Refondons ensemble l’éducation
par Roland Gérard
samedi 8 septembre 2012
La grande donnée nouvelle pour l'humanité et pour le monde même, c'est qu'on est parti à fond vers la sixième grande extinction d'espèces depuis l'apparition de la vie sur Terre. Et aujourd'hui le fait que nous sommes dans cette trajectoire nous en sommes conscient. Conscient aussi que notre mode de développement est la cause de cette situation.
Nous sommes aujourd'hui conscients et responsables, nous les êtres humains.
Alors quand on parle de "refondation de l'école" c'est d'abord à la crise écologique que l'on pense. L'école va prendre en compte cette nouvelle donnée... mais en fait ce n'est pas du tout ce qui se produit.
Pourtant c'est bien grâce à l'école et au formidable potentiel que représentent les 12 000 000 de jeunes qui y sont rassemblés que les choses pourront changer. C'est la raison de notre engagement dans la refondation.
C’est toujours la même chose, on se divise en deux blocs. Que ce soit dans les associations ou plus simplement dans les conversations avec amis et voisins, il y a toujours ces deux blocs.
Prends ça dans les dents !
C’est comme pour le Grenelle, il y a ceux qui y croient, ceux qui pensent toujours qu’il est positif de dialoguer, qu’on va en sortir en activant l’intelligence collective et il y a ceux qui sont septiques et même plus que septiques… « Avec ce que ça coûte vos réunions et vos colloques qui débouchent jamais sur rien, vous feriez mieux de mettre l’argent dépensé à aider les enseignants à faire leurs projets, au moins ce serait utile aux enfants ! ». Prends ça dans les dents ! Et nous représentants associatifs on se retrouve pour ce qu’on est peut-être finalement, même pas considérés et soupçonnés d’innocence collective.
Donc trois bateaux, avec trois capitaines pour une destination unique
On se souvient du Grenelle, pas de représentant associatif spécifiquement porteur de l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD). Un comité opérationnel (comop) 26 pour l’éducation piloté par l’Education nationale, un comop 34 ajouté à la dernière minute sur l’information et la formation, et pendant ce temps toujours un comité national pour la conduite de la Décennie de l’éducation au développement durable 2005-2014 des Nations Unies orchestré par l’UNESCO et évidement rien de tout ça en communication. Donc trois bateaux, avec trois capitaines pour une destination unique : – changer la culture de la société – Résultat : rien, une culture de l’écologie qui reste d’une faiblesse inquiétante pour l’avenir et des acteurs associatifs décrédibilisés, amers, plein du sentiment d’être floués, fatigués… Combien sont prêts à changer de bloc ? Et l’innocence qui pèse, et la légèreté qui devient coupable, et la crédulité qui a tendance à s’apparenter à la bêtise. A-t-on encore le droit d’y croire ?
Mais où faut-il en parler ?
Jean-Marc Ayrault et Vincent Peillon ont ouvert le 5 juillet la concertation sur la refondation de l'Ecole. Pendant 3 mois les participants travaillent en 4 groupes pour aboutir à un rapport final qui influencera la rédaction de la loi de programmation et d'orientation de l'Ecole. "Refondation" le mot est très fort, aussi je pensais que la nouvelle donne écologique qui nous questionne sur l'avenir de l'humanité allait être, sinon au cœur, au moins un peu présente dans les esprits. Je suis allé à 4 réunions, 4 fois on était 80, 4 fois j'ai pris la parole pour exprimer l’importance des sorties scolaires, classes vertes, rousses, de découverte, de nature, de neige, de mer l’intérêt de la pédagogie de projet qui fait réussir les « mauvais », le bien fondé du partenariat, la force de l’émerveillement, l’importance de l’ouverture de l’école, l’opportunité que présentait le désir d’implication des parents, des associations, les cantines bio, la récupération de l’eau de pluie sur le toit des préaux… et 4 fois j'ai eu l'impression d'être hors sujet ! ...Mais où faut-il en parler ?
La mare est bouchée
Cela questionne terriblement. Je pense à Philippe R, enseignant qui a créé une mare pédagogique dans la cour de l'école, inaugurée en grande pompe il y a quelques années en présence d'une cinquantaine de parents, du maire, du conseiller général, du député (curieusement pas de représentant de l’Education nationale). Aujourd'hui, suite au départ de Philippe de cette école, la mare est bouchée ; qui s'en émeut ? Personne, les libellules et les enfants qui les aiment n’ont pas de porte-parole ! Pendant ce temps les discours sur la sauvegarde de la biodiversité vont bon train dans les salles de réunion des ministères.
Aujourd'hui même des parents d'élèves se mobilisent pour poser des panneaux photovoltaïques sur la toiture de l’école Claude Vignard à Villefranche-sur-Saône. Voilà ceux qui refondent l'école de la République, ils font, ils agissent, les refondateurs ce sont eux.
Pour participer il faut comprendre
Les 14 et 15 septembre ce sera la conférence environnementale, à nouveau, à moins de 10 jours de la conférence toujours pas de représentant spécifique de l’EEDD pour participer aux travaux. Il y sera pourtant forcement question de sensibilisation, d’information, de formation et d’éducation. Faut-il rappeler qu’en 1992 à Rio le principe 10, jamais remis en question, posait que : « La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés… ». Comment pourrions nous imaginer qu’on puisse s’impliquer dans quoi que ce soit sans rien y comprendre ? Nous sommes tous concernés ça c’est entendu, mais pour participer il faut comprendre. Voulons-nous un citoyen qui suit les consignes des experts sans comprendre ? Un homme machine, qui trie ses déchets comme une machine, qui ferme son robinet quand il se brosse les dents comme un robot, qui met son verre au verre et ramasse les crottes de son chien… sans rien comprendre ?
Pendant ce temps, 6 et 7 septembre 2012, c’est Tbilissi + 35. Des dizaines de ministres, de dizaines de pays, y sont. Il y a 35 ans, 5 ans après Stockholm, en 1977 la conférence de Tbilissi posait les bases de l’éducation à l’environnement, elles sont toujours valables. Cette conférence internationale c’est en ce moment, la France n’y a pas de représentant. Ou alors il se cache bien !
Les chemins menant vers la transition
On pourrait imaginer pour tous les jeunes une école où on trouverait, un compost, des repas bios, un système de récupération de l'eau de pluie, un potager, une mare, un hôtel à insectes, un panneau solaire, une éolienne individuelle, un plan d'éco-déplacement ... L'école deviendrait pour les enfants, les parents, les profs, les élus et toute la communauté un lieu où l'on découvre les chemins menant vers la transition... On pourrait imaginer une journée par mois, un travail en projet complètement pluridisciplinaire avec des intervenants extérieurs et ça de la maternelle à l'université et grandes écoles ; on pourrait aussi imaginer l'EEDD au BAC et à tous les passages de diplômes... Dommage qu'on ne parle pas d'écologie dans la refondation de l'école, ce ne serait pas cher ces changements et c'est juste vital pour l'avenir.
Il nous reste le mode ascendant
Nous voulons rester dans le bloc de ceux qui font, nous voulons être dans le bloc de ceux qui font et qui disent, dans le bloc de ceux qui s’écoutent, de ceux qui mettent tout leur cœur, toute leur intelligence et 100% de leurs mains au travail pour sortir de cette crise environnementale et sociale qui nous épuise et nous abrutie d’incertitude et d’angoisse. Pas né celui qui pourra nous déboulonner de notre conviction et de notre engagement collectif.
Il nous reste le mode ascendant, à nous tous là qui nous sentons tellement concernés, il nous reste la pétition du CFEEDD, il nous reste les 75 assises en territoire et les assises de Lyon les 4, 5, 6, 7 mars 2013 pour dire notre volonté collective de faire ensemble dans le dialogue avec toutes les parties prenantes. Pour qu’enfin l’EEDD prenne sont élan, oui pour ce changement juste vital parce que nous sur le terrain ça nous pousse. Il suffit de regarder, il y a quelque chose à libérer, ouvrons les yeux des responsables et dirigeants.
« Une belle philosophie toute neuve
inonde le monde
et les petits bateaux
des enfants
avancent tranquillement
en dehors des caniveaux.
Enfin ! »
Et vive l’innocence.
Roland GERARD
Codirecteur du Réseau Ecole et Nature