Pour un oui ou pour son nom ?

par C’est Nabum
lundi 26 mai 2025

 

Des mots de trop…

 

Dans ce curieux monde du spectacle, il n'est pas aisé de comprendre ce qui touche le public, ce qui l'attire plus encore et, sommet du mystère, ce qui le pousse à se déplacer. Il m'a été donné d'assister à une représentation dont manifestement, le nom inscrit sur l'affiche attira le chaland. Être fils ou fille d'une vedette du passé, arrange singulièrement les difficultés de communication.

Au terme d'une représentation qui fut pour quelques personnes autour de moi un pensum indigne, une suite de propos redondants, un récit sans queue ni tête, quelques succès d'autrefois de la chanson française pas toujours respectés, agrémentés de fausses notes, s'offrit à notre désapprobation. Cependant, force est de reconnaître que parmi le public, nombreux étaient ceux qui apprécièrent la chose.

Que penser exactement de ce décalage ? Le succès ne vient donc pas de la qualité de la prestation qui en cette soirée, relevait véritablement d'une honteuse production, indigne de passer en public. Ce qui nous fut donné d'écouter relevait bien plus de l'animation familiale du vieux tonton qui prend son accordéon après un repas trop arrosé. Alors, qu'est ce qui pouvait plaire à nos voisins ?

Les maladresses étaient pourtant légion : fausses notes, récitatif confus voire brouillon, propos incohérents et sans saveur, bafouillements et bredouillements multiples, chansons mal interprétées, présence scénique défaillante. Nonobstant cette description assez proche de la réalité, le bon public de participer avec enthousiasme même, à ce qui n'était qu'une bouillie infâme. Il y a de quoi se poser des questions.

La réponse est pourtant simple. Quand un artiste ou prétendu tel, glisse dans son programme un tube d'autrefois, une chanson connue de tous, il s'attribue par procuration un succès d'estime d'autant plus fort quand le public reprend avec lui les paroles. C'est de la captation d'estime, une manière de s'attribuer les mérites d'autres et surtout pas, un acte culturel, puisque la Culture est d'abord création et non pas spoliation.

Alors, quand tout le programme n'est constitué que de ces standards d'autrefois, imaginez le bonheur de ceux qui chanteront avec l'artiste, se pensant ainsi totalement partie prenante d'une animation digne d'un karaoké de bas niveau. Leurs voix couvrant les imperfections multiples et les errements vocaux et musicaux. La messe est dite et le succès au rendez-vous.

Non content(e) de s'octroyer le renom du patronyme, la prestataire d'un service minimal de la culture de salon, à la manière d'un Bernard l'Hermite, notre animatrice d'un soir s'est glissée dans la renommée des autres pour faire illusion. Le phénomène est si courant qu'il convient de s'interroger sur l'attente d'un public qui finalement, ne s’enthousiasme que pour ce qu'il connaît déjà, incapable semble-t-il d'écouter ou d'apprécier ce qui est nouveau, inconnu de lui et des réseaux multimédias.

Nombre de spectacles vivants se contentent de plagier, de se glisser dans le succès des autres. Comportement discutable certes mais ô combien efficace tant il est risqué, voire suicidaire de se présenter face à un public avec des productions de lui inconnues. Le phénomène s'amplifie et rend la vie impossible aux véritables créateurs tandis que les petites scènes se satisfont aisément de ces photocopies incertaines.

Notons cependant au passage que celui qui a accueilli cette prestation n'a guère goûté ce programme, se sentant lui aussi leurré et floué. Il attendait certes mieux d'une artiste qui au demeurant est capable de produire des œuvres originales et de qualité. Hélas, le succès facile est moins risqué que la présentation de ses propres créations ; c'est bien là ce qui mérite ce texte assassin qui pointe autant sa responsabilité que celle d'un public sans véritable exigence.

Tout ceci est désolant et démontre à quel point, il est plus facile de faire illusion que de se présenter en sincérité et authenticité devant un public incapable désormais d'affronter l'inconnu.

Tableaux de Brigitte Szpiro


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