Le rapport Miviludes : un excellent antidote au forcing du retour de la religion dans l’Etat...

par sisyphe
lundi 7 avril 2008

Les médias ne lui ont pas fait une énorme publicité ; pourtant le rapport produit par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est tout à fait instructif sur les pratiques sectaires, et vient éclairer d’une lumière crue les déclarations d’Emanuelle Mignon, directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, venant après les déclarations de Michèle Alliot-Marie, et les nombreuses positions du chef de l’Etat, Archevèque de Latronche (c’est pas ça ?), traduisant la volonté concertée et délibérée du retour du religieux dans la sphère publique.

Rappelons, d’abord les propos précisément tenus (certainement pas par hasard) par Emanuelle Mignon : « La lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets. Mais, en France, les sectes sont un non-problème (...) La liste des mouvements sectaires établie en 1995 est scandaleuse (...) Quant à la scientologie, je ne les connais pas, mais on peut s’interroger. Ou bien c’est une dangereuse organisation et on l’interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l’ordre public et ils ont le droit d’exister en paix ».

« Mais ce n’est pas parce qu’un mouvement spirituel n’appartient pas officiellement à une Église traditionnelle, comme l’Église catholique, qu’il est nécessairement sectaire. Si ces mouvements ne troublent pas l’ordre public, il n’y a pas de raison de les interdire par respect pour la liberté de conscience ». « Je ne connais pas précisément le dossier de la scientologie, mais si ce mouvement ne crée pas de trouble à l’ordre public et s’il n’est pas à l’origine d’abus de faiblesse de gens, notre législation ne permet pas de l’interdire ».

Or, comme le pointe le rapport de la Miviludes,

"Les sectes évoluent, mais elles sont toujours là", estime Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes qui souligne qu’à partir de 2000 elles se sont "engouffrées" dans le domaine de l’accomplissement de soi, les unes dans l’humanitaire, les autres dans les techniques de "recherche de son moi profond".

Le rapport dénonce notamment le "faux souvenir induit" qui résulte de "techniques d’autosuggestion" ou de l’influence de certains thérapeutes qui manipulent le patient en l’amenant à se rappeler des abus subis dans la petite enfance.


Ce phénomène, apparu aux Etats-Unis dans la seconde moitié du XXe siècle, "se développe de manière inquiétante en France", selon la Miviludes.

La Miviludes s’est encore intéressée à la vente multi-niveaux, qui consiste à vendre des produits ou services, le plus souvent liés au bien-être, et à convaincre les acheteurs de devenir vendeurs à leur tour. Ils n’ont pas de contrat de travail, sont rémunérés au pourcentage, et les plus convaincus finissent par quitter leur travail et ne plus fréquenter que les membres du réseau.

Au chapitre du lobbying, le rapport 2007 se penche sur les pratiques de mouvements comme la scientologie, les raéliens ou les témoins de Jéhovah, qui s’adressent aux organisations internationales pour dénoncer la lutte contre les dérives sectaires, au nom de la liberté religieuses. La Miviludes cite leurs interventions auprès du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE.

Le texte pointe encore le néo-chamanisme et l’usage de la datura, plante toxique, qui tend à remplacer l’iboga, inscrit au tableau des stupéfiants.

Le rapport chiffre entre 250 000 à 300 000 personnes les victimes des abus sectaires en France ou les gens appartenant à ces mouvements.

(pour ceux que ça intéresse de le consulter dans son intégralité)

Mais il est clair que les propos tenus par Emanuelle Mignon, venant après ceux de Michèle Alliot-Marie sur (je cite) "La séparation entre associations cultuelles et culturelles, avec les différentes restrictions posées aux premières, mérite sans doute d’être revue. Cela ne me semble pas poser de problèmes. Il faudra voir selon quelles modalités se feront ces évolutions : décret, circulaires..." et, surtout, les différents discours de Nicolas Sarkozy : à Rome, à Ryad, à Paris, sur la "laïcité positive" et le domaine de la spiritualité réservé aux seuls représentants des diverses religions (L’instituteur qui ne vaudra jamais le prêtre, etc.) s’inscrivent dans un mouvement d’ensemble, parfaitement orchestré, de lobbying intense du retour de la religion dans la sphère publique.

On lira, à cet égard, avec grand intérêt, l’ampleur du lobbying sectaire auprès de l’OSCE, une des plus importantes institutions européennes. Extraits de ce chapitre brûlant :
http://www.bakchich.info/article3205.html

On évoquera, encore, la récente "réapparition de Martine Boublil, sœur d’un des plus influents membres de la scientologie en France, séquestrée, et soumise aux méthodes de lavage de cerveau, selon la méthode préconisée par Ron Hubard de "l’isolation watch".

On voit bien que, plus que jamais, la vigilance s’impose, pour empêcher l’insidieux retour de la religion dans les lois de la République, notamment, par une modification "par décret", comme l’avoue MAM, de la loi de 1905 : un des buts, et non des moindres, étant, bien sûr, de faire reconnaître aux associations "cultuelles et culturelles" liées aux mouvements religieux, les mêmes droits (et donc financements) que les associations d’intérêt public laïques, et de favoriser la privatisation progressive de l’école, au détriment de l’école publique de la République (à laquelle on supprime, petit à petit, les enseignants, les personnels, etc.)

Face à tous les nostalgiques d’avant 89, à tous les lobbies des diverses religions et sectes, à tous les privatiseurs de l’école, de la culture, à toutes les menaces qui pèsent de plus en plus fortement sur la république laïque et démocratique, la mobilisation la plus large est nécessaire.

Que la publicité la plus large soit faite autour du rapport Miviludes, que des pétitions pour le respect de la laïcité soient signées...

Que les citoyens opposent leur ferme résolution à la régression démocratique que représenterait le retour insidieux et rampant de la religion dans l’Etat, que la confusion entre spiritualité et religieux soit dénoncée : non, un prêtre ne vaudra jamais un instituteur.


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