Sous la douche

par C’est Nabum
lundi 19 août 2013

Le Bonimenteur se jette à l'eau

Petit entre-filet d'eau.

Il fut un temps bien lointain où la douche collective de mon club de sport fut pour moi, le seul endroit où je me lavais entièrement. Dans nos vieilles maisons, la salle de bain n'était pas encore arrivée. Il fallut des travaux d'importance pour réaliser cette prouesse ! Nous nous contentions alors d'une bassine et d'un gant de toilette. Étions-nous moins propres qu'aujourd'hui ? Je n'en suis pas certain …

La douche fut donc pour moi le premier contact avec la modernité hygiénique. Il se trouve qu'elle était collective, ce qui marqua durablement je le crois mon rapport à ce moment étrange. Depuis peu, j'ai arrêté toute activité sportive associative et j'avoue que l'ambiance de nos douches me manque parfois. Je devine ici ou là des ricanements oiseux. Le folklore de la savonnette a laissé de bien vilaines traces dans certains esprits …

Qui n'a jamais pris une douche dans un vestiaire un soir de victoire inattendue ou importante, ne peut connaître ce bonheur si particulier. L'eau coule sur les corps, des chants accompagnent les filets d'eau. La vapeur finit par embrumer l'étroit local. C'est l'euphorie, personne ne remarque vraiment que l'eau froidit petit à petit. Nul ne songe à quitter ce doux moment extatique.

Bien sûr, en contrepartie, il y avait la tristesse des soirs de défaites, le silence pesant, l'eau qui a la délicatesse de couvrir quelques larmes qu'on ne remarque pas. Le silence est alors lourd, les corps ne parviennent pas à se libérer. La douche n'est plus réparatrice. C'est un long retour sur soi-même, chacun revit ses erreurs et les fautes collectives qui justifient le terrible verdict.

Il y a aussi les douches rapides, un soir d'entraînement en hiver. La boue ou le froid s'insinuent dans le local. Parfois, l'eau chaude n'est qu'une lointaine illusion. Ces moments- là, j'avoue ne pas les regretter. On sort, les cheveux mouillés. Il faut bien vite rentrer, il fait nuit, il fait froid. On se retrouve bien vite seul.

Maintenant mes douches se déroulent dans l'intimité de ma salle de bain. Je ne conçois vraiment ce bref instant d'extase que dans une cabine dédiée à cet usage. La baignoire ne remplira jamais convenablement cet office. Abandonnez l'idée de prendre une vraie, une bonne, une merveilleuse douche dans un contenant non dédié à ce bonheur si simple …

Vous entrez, nu et pressé de sentir l'eau couler le long de votre corps. Après les quelques secondes redoutables du réglage de la température que vous négociez tant bien que mal sur un pied, la poire à la main, loin de vos parties sensibles, vous vous abandonnez à ce flot qui vous libère. Adieu les fatigues de la journée ou les brumes de la nuit, bonjour la vitalité et l'énergie retrouvée.

Vous acceptez ces cataractes qui tombent du ciel. Plus la poire est haute, plus la pression est forte et mieux vous vous sentez. C'est un moment que vous aimeriez ne jamais voir se terminer. Vous savez bien pourtant que l'eau est un bien précieux, qu'il ne faut pas s'habituer à ce gaspillage qui marque nos sociétés égoïstes. Alors, vous rompez le charme pour consentir à la partie lavage proprement dite.

Vous coupez la pression, prenez un bon savon de Marseille, celui qui fait tout et ne donne aucune rougeur. Vous vous savonnez, vous vous shampouinez consciencieusement. Chacun a, en la matière, son ordre d'action, ses manies et ses rituels. Je ne souhaite pas interférer sur vos pratiques secrètes, nous garderons le silence sur ces instants intimes.

Puis revient le grand flot d'eau. Dans un premier temps, la poire à la main, vous évacuez les excédents de mousse. Vous inspectez tous les recoins ou les rotondités de votre anatomie. Là encore, pas besoin de s'étaler sur ces instants techniques de la séance. Puis revient le moment de refixer la poire en hauteur. C'est le retour du bonheur, la plongée dans l'abandon aqueux. Cette fois, vous êtes presque en état de lévitation. Vous marchez sur l'eau, vous êtes léger, vous êtes si bien.

Il faudra bien se résoudre à couper les flots de bonheur. Vous le faites à regret. Vous restez pourtant de longs instants sans bouger. L'eau ruisselle maintenant très lentement sur votre corps. Vous profitez de ces ultimes instants. Vous attendez un peu plus. Vous laissez faire cette première évaporation qui rafraîchit. Vous vous refusez encore à quitter ce sas fœtal.

Il faut bien s'y résoudre. Quelqu'un tambourine à la porte. Vous n'êtes jamais seul à désirer ce bonheur. Avez-vous pensé à partager le ballon d'eau chaude ? Vous craignez un peu d'avoir abusé. C'est décidé, il faudra installer une chaudière pour ne pas subir ce genre de désagrément. Vous sortez de la cabine, vous prenez votre serviette. C'est la fin du plaisir. Les premiers frissons, les contorsions et les petits soins qui s'imposent avec l'âge vous font revenir sur terre d'autant que de l'autre côté de la porte, cette fois, on s'impatiente vraiment !

Cascadement vôtre.


Lire l'article complet, et les commentaires