La Commission canadienne des droits de la personne absout l’imam Al-Hayiti accusé de propos injurieux

par Pierre R. Chantelois
vendredi 19 décembre 2008

Selon le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), la communauté musulmane est présente dans la ville de Québec depuis 1962 ; elle est diversifiée de par les cultures et les traditions provenant de nombreux pays. On y parle plus de 10 langues, y compris le français, langue commune d’échange parlée et écrite, qui est même utilisée dans le prêche canonique de la prière collective du vendredi.

Dans un mémoire qu’il présentait à la Commission Bouchard-Taylor, en 2007, le CCIQ déplorait le fait que les femmes musulmanes font face à de grandes difficultés dans la recherche d’emploi notamment au Québec et particulièrement dans la ville et la région de Québec. Le taux de chômage des femmes portant le foulard est impressionnant et ce malgré leurs compétences reconnues et leur niveau d’éducation élevé. Cela a beaucoup de conséquences néfastes autant pour la société que pour ces femmes.

Le CCIQ constatait également, entre autres récriminations, que les médias avaient tendance à susciter des irritants au sein de la société québécoise. En effet, le CCIQ remarque que les médias présentent des cas précis d’accommodements raisonnables, entre personnes ou des arrangements entre des groupes, comme étant des exemples de menaces aux valeurs québécoises et à l’équilibre de la société.

Fort d’une tradition de tolérance du Québec, le CCIQ poussait plus loin ses réflexions sur le comportement que devait adopter la population à l’égard des autres religions : « La laïcité est un terme qui reste à définir. À cet effet, il suffit de comparer l’application de la laïcité en France et aux États-Unis, pour ne nommer que ces deux pays, pour comprendre la grande différence dans les champs d’action de la laïcité. Le modèle québécois incarne une laïcité respectueuse des religions, et non pas une laïcité anti-religieuse qui devient un nouveau dogme en permanente confrontation avec les religions existant au Québec, et plus particulièrement celles qui ne font pas partie du patrimoine chrétien catholique de la Province. [...] Les musulmanes et les musulmans habités par leur foi offrent des exemples très pertinents sur l’indissociable expression de foi aussi bien dans la sphère privée que dans le domaine public ».

Abou Hammaad Sulaiman Dameus Al-Hayiti se présente comme un imam salafiste. L’an dernier, il a été congédié de la mosquée Dar al-Arqam de Montréal. Cet imam controversé a publié un ouvrage non moins controversé - L’Islam ou l’intégrisme - disponible sur internet. Il expose dans cet opus sa vision de l’Islam dont voici que quelques extraits significatifs :

· Les homosexuels « sèment le désordre sur la terre »

· Les homosexuels et les lesbiennes méritent d’être « anéantis dans cette vie »

· « Le fait d’envoyer nos enfants, garçons ou filles, à l’école avec les mécréants dans leurs écoles a des effets dévastateurs sur leurs croyances, leurs comportements et leurs caractères. Car les enfants des mécréants sont les enfants les plus pervers qui soient et ils adoptent très tôt le comportement de leurs parents »

· « Et le fait de fréquenter des mécréants risque de créer dans le cœur de nos enfants, de l’amitié pour eux, ce qui représente une contradiction des fondements de l’Islam. Car l’Islam interdit de prendre même les plus proches parents comme amis s’ils sont des mécréants »

· « L’homme est supérieur et meilleur que la femme ». En général, « l’homme est plus complet dans son intellect et dans sa mémoire que la femme »

· « Les mécréants le reconnaissent aussi, mais ils ne veulent pas accepter la vérité parce qu’ils sont aveuglés par leurs passions  »

· « Les conséquences de l’impudeur sont « les viols, les maladies vénériennes, le Sida, l’herpès, les familles monoparentales, la délinquance, la pauvreté, l’ignorance et tant d’autres »,

· « Si une musulmane est mariée à un non-musulman ... leur mariage est invalide, elle est en réalité dans l’adultère »

· « C’est à cause de cette religion de mensonge [le christianisme], qui va contre la nature humaine, que l’Occident est aujourd’hui noyé dans la perversité, dans la corruption et l’adultère  »

· « La démocratie est un système qui s’oppose totalement à l’Islam »

Pour ceux ou celles qui souhaitent lire l’ouvrage dans son entier, voici l’adresse du lien.

Né à Montréal, M. Al-Hayiti prêche essentiellement dans le cyberespace, où il met en ligne ses écrits en français et des fichiers sonores numériques de ses sermons en français et en arabe. Point de BASCULE Canada se veut un regroupement de citoyens et citoyennes qui cherchent à exprimer leur attachement aux droits de la personne et à la liberté d’expression. Il entend se consacrer à l’examen de ce qu’il estime être les dérives de l’islamisme. Le 11 avril 2008, Marc Lebuis, son éditeur, dépose une plainte pour « propagande haineuse » devant la Commission canadienne des droits de la personne contre l’imam salafiste montréalais. Selon l’éditeur, « les écrits de l’imam sont suprématistes, haineux et méprisants envers les personnes faisant partie des groupes suivants : les homosexuels, les mécréants (les non musulmans), les femmes, les Juifs, les Québécois (comme groupe ethnique et minorité nationale) ».

L’imam Al-Hayiti fait parvenir à la Commission canadienne des droits de la personne une lettre demandant le rejet de la plainte de l’éditeur de Point de BASCULE Canada. L’Imam explique la publication de son ouvrage, objet de la plainte, en ces termes (orthographe non retouché) : « Je me suis converti à l’Islam il y a de cela 18 ans maintenant. Depuis ce temps, il n’y a pas eu un jour où on ne s’est pas attaquer à l’Islam dans les médias. On appel ouvertement à la haine de la Shari’ah et des musulmans « intégristes » « au nom de la liberté et ont fait même des amalgames entre terrorisme et Islam ! C’est donc pour cette raison que j’ai écrit, l’Islam ou l’Intégrisme. C’est une réponse pacifiste à toutes ces attaques contre ma religion qui est l’Islam orthodoxe ! Je dis pacifiste, parce que même si le ton du livre est dur, il ouvre la porte à un vrai dialogue ».

La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a rejeté la plainte déposée en vertu de l’article 13 sur la propagande haineuse par monsieur Marc Lebuis. Dans une lettre envoyée au plaignant, la commission affirme que : « « ...la majorité des références dont il est question dans L’islam ou l’intégrisme concernent les « infidèles », les « mécréants » ou « les femmes de l’Occident ». Il s’agit de catégories de personnes très générales et diversifiées qui ne constituent pas un « groupe identifiable » tel que décrit à l’article 13. Comme nous l’avons également mentionné, les passages qui identifient les groupes en fonction d’un motif de distinction illicite (homosexuels, lesbiennes, chrétiens, Juifs et femmes non musulmanes) ne semblent pas promouvoir la « haine » ni le « mépris » comme il est mentionné dans l’affaire Taylor. C’est pourquoi le document dont il est question ne semble pas répondre aux critères relatifs au dépôt d’une plainte en vertu du paragraphe 13(1) de la LCDP ».

L’article 13 de Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R., 1985, ch. H-6) se lit comme suit : « Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d’un commun accord, d’utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d’une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l’article 3 ». Ces critères de l’article 3 sont : « [...] ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience ».

Monsieur Al-Hayiti a commenté la décision du Tribunal en disant que « ce verdict vient confirmer ce que j’ai écrit au sujet des droits de l’homme. Je dis et je répète : la Shari’ah d’Allah est supérieure à toutes les chartes et à toutes les lois parce qu’elle est parfaite ».

Mario Roy, du quotidien La Presse, de Montréal, note en éditorial  : « Pas de groupes identifiables ni de haine ni de mépris, donc, lorsque l’imam parle des homosexuels et des lesbiennes, appelant Allah pour qu’il « les maudisse et les anéantisse dans cette vie et dans l’autre » (page 181). Ou des juifs qui « ne recherchent que les intérêts matériaux et l’argent, à part cela ils n’ont rien » (page 284). Ou des « femmes mécréantes qui ont été séduites par le discours enfantin, naïf et simpliste du féminisme » (page 161). Ou des « enfants des mécréants qui sont les enfants les plus pervers qui soient » (page 156). Il est difficile de prendre connaissance de cette prose sans pouffer de rire - exactement comme dans le cas du suprémaciste blanc. Seulement, on se demande de quel œil la CCDP l’aurait lue si elle avait été signée John Smith ou Joseph Tremblay ».

Marc Lebuis, le plaignant, est excédé par cette décision. Il en tire trois conclusions :

· Si vous faites partie d’une minorité, vous pouvez en toute impunité tenir un discours haineux et méprisant envers la majorité ou envers d’autres minorités. Les normes de tolérance, de respect et de civilité applicables à la majorité ne s’appliquent pas à vous. L’égalité en droit, selon la CCDP, n’existe donc plus.

· Si vous faites partie d’une minorité religieuse, vous pouvez en toute impunité propager une idéologie suprématiste et prôner l’extermination d’autres minorités, et même de la majorité, si c’est la doctrine de votre religion.

· Si vous faites partie de la majorité, et que vous critiquez l’idéologie suprématiste, totalitaire, antidémocratique, séditieuse et liberticide d’une minorité, vous risquez d’être poursuivi.

Il convient de noter, en conclusion, que la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) avait, à la suite d’une plainte du Congrès islamique canadien, condamné un magazine canadien, MacClean’s, pour avoir publié un texte, en octobre 2006, « L’avenir appartient à l’islam », de Mark Steyn, affirmant que, dans quelques années, il y aura plus de musulmans que de chrétiens en Occident.

Et si un commentateur francophone de Montréal tenait ces propos de Pat Condell, quelle décision en tirerait la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) ?

 Pierre R. Chantelois




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