Jésus avait deux fils...

par lucien
mercredi 12 novembre 2014

Aujourd’hui mercredi 12 novembre sort aux Etats-Unis un livre qui prétend s’appuyer sur un manuscrit du VIème (ap JC) retrouvé à la British Library. Selon ce document jusqu’ici inconnu, Jésus aurait eu deux enfants avec une amie.

Deux enfants car les sexes ne sont pas précisés dans les articles journalistiques d’outre-manche. La génitrice serait Marie-Madeleine. Nous n’avons pas encore lu le livre en question mais quelques réflexions s’imposent avant que la presse mainstream animée par nos journalistes à l’éthique irréprochable n’inonde les foyers français de cette nouvelle tarte à la crème.

Quelques mots sur les auteurs

Simcha Jacobovici (Né en 1953 près de Tel Aviv, Israël) est engagé dans de nombreuses associations juives (médaille de la Knesset en 1980) et a co-réalisé avec James Cameron un documentaire pour Discovery Channel intitulé « La tombe perdue de Jésus » (2007). Il a suivi des études philosophiques et de sciences politiques.

Barrie A. Wilson (Né en 1940 à Montréal) a également un cursus universitaire en philosophie mais aussi en études bibliques d’orientation protestante assurément basées sur la méthode historico-critique. On notera parmi ses publications, en 1981 : « Interprétation, Méta-Interprétation et Œdipe-Roi » publiée à L’Université de Berkeley (où enseigne Judith Butler). En 2008, il publie « Comment Jésus est devenu chrétien », livre qui tente d’étayer la thèse d’un Jésus simplement homme divinisé par ses amis, prétendant confirmé en cela une des thèses de l’exégèse positiviste qui sépare le Jésus de l’Histoire du Jésus de la foi. Ce livre a reçu le prix Joseph et Faye Tanenbaum d’histoire aux Books Awards juives canadiennes en 2009.

Quelques mots sur les « révélations »

On nous annonce « un manuscrit récemment décodé qui découvre des révélations inédites sur la vie et l'époque de Jésus de Nazareth » (http://pegasusbooks.com/books/the-lost-gospel-hardcover)

Ce document « redécouvert à la British Library est un ancien manuscrit de l'Église primitive, copié par un moine anonyme ». Selon les sources journalistiques, ce document serait en araméen ou en syriaque. On est par contre plus précis sur le canal d’achat : amazon.com (25 €).

« Ce que les auteurs découvrent finalement est aussi étonnant que surprenant : la confirmation du mariage de Jésus à Marie-Madeleine ; les noms de leurs deux enfants ; la présence imposante de Marie-Madeleine ; un terrain jusque-là inconnue sur la vie de Jésus, soit 13 ans avant la crucifixion ; une tentative d'assassinat contre Marie-Madeleine et leurs enfants ».

Mais outre que Jésus n’a finalement pas été crucifié, on découvre aussi « la connexion de Jésus à des personnalités politiques au plus haut niveau de l'Empire romain ; et un mouvement religieux qui est antérieure à celle de Paul-de l'Église de Marie-Madeleine. Partie roman policier historique, partie aventure moderne, L’évangile perdu révèle les secrets qui ont été cachés à la vue des millénaires ».

Quelques mots sur la crédibilité du manuscrit

Nommé ce document un évangile semble impropre puisqu’il s’agit selon toute vraisemblance d’un roman juif de tendance gnostique.

En attendant d’avoir des informations plus précises au-delà de l’effet d’annonce commercial, les auteurs semblent avoir l’honnêteté de reconnaître dans leur œuvre que ce document extraordinaire… ne mentionne pas Jésus une seule fois mais parle d’un certain Joseph qui présenterait « des ressemblances frappantes aux Christ ». La femme d’ailleurs ne s’appelle pas une seule fois Marie-Madeleine dans le texte en question mais Aseneth.

Bon. Mais en cherchant un peu, on se rend compte qu’un roman juif mettant en scène Joseph et Aseneth est recencé habituellement dans les collections classiques de la littérature juive…

La notion de « décodage » est classique dans l’exégèse moderne qui s’imagine toujours que le Bon Dieu s’est révélé à travers un labyrinthe déchiffrable par quelques spécialistes initiés. Bonjour la révélation pour le salut du monde ! Sans nier différentes strates de signification, les écritures révélées utilisent des métaphores accessibles à tous.

En attendant d’avoir des compléments d’informations sur cette nouvelle imposture parfaitement traçable, nous nous permettons de suggérer plus que jamais un esprit de discernement et de prudence afin de séparer le vrai du vraisemblable. Bref, des deux enfants, on saura peut-être si le plus jeune lui a demandé la part qui lui revenait. Concernant les deux auteurs, sans doute des claques qui se perdent.


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