, la rencontre des deux hommes se situe à un moment où, comme le confie un proche de Johnny, la star "éprouvait l'envie de remettre les choses en ordre". De nombreux avocats, plus ou moins bien intentionnés, l'avaient en effet poussé à investir dans des paradis fiscaux. "Nous avons tout régularisé", assure maître Amir-Aslani qui témoigne de la grande détermination de Johnny : "L'artiste a voulu que les choses soient comme ça, de manière incontestable. Personne n'avait d'ascendant sur Johnny. Ni sa femme, ni moi", déclare-t-il à propos du testament contesté, dont il connaissait l'existence depuis 2014, selon l'Express.

Suite au décès de l'artiste et du psychodrame familial qui s'ensuit, Ardavan Amir-Aslani devient l'avocat et, de fait, le porte-parole de Laeticia dont il s'emploie à redorer l'image dans les médias, la décrivant comme "une femme d'une grande sérénité", balayant d'un revers de main l'affirmation selon laquelle elle n'aurait pas contacté les enfants Smet après le décès de leur père. Après le gel des avoirs de Johnny le 13 avril 2018, il déclare ne pas vouloir faire appel et assure que sa cliente est prête à tendre la main à David et Laura Smet : "Laeticia n'est pas une femme qui exclut et refuse mais qui unit tout le monde. Elle serait très heureuse de se réconcilier avec les enfants du premier lit de l'artiste", déclarait-il face à Ruth Elkrief. Il décrit sa cliente comme une femme généreuse qui a donné des centaines de milliers d'euros à des associations caritatives, loin de l'image que la presse jaune veut apposer à la veuve du rockeur.

S'il y a une chose qui exaspère l'avocat, ce que l'on appelle sa cliente "Boudou" (qui est le nom de jeune fille de Laeticia) : "Ce n'est pas Mme. Boudou mais Mme. Smet, elle a été Mlle. Boudou a une époque mais cela remonte à deux décennies ! Elle a passé vingt-deux ans avec Johnny dont elle a pris le nom", s'est-il ainsi insurgé sur le plateau de RTL où il en a profité pour dénoncer "une campagne médiatique orchestrée contre [sa] cliente que l'ont veut faire passer pour une harpie manipulatrice".

Il n'hésite pas, en outre, à comparer cette affaire à… l'affaire Dreyfus : "La France est divisé en deux : ceux qui ont choisi la justice et ceux qui insultent. Ceux qui veulent respecter la mémoire de l'artiste et ceux qui veulent soutenir ses enfants au nom d'un prétendu droit à l'héritage qui est un reste de l'Ancien Régime où la noblesse a institué cette règle pour que le château reste dans la famille. Moi, je ne suis pas du côté de la noblesse mais du côté du peuple", s'emporte-t-il, agacé par cette règle archaïque inexistante dans la plupart des pays du monde.

De fait, le droit anglo-saxon, inspiré par le libéralisme politique et le positivisme juridique (contrairement au droit français dont les fondements sont catholiques et jusnaturalistes) donne une liberté totale en matière d'héritage, et il arrive souvent que les multimilliardaires laissent seulement une maigre part (voire rien du tout) à leur progéniture. Bien souvent, ces décisions ne sont pas le fruit d'une brouille entre parent et enfant mais une simple volonté de méritocratie : dans le protestantisme, chacun est responsable de son Salut, une vision qui déteint également sur la vie d'ici-bas où chacun est censé bâtir sa fortune et non compter sur l'héritage ancestral que le droit latin sacralise. Le terme "disinherit" (déshériter) est d'ailleurs très rarement usité en anglais où l'héritage par filiation constitue tout sauf une norme naturelle inaliénable.

A ceux qui arguent que, quoi qu'il en soit, Johnny relevait du droit français, l'avocat réplique : "Il a vécu les dix dernières années de sa vie aux États-Unis et a enregistré ses albums là-bas. Il avait la green-card et vivait par conséquent là bas six mois par an. C'est aussi en Californie qu'il payait ses impôts". Pour lui, sa cliente "a la loi pour elle".

Il dénonce cependant régulièrement les "propos odieux" dont Laeticia fait l'objet et assure recevoir lui-même des lettres d'injures et de menaces depuis qu'il est devenu son conseil. Son expérience au sein du monde du showbiz semble laisser un goût amer à l'avocat épris de grandeur qui juge ce milieu "médiocre, faux et superficiel".


Lire l'article complet, et les commentaires