Le temple de Salomon

par Emile Mourey
vendredi 13 avril 2007

A Jérusalem, où les archéologues israëliens continuent à faire des fouilles pour retrouver l’histoire de leur passé au vu des Palestiniens, la situation est tendue. Une émission récente de « C dans l’air » l’a très justement rappelé. Mais est-il vraiment prouvé que le temple de Salomon se soit élevé sur l’esplanade des Mosquées ?



Il faut reprendre l’histoire à son début.

Les Hourites d’ Aryok, les Elamites de Kedorlaomer et les Hittites de Tidéal s’étaient ligués pour faire la guerre à Lot (Gn 14, 12). Lot marchait, enchaîné, prisonnier de ses vainqueurs. Alors, Abraham rassembla trois cent dix-huit soldats et il se lança à la poursuite des ravisseurs de son frère (Gn 14, 14). Après la victoire d’Abraham, Melchisédech, roi de Salem - la cité jébouséenne : Jérusalem - apporta du pain et du vin, et il bénit Abraham, disant : « Béni soit El, le Dieu Très-haut, créateur du ciel et de la terre, parce qu’il t’a donné la victoire ! » ( Gn 14, 18 à 20).

Cela se passait il y a quatre mille ans.

Question : « Où les trois cent dix-huit soldats d’Abraham tenaient-ils garnison ? »

Réponse : « Dans la forêt de chênes de Mambré, à Hébron ( Gn 13, 18). »

Question : « Où se trouvait la ville de la cité jébouséenne ? »

Réponse : l’archéologie confirme les données de la Bible : sur la colline basse de Jérusalem.

Question : « Qu’était la ville jébouséenne, alias Jérusalem, au temps d’Abraham ? »

Réponse : « Une ville cananéenne fortifiée, qui remerciait, certes, Abraham d’avoir écarté un danger extérieur, mais qui n’allait pas jusqu’à lui ouvrir ses portes. »



Mille ans plus tard, il en était toujours ainsi : « Le roi David, avec ses hommes, marcha sur Jérusalem contre les Jébouséens, habitants du pays. Ceux-ci dirent à David : "Tu n’entreras pas ici" » (2 Sam 5, 6).

Tout cela est très clair : le roi David, avec ses troupes, était toujours en garnison à Hébron (2 Sam 5, 1). Mais alors qu’Abraham ne pouvait mettre sur les rangs que trois cent dix-huit soldats, David était en mesure d’en aligner trente mille (2 Sam 6, 1).


Contrairement à ce que pensent les exégètes, le livre de Samuel ne dit pas que le roi s’empara de la Jérusalem des Jébouséens ; il dit seulement qu’il s’empara de Sion, laquelle devint la cité de David (2 Sam 5, 7).

Où faut-il situer Sion ? La logique tactique et stratégique a ses lois contre lesquelles les archéologues ne peuvent aller : David était intellectuellement obligé de s’installer sur la colline haute qui dominait celle des Jébouséens, là où se trouve actuellement le quartier arménien.

Les archéologues israéliens ont retrouvé des vestiges de fondations sur les flancs de la colline basse. Ils ont raison d’y voir les plus anciens vestiges du site. Ils ont raison d’y voir les fondations des murailles de l’ancienne ville jébouséenne mais c’est une erreur que font certains d’y chercher en avant les vestiges de la cité de David.

Puis David bâtit tout autour (2 Sam 5, 9). Là aussi, la logique tactique et stratégique a ses lois. David était intellectuellement obligé d’entourer sa position - la colline haute - d’une enceinte fortifiée plus ou moins circulaire.

A ce moment-là, on peut affirmer sans hésitation qu’il existait deux positions fortifiées, l’une sur la colline basse, Jérusalem, l’autre sur la colline haute, Sion. Jérusalem, une ville pécheresse tenue par les Jébouséens et Sion, une ville sainte tenue par les Hébreux, chacune entourée de ses propres murailles. Ce n’est que par la suite que d’autres murailles englobèrent tout l’ensemble.

Puis David se fit construire une maison en pierre (2 Sam 5, 11), donc à l’intérieur de cette enceinte de Sion. Puis, dans sa citadelle (2 Sam 6, 16), il fit transporter l’arche d’alliance qu’il abrita sous une tente (2 Sam 6, 16 à 18 et 1 Chr 15, 1 et 16, 1). De la tribu d’Israël, ils étaient trente mille à accompagner le roi (2 Sam 6, 1).

Puis Salomon commença à bâtir la maison de Yahvé à Jérusalem, sur ce mont Moriyya, où Yahvé était apparu à David, son père, à l’endroit que David avait fixé sur l’aire d’ Ornân le Jébouséen (2 Chr 3, 1). (Il ne faut pas confondre ce mont Moriyya avec le pays de Moriyya où Abraham faillit sacrifier son fils Isaac).

Puis, on porta l’arche d’alliance de la tente à la maison en présence de tout le peuple, et devant l’arche, on sacrifia une très grande quantité de moutons et de bœufs (1Rs, 8).

Conclusion

colline basse = oppidum des Jébouséens = Jérusalem

colline haute = oppidum des Hébreux = mont Moriyya = mont Sion

Après la déportation de Babylone, les exilés revinrent à Jérusalem. Cyrus ayant donné, paraît-il, l’autorisation de reconstruire la maison de Yahvé, Esdras fit remettre l’autel à son emplacement ( Esd 3, 3) et reconstruire le temple ( Esd 3 à 6).

Puis, en l’an cent soixante-quatre avant J.-C., Judas et ses frères reprirent possession du mont Sion. Voyant les portes brûlées, la végétation qui poussait partout sur les parvis, les nefs effondrées, ils déchirèrent leurs vêtements, tombant face contre terre ; puis, se redressant, ils poussaient de lugubres cris vers le ciel (1 Mac 4, 36 à 40). Pendant qu’ils purifiaient le lieu saint, d’autres attaquaient les Macédoniens qui tenaient la citadelle (1 Mac 4, 41)... de David. Puis ils reconstruisirent le temple, les remparts et les tours (1 Mac 4, 60).

Jusque-là, on peut dire que la maison de Yahvé se dressait toujours sur le mont Sion, sur la colline haute, même si le(s) temple(s) d’Esdras et de Judas était bien différent du temple de Salomon quant à son style et à ses dimensions.

Au Ier siècle avant J.-C., quand Flavius Josèphe nous décrit avec admiration le palais d’Hérode (Guerre des Juifs, V, 176 à 183), ce n’est évidemment pas d’un simple bâtiment qu’il s’agit, mais de tout un quartier qui ne peut être que le mont Sion, avec ses anciens édifices sacrés. Manifestement, le temple de Salomon n’est alors plus qu’un vague souvenir où l’imagination se perd. Le judaïsme, quant à lui, s’est répandu dans le monde entier. Flavius Josèphe écrit qu’il n’était pas un peuple au monde qui ne possédât quelque élément de la race juive (Guerre des Juifs, II, 398).

Il y a une logique de l’Histoire. Pour accueillir les pélerins et les dons de la diaspora, la construction d’un nouveau temple s’imposait, un temple monumental à la mesure de l’importance de cette diaspora. Ce sera le troisième temple, celui de l’esplanade des Mosquées, le temple du roi Hérode.

Les fondations du temple - plus modeste - de Salomon, c’est dans le quartier arménien qu’il faut les chercher.

Cet article est un extrait de mes ouvrages et une réécriture

E. Mourey

http://www.bibracte.com


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