Syncrétisme et spiritualite africaine : Animisme et Vaudou
par Dr. Claude N. Zaho
lundi 8 mars 2010
Le syncrétisme spirituel et religieux en Afrique
On le retrouve autant chez les protestants, les musulmans, les catholiques que chez les méthodistes. La première forme de syncrétisme, ce sont les personnes qui étaient de religion traditionnelle africaine et qui se sont converties au christianisme. Ces animistes portaient un culte particulier envers leur eau, leur bois, leur statuette, qu’ils vénéraient. En se convertissant au christianisme, ils pensent qu’il est nécessaire de faire les deux. Ils ne souhaitent pas renier la religion traditionnelle et en même temps ils trouvent que la religion catholique est supérieure. Comme le catholicisme est quelque chose de nouveau pour eux, ils sont inquiets de leur salut et prennent cette forme de religiosité. Mais ce n’est pas tout le monde. Il y a des gens qui se convertissent réellement, qui deviennent chrétiens et qui abandonnent complètement tout le reste. Et je pense sincèrement que c’est la majorité. Mais il y a toujours une petite partie qui pratique les deux. Et puis il y a d’autres personnes, comme les hommes d’affaires, qui sont syncrétistes parce qu’ils veulent contenter tout le monde. Une dualité qui finalement les arrange.
Alors, qu’est-ce donc que l’Animisme ?
L’animisme est le fait donc d’ attribuer à toutes les choses de la nature (plante, objet, animal, etc…) une âme. Quatre éléments fondamentaux composent la nature : l’eau, la terre, l’air et le feu. Et ces éléments sont sous le contrôle d’un être suprême, mais il existe également des dieux intermédiaires ayant des fonctions plus spécifiques et souvent associés à un des éléments. L’Animisme peut donc ainsi être vu comme une relation triangulaire entre la nature, les êtres humains et le sacré.L’Animisme, plus qu’une conception religieuse, théologique ou spirituelle, est une véritable philosophie. Il ne se célèbre pas dans une église, il n’obéit pas à des dogmes ou à des lois écrites, il se vit. Il explique à sa façon les mystères de la vie et de la mort. Il fait le lien entre les individus et soude la communauté. La conception animiste veut que les deux soient inextricablement liés, l’individu faisant la communauté et la communauté faisant l’individu. En Afrique, on croit que les maladies viennent des rapports communautaires rompus ou tendus. La maladie est un signe qu’il y a quelque chose de mauvais dans les rapports entre les personnes. La réconciliation des individus devient donc un rituel indispensable à la guérison. Le péché, la faute aussi ont un aspect communautaire. Les Africains demandent donc des réconciliations et des Confessions communautaires. La guérison doit toujours être la guérison de la personne totale, physique, spirituelle et de la communauté.L’importance accordée aux rapports communautaires est un aspect fondamental de la spiritualité africaine, c’est la clé pour une meilleure comprehension de la civilisation africaine. « La société africaine est basée sur la solidarité et la coopération entre les hommes, d’où l’importance de la vie, de la parenté et de la famille étendue, du clan et de la solidarité tribale. L’existence humaine ne peut jamais être possible pour un individu seul ». C’est l’idée des communautés de foi, de la communion avec Dieu et avec autrui. Les rites d’initiations sont les principales manifestations de cette communion entre l’individu, le sacré et la communauté, car la communauté est témoin de chaque étape de la vie (naissance,circoncision,changement de tranches d’âge, etc.).L’Animisme africain est une doctrine fondamentalement monothéiste. Dieu est le Créateur, l’Etre suprême, et Il s’est manifesté seul et par lui-même, et a crée le monde. « Le Dieu des Africains est inaccessible aux langages humains : c’est un Dieu qu’on n’adore qu’en silence ».Il ne souffre aucune dualite : il n’est ni mâle, ni femelle,ni homme ni femme ». (avatars en Inde).Au Cameroun par exemple, Mambila est le masque de la fécondité et ses outils sont la terre cuite, le piment, les coquillages, les perles en terre cuite, qui l’accompagnent lors des accouchements. Le sacré dans l’animisme n’est accessible qu’à certaines personnes qui sont des intermédiaires charges de faire le lien avec les êtres humains. Les ancêtres du village, de la famille sont des intermédiaires privilégiés.Les vivants et les morts ont leur place en ce monde, et les ancêtres font encore partie de la communauté et restent dans la mémoire collective pour correspondre avec ces morts. L’animisme attribue aussi certains pouvoirs à des initiés, marabouts, griots, sorciers, etc, qui peuvent intercéder en leur faveur auprès des Esprits. Mais chaque individu peut créer des liens avec l’invisible et les Esprits par l’intermédiaire d’objets, de statuts, de fétiches, communément appelé gris-gris. L’Esprit n’est pas nécessairement une divinité, mais quelque fois un concept comme celui de la fécondité. L’animisme est omniprésent dans les sociétés africaines, même celles qui ont adopté des courants religieux traditionnels. Il est un gage d’humilité face à la nature et à tous les êtres. Il est l’essence des cultures et l’expression du respect pour le Sacré et le Divin. Les cultes animistes se caractérisent par leur diversité et leur complexité. L’animisme renvoie à une vision de l’univers peuplé d’esprits bons ou malfaisants, de génies capables d’influer sur la vie des humains.Présent partout, même dans les objets, l’esprit peut être celui d’un ancêtre mort, et meme d’un animal sacre…La relation terrestre avec l’invisible est symbolisée par les elements naturels – le ciel et la terre – considérés comme les protecteurs du village. Mais cette relation s’effectue par le truchement d’intermediaires spirituels qui sont appeles des prêtres.
Mais alors d’où vient cette religion ?
Eh bien cette religion très ancienne, qui n’a pas de fondateur, révèle difficilement ses sources. Elle s’est transmise essentiellement par voie orale. Elle persiste aujourd’hui parce qu’elle insiste surtout sur l’importance de la tradition et qu’elle enseigne une certaine vision de l’ordre du monde. L’animisme n’a aucune tradition écrite, pas de langue sacrée ni de lieux de culte uniques.Les ancêtres sont l’objet principal du culte animiste. Leur culte nécessite de nombreux sacrifices d’animaux, des offrandes de lait, d’alcool, de sang pour s’attirer les bonnes grâces des morts. Seuls les initiés connaissent les rites qui permettront aux divinités de prendre possession d’un corps humain. Les chants, les incantations et les danses font partie intégrante du rite. Les amulettes, gris-gris ou talismans vont donc servir à protéger les individus des esprits maléfiques. Chez les Dogons du Mali par exemple, Sigui est la fête historique qui a lieu tous les 60 ans, et elle commémore la révélation de la parole ainsi que la mort et les funérailles du premier ancêtre. Au Togo, Epe-Ekpe est la fête historique des Guins, et c’est sans doute une des cérémonies les plus importantes de toute l’Afrique de l’Ouest. Cette fête marque le début de l’année de l’ethnie Guin. Elle n’a pas de date fixe mais est généralement célébrée au mois de septembre de chaque année. Ayiza est quant a elle la fête des moissons dans le Zio. Et selon l’histoire du peuple Ewe du Togo et du Ghana, les fondateurs de la ville de Tsévié émigrant vers le sud, fatigués et dépourvus, décidèrent de semer du haricot. Et lorsqu’il fallut reprendre la route, les semeurs protestèrent, exigeant d’attendre la récolte. Ayiza doit donc son nom au haricot « Ayi » et est célébrée chaque année le 2ème samedi du mois d’août.Plus collective qu’individuelle, cette religion lie l’individu à sa famille, à sa tribu et même aux morts. Dans l’Ouest de la Cote d’Ivoire, les peuples We accomplissent une danse rituelle dite danse de la pluie au cours de laquelle chaque danseur tient entre ses dents un serpent vivant, dont la tête et la queue retombent devant sa poitrine. Les danseurs sont revêtus de costumes et de masques. Et cette danse symbolise l’union de l’homme et de la nature. La fête du milieu de l’hiver a lieu vers le solstice d’hiver ; il s’agit d’une celebration pour le printemps qui vient. Et pour le solstice d’ete, la danse sacree du soleil sera accomplie lors d’une ceremonie dans les tribus Akan, au Sud et dans le centre de la Cote d’Ivoire. Elle a généralement lieu en juin ou en juillet, pendant la période de la pleine lune. Selon la tradition, elle a vu le jour lorsqu’un guerrier a eu une vision qui lui a permis de comprendre une nouvelle façon de prier le Grand Esprit. La danse du soleil se poursuit pendant quatre jours au cours desquels le danseur jeûne. À la dernière étape du rituel, les danseurs se percent les muscles de la poitrine ou du dos avec des bâtons pointus qu’ils attachent ensuite à un poteau central avec des lanières de cuir. À la fin de cette danse autour du poteau, ils se libèrent des lanières en utilisant la force et ce faisant, se déchirent la peau. Cela permet aux danseurs de se libérer de l’ignorance. A Madagascar par exemple, l’animisme est très répandu dans les divers lieux sacrés de l’île (lacs, forêts, grottes) – et de nombreuses pratiques rituelles d’hommage aux ancêtres y ont lieu.Les Malgaches pratiquent le “retournement des morts “. Pour cette cérémonie, des porcs, des zébus ou d’autres animaux sont sacrifiés. Les corps sont sortis de terre, remis dans de nouveaux suaires et promenés avant d’être à nouveau enterrés. La mort ne représente pas une fin mais plutôt une transition vers un autre monde (cf influence Hindoue). Ainsi donc, nous avons pu comprendre tout le processus de l’animisme qui genere des comportements et des pratiques.La se trouve la cle de la spiritualite africaine si tant est que celle-ci puisse etre comprise dans sa globalite, mais il est evident que ce dispositif spirituel demeure complexe et va, lui aussi etre au Coeur d’autres mysteres : tel le vaudou.
Alors qu’est-ce que le vaudou ?
Originaire d’Afrique noire, le vaudou prend initialement sa source sur le territoire du Dahomey, le Bénin actuel, où il est religion d’État depuis 1996 — le mot vaudou lui-même vient de vodun, « esprit » dans la langue fon du Bénin. D’autres pays bordant le golfe de Guinée, tels que le Togo et le Nigeria, ont également abrité les premiers développements de cette religion reposant uniquement sur la tradition orale.Les croyances vaudoues s’articulent autour du culte rendu à des divinités ou esprits incarnant des forces supranaturelles. Ceux-ci président aux destinées des hommes et servent d’intermédiaires entre le dieu suprême et l’humanité. Pouvant parfois être des ancêtres ayant accédé au rang de divinité, ils sont désignés sous le terme de vodu, vodoun ou vaudou suivant les dialectes. Caracteristique de la culture africaine, les croyances vaudoues ont été introduites outre-Atlantique à partir du XVIe siècle par les esclaves noirs et se sont plus particulièrement développées aux Caraïbes, à Haïti et au Brésil, où elles perdurent encore de nos jours. Le vaudou est très rapidement devenu un lieu de rassemblement identitaire symbolisant la résistance face à l’oppression esclavagiste ou colonialiste. Longtemps pratiqué dans la clandestinité, il incarne pour l’homme noir de l’epoque l’opposition à la volonté d’assimilation forcée et à l’obligation de se conformer aux langues, coutumes et croyances religieuses de l’homme Blanc, et représente la résistance au désir de ces derniers de faire disparaître chez les populations soumises toute trace d’identité culturelle par brassage des ethnies. Bien que s’appuyant sur la croyance originelle en l’existence d’un dieu suprême et de nombreux esprits, le vaudou a subi de nombreuses mutations en traversant l’Atlantique. Les esprits notamment, que l’on nomme Loa, ont acquis de nouvelles caractéristiques. Se comptant par milliers, ils se distinguent par leurs attributions différentes, mais également par leur caractère bienveillant ou maléfique. Un dessin sacré particulier, le Vévé, est associé dans le culte vaudou à chaque loa. Parmi la multitude d’esprits vénérés dans le vaudou figurent notamment Papa Legba, qui, à la tête des loa, incarne celui qui indique la voie à suivre ; Dan Aïdo Oueddo, le serpent arc-en-ciel ; Zaka, loa des travaux de la terre ; Ogou Feray, loa des forgerons et des combats guerriers ; Erzulie Freda, loa de l’amour ; et les puissants loa jumeaux ou loa Marassa. Les Gédés sont les loa des morts, menés par le Baron Samdi. Le vaudou s’est également enrichi au fil du temps d’un certain nombre d’emprunts à la religion catholique. Les différents loa sont ainsi couramment assimilés à des saints chrétiens, et certains sacrements, tel le baptême, ont été repris dans le culte vaudou. L’utilisation de chandelles ou cierges, de cloches et de croix est également directement empruntée au catholicisme romain, tandis que les danses, les tambours et le culte des ancêtres proviennent de la tradition animiste africaine. Le temple vaudou porte le nom d’Oufo ou Hounfor. Un poteau, dit poteau mitan, est planté en son centre et symbolise le lien existant entre les hommes et les puissances invisibles. Les rites du vaudou sont célébrés par un prêtre appelé hougan ou une prêtresse nommée mambo. Ils sont parfois associés à un magicien, le boko. Au cours des cérémonies rituelles sont effectuées des incantations, des offrandes et des sacrifices, notamment de volailles. Les participants invoquent les loa en jouant du tambour, en dansant et en chantant. Les vaudouisants cherchent ainsi à provoquer la manifestation des esprits. Ceux-ci prennent ensuite possession des danseurs, qui atteignent la transe. On dit alors qu’ils sont « chevauchés par les esprits ». Plongés dans cet état second, les participants adoptent les attitudes caractéristiques des esprits qui les possèdent. Une fois invoqués au cours des rites, les loa ont la capacité de guérir les malades. Ils transmettent également conseils et recommandations de toute sorte aux adeptes et leur donnent des informations sur leur avenir. Le vaudou est aussi le théâtre de nombreuses pratiques mystérieuses et magiques réservées aux seuls initiés.Ce syncrétisme découle de l’oppression esclavagiste qui obligeait les esclaves à " camoufler " leurs croyances sous les habits du catholicisme afin d’assurer leur survie. Les chants, les danses, les invocations et les incantations qui les rythment sont directement inspirés de l’animisme africain. Pour conclure, l’on pourrait affirmer que la communion avec les esprits et les divinités africaines, est un voyage à travers le temps, un voyage de retour vers la terre originelle, qui s’apparente au culte des ancêtres, ancêtres qui prennent ici les traits de divinites. Le mystere des religions est tout aussi élaboré que celui des religions traditionnelles, car derrière la mythologie de ces dieux et déesses, se trouve une véritable conception monothéiste, à la fois classique et d’une grande originalité, avec ses mythes de la création, du péché originel et de la lutte entre le bien et le mal.