Courage, fuyons !!!

par olivier cabanel
mardi 30 décembre 2014

Tchernobyl, puis Fukushima, mais aussi le Blayais, près de Bordeaux, et quelques autres centrales nucléaires, certifiées sûres, ont connu quelques déboires, et il est intéressant d’analyser les réactions de leurs gestionnaires.

Régulièrement, afin de mettre au point des stratégies de riposte en cas d’accident nucléaire majeur, dont l’éventualité est aujourd’hui actée, des exercices de sécurité sont organisés afin de préparer les personnels et les populations à faire face, et les résultats de ces exercices ne sont pas rassurants, c’est le moins qu’on puisse dire.

En effet, le temps de réaction, pour être efficace, ne devrait pas dépasser les 15 minutes, et force est de constater qu’il l’est régulièrement.

Dans la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, une inspection inopinée avait été menée le 2 octobre 2001, et les inspecteurs n’ont pu que constater que plus de 50 minutes s’étaient écoulées avant l’arrivée en place de l’équipe de secours…et un second exercice mené 4 mois après n’a pas été plus convaincants.  lien

On serait en droit d’attendre du personnel concerné des résultats plus performants, surtout si l’on considère les conséquences d’un accident nucléaire majeur.

Peu de français ont en mémoire ce qui s’est passé le 15 avril 1984, à Bugey, à 35 km de Lyon, avec le grave « incident » qu’à connu la centrale nucléaire en frôlant la perte totale de ses alimentations électriques de puissance… lien

Officiellement, depuis l’accident japonais, les responsables affirment qu’avec les nouvelles mesures prises, le niveau de sûreté est satisfaisant, et pourtant… lien

Il suffit de constater comment en réalité s’est déroulé un exercice de simulation d’accident nucléaire à Gravelines, le 18 janvier 2011...comme ailleurs.

Oublions le constat officiel qui assure que l’exercice a été une parfaite réussite, et observons la réalité, consignée par des observateurs indépendants.

Une infime minorité de la population s’est rendue aux points de rendez vous pour l’évacuation.

Pourtant le nombre de personnes à évacuer était modeste, 3000 personnes, bien loin des 215 000 évacuées de Fukushima. lien

Dans un gymnase censé accueillir 350 personnes, seules 25 se sont présentées.

L’un des 4 centres de regroupement qui devait accueillir 1600 personnes, n’a reçu la visite que de 41 personnes, dont une dizaine était des employées de la mairie. lien

Tournons-nous vers l’insécurité nucléaire qui peut être déclinée en plusieurs points.

Tout d’abord, il faut être conscient qu’aucune installation nucléaire n’est à l’abri d’une erreur humaine, Tchernobyl en est la preuve…, que la protection est insuffisante en cas d’attentat, Greenpeace en a fait la preuve à plusieurs reprises, en atterrissant par exemple sur le dôme d’un réacteur, (lien) en pénétrant à plusieurs reprises dans l’enceinte d’une centrale nucléaire.

Quant à la protection des populations, elle pourrait faire sourire si l’enjeu n’était pas si important : suivant que l’on soit Suisse, Français, ou Japonais, les zones d’exclusion diffèrent…à croire que tout le monde n’a pas le même métabolisme. lien

En France, la limite est fixée de 5 à 10 km autour du site, (lien) en Suisse, elle est de 50 km, à Tchernobyl, c’est de 30 km, tout comme au Japon, même si les scientifiques admettent que la pollution radioactive est allé bien au-delà, notamment dans la banlieue de Tokyo, à plus de 200 km de Fukushima. lien

Quelques jours après la catastrophe, Greenpeace avait mesuré des niveaux de rayonnement de 10 mSv/h à 40 km du site dévasté. lien

D’ailleurs il faut savoir que les autorités américaines avaient demandé à leurs ressortissants vivant au Japon de s’éloigner de 80 km du site ravagé. lien

Mais le plus inquiétant n’est-il pas les conseils de l’AIEA (agence internationale de l’énergie atomique) qui remet en cause le principe même de l’évacuation, estimant que celle-ci n’est utile que pour un rayon de « quelques kilomètres au plus ». lien

L’une des rares précautions possible destinées à protéger les populations consiste à la distribution de pastille d’iode, afin de saturer la glande tyroïde, pour empêcher la radioactivité de s’y installer. lien

Alors qu’en Suisse, ces pilules sont envoyées par la poste à toutes les familles concernées, (lien) en France, c’est un véritable parcours du combattant qu’il faut faire, avec le résultat qu’on imagine.

Mais d’autres risques existent.

Une surchauffe en période de canicule, le niveau d’un fleuve baissant suffisamment pour empêcher un refroidissement suffisant des réacteurs nucléaires, ou tout simplement l’obstruction d’une prise d’eau, lors des crues.

Et puis naturellement, il y a les problèmes techniques, qui prennent de l’ampleur avec la vétusté des réacteurs.

Bien sur, certaines pièces peuvent être changées, et la facture est lourde, mais quand une cuve est fissurée, comme c’est le cas pour plusieurs réacteurs européens, il est impossible de changer la cuve. lien

Or une cuve fissurée présente un grave risque de fuites de vapeurs radioactive, (lien) ou pire l’explosion. lien

Ajoutons pour la bonne bouche les risques sismiques, largement sous-estimés pour certaines centrales, (lien) ou la malveillance possible d’un membre du personnel de la centrale.

En tout cas, suite à la catastrophe de Fukushima, la commission européenne avait lancé des évaluations sur toutes les centrales nucléaires européennes, et force est de constater que la France peut être considérée comme le cancre européen en la matière.

Selon le rapport réalisé, la remise aux normes de sûreté post-Fukushima couterait jusqu’à 200 millions d’euros par réacteur, soit pour la France plus de 11 milliards d’euros, alors que la Cour des Comptes n’a prévu que 5,6 milliards. lien

Si on rentre dans le vif du sujet, il faut analyser avec le plus de précision possible, comment se sont déroulés 3 accidents nucléaire récents : Le Blayais, Tchernobyl, et bien sur Fukushima.

Au Blayais, près de Bordeaux, on est passé en 1999 à 2 doigts de la catastrophe, puisque Alain Juppé avait envisagé l’évacuation des 240 000 Bordelais. lien

C’est à l’origine la tempête Martin qui a provoqué l’inondation de la centrale, et il était devenu impossible d’assurer un refroidissement suffisant du réacteur n°1, au point que la fusion du cœur de la centrale serait survenue en moins de 10 heures. lien

À Tchernobyl, ce sont, on le sait, des erreurs humaines qui ont été à l’origine du 1er accident nucléaire majeur, puisque le contremaitre Anatoly Dyatlov avait pris la décision de procéder à un test du réacteur n°4, alors que ce genre de test ne doit pas se faire en temps de production énergétique.

Puis d’autres erreurs humaines successives ont provoqué la catastrophe que l’on sait, et même si les instances nucléaires ont préféré mettre en avant des « défauts de conception », ce sont bien des erreurs humaines qui sont à l’origine du drame. lien

 À Fukushima, si c’est bien le tsunami qui est à l’origine de la catastrophe, les erreurs humaines se sont aussi multipliées.

C’est le témoignage éclairant de Masao Yoshida, ex directeur de la centrale, disparu aujourd’hui des suites d’un cancer, et publié récemment,qui nous permet de découvrir ce qui s’est réellement passé.

Il raconte par le détail dans un document incontestable grâce à une enquête menée par un groupe d’enquêteurs gouvernementaux, pendant 28 heures, les péripéties qui se sont enchaînées.

La totalité du rapport est sur ce lien, mais si l’on veut tenter un résumé de ce qui s’est passé, on peut constater qu’une certaine panique s’était installée, avec des ordres contradictoires venant de l’exploitant, lequel avait par exemple demandé de cesser d’arroser les réacteurs en fusion avec l’eau de mer, ordre que Yoshida a heureusement refusé d’appliquer.

On sait que les 3 réacteurs ont fondu dès les premières heures, la pollution radioactive continuant de s’en dégager, s’évacuant en direction de l’océan, de l’air, et dans la terre.

Des milliers de réservoirs se remplissent d’eau radioactive, et même si récemment, l’exploitant a finalement réussi à vider en totalité la piscine du réacteur n°4 et ses plus de 1500 assemblages, il reste encore d’autres assemblages à retirer des autres piscines, et elles sont dans des zones où aucun être humain ne peut pénétrer vu l’intense radioactivité qui s’en dégage. lien

En résumé, l’énergie nucléaire fait la preuve que sa technologie n’est pas à toute épreuve, qu’elle vieillit mal, qu’elle est fragile devant les conditions climatiques extrêmes, que les installations ne sont pas totalement préparées au risque d’un attentat terroriste, que les populations n’ont d’autres solution que l’exil en cas d’accident, que les conséquences pour l’environnement et la santé de tous, sont durables sur plusieurs dizaines d’années, que les gestionnaires de ses sites à risque ne sont pas efficaces à 100%, et qu’en France en tout cas, nous ne sommes pas du tout prêts à gérer un accident nucléaire majeur.

Mais pourtant François Hollande, et son premier ministre, malgré les promesses électorales, continue à promouvoir fermement cette énergie mortifère.

Comme dit mon vieil ami africain : « mille sages ne peuvent sortir du puits la pierre que le fou y a jeté  ». 

L’image illustrant l’article vient de www.gladius.fr

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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