Ce que la 5ème vague dit des pays européens et de la vaccination
par Laurent Herblay
samedi 27 novembre 2021
Malgré la vaccination de plus de deux tiers de la population, la 5ème vague est bien là, avec une circulation du virus qui progresse à une vitesse rarement atteinte. Résultat, l’Autriche se confine et les pays annoncent des rafales de nouvelles mesures contraignantes, pas plus tard que jeudi en France. Mais que dit cette cinquième vague de nos pays européens, du climat politique et de la vaccination ?
Se vacciner devrait être un choix individuel
Bien sûr, le variant delta est plus contagieux, et il est établi que l’efficacité du vaccin baisse assez rapidement puisque six mois après injection, il aurait perdu la moitié de sa protection. En revanche, comme le montre la Grande-Bretagne, où la 4ème vague, démarrée en juin, n’a pas reflué, l’envolée des cas, qui se maintiennent entre 400 et 700 par million par jour depuis début juillet, la vaccination parvient à fortement limiter les cas graves, les hospitalisations, et la mortalité, qui n’a jamais dépassé 15% du pic atteint en janvier de cette année. Il semble donc que le vaccin protège de manière assez efficace ceux qui attrapent le virus en réduisant très fortement les conséquences néfastes de la contamination.
En revanche, le niveau actuel de circulation du virus interroge fortement sur l’efficacité du vaccin à réduire la seule transmission. Avec au moins 70% de la population vaccinée, comment est-il possible que bien des pays européens soient à des records historiques de niveau de circulation du virus ? Même si le variant delta est plus contagieux, cela ne signifie-t-il pas que le vaccin est finalement peu efficace pour limiter la transmission ? S’il l’était, comment se pourrait-il que la Belgique ait à nouveau dépassé le cap des 1400 cas par million d’habitants comme il y a un an, quand personne n’était vacciné alors ? Comment l’Autriche, les Pays-Bas ou l’Allemagne peuvent-ils afficher une circulation du virus deux fois plus élevée qu’il y a un an, alors que 70% de leur population est vaccinée contre aucune alors ? Et si l’Espagne reste peu touchée aujourd’hui, il faut rappeler que sa quatrième vague a été forte, malgré la vaccination.
En fait, se dessine l’impression que la vaccination apporte essentiellement un bénéfice pour celui qui se vaccine, qui fait des formes vraiment beaucoup moins graves, mais le doute grandit sur son efficacité à réduire les transmissions à d’autres. Dès lors, se vacciner ou pas ne porterait pas beaucoup à conséquence pour son entourage, contrairement à ce qui a été dit, mais bien plus pour soi. Si tel était bien le cas, comme les chiffres actuels le sous-entendent, se vacciner ne devrait être qu’un choix personnel, et la logique d’exclusion des non vaccinés aurait encore moins lieu d’être. Les non vaccinés ne feraient pas porter un grand risque aux autres, mais bien plus à eux même. Et le fait d’être vacciné ne protègerait pas tant les autres d’un risque de transmission du virus, mais plutôt des conséquences pour soi.
Sociétés fracturés et pulsions autoritaires
D’un point de vue géographique, cette cinquième vague, est aussi paradoxale que révélatrice. Le Royaume Uni n’est pas sorti de la 4ème vague, depuis mi-juin, avec une forte remontée des cas qui peut s’explquer par la campagne de vaccination plus précoce, qui fait que la protection apportée par les vaccins a diminué avant le reste de lEurope. Mais nos flegmatiques voisins n’ont guère dévié de la sortie des restrictions, malgré une envolée des cas dépassant par moment les 600 par million par semaine, en juillet, puis à nouveau en octobre. Pariant sur la forte protection vaccinale des publics fragiles, qui limite la mortalité et les hospitalisations, le pays vit donc avec une forte circulation du virus depuis 5 mois.
L’Allemagne, qui pouvait s’enorgueillir d’un bilan sanitaire meilleur que celui des autres grands pays européens, voit une envolée spectaculaire des cas, à des niveaux deux fois plus élevés qu’au pic précédent, provoquant un électrochoc dans un pays qui vient à peine de parvenir à former son nouveau gouvernement, plus de 2 mois après les législatives. Le pays est moins vacciné que la moyenne (70% contre 76% en France), ce qui fait craindre une destabilisation du système de santé et nourrit un débat sur des mesures autoritaires. L’Espagne, où presque toutes les personnes âgées sont vaccinées, est le bon élève de l’Europe, après une 4ème vague marquée. L’Italie est encore sous les 200, mais pourrait prendre de nouvelles mesures. La France, qui approche des 300, vient d’annoncer de nouvelles contraintes.
Mais la situation est particulièrement spectaculaire en Belgique, aux Pays-Bas et en Autriche, où le nombre de cas atteint entre 1300 et 1500 par million par semaine, plus de 2 fois les chiffres britanniques et allemands. Malgré un niveau de mortalité nettement inférieur aux pics du passé, des mesures de restricton fortes ont été prises, allant jusqu’à un confinement total en Autriche, après avoir voulu confiner les non-vaccinés. Toutes ces mesures ont provoqué de forts mouvements de protestation de la population, jusqu’à ce que la police finisse par tirer sur des manifestants aux Pays-Bas. En France, la protestation se renforce en Guadeloupe et en Martinique contre le passe sanitaire et la vaccination, jusqu’à déclencher une crise dont l’issue est incertaine, et à laquelle le gouvernement ne sait pas répondre.
Plusieurs leçons apparaissent à cet automne : la vaccination, même si son efficacité diminue clairement et assez rapidement dans le temps, semble quand même apporter une protection contre les cas graves et les hospitalisations, que démontre une Espagne où les personnes âgées sont toutes vaccinés. Mais le refus de mesures autoritaires ne semble pas forcément perdant : la Grande-Bretagne vit depuis cinq mois avec une forte circulation sans gros dérapage de la mortalité. De même la cinquième vague ne touche pas la Suède, pays europée qui a peut-être été le moins restrictif. Parallèlement, le bilan des politiques menées n’est pas très glorieux à bien des titres. Les vaccins sont moins efficaces qu’annoncé, dans la durée, par rapport à la contamination, et ne sont pas exempts d’effets secondaires.
Plus globalement, cette crise sanitaire amplifie la défiance à l’égard des dirigeants politiques. Dans certains pays, comme en France, nos dirigeants ont tout dit, et son contraire. Il ne devait pas y avoir de passe sanitaire, puis celui-ci ne devait durer que jusqu’au 15 novembre… L’efficacité des vaccins a été survendue… Comment est-il possible de croire un mot que prononcent Macron ou Véran tant ils se sont contredits, consciemment ou pas. Le fait qu’une minorité refuse de se vacciner en France ou en Allemagne démontre une défiance très forte et pas méritée à l’égard d’élites qu’une partie de la population refuse totalement de croire désormais, une nouvelle preuve des limites du prétendu modèle allemand. On constate aussi une vraie fatigue à l’égard des mesures restrictives, dont le coût colossal, humain comme économique, a été insuffisamment pris en compte, et devient tous les jours plus inquiétant sur tant de sujets.
Cette cinquième vague n’est pas glorieuse et va légitimement remettre encore en question la parole des experts et du gouvernement. Choisir à nouveau la contrainte, quand d’autres pays montrent que la refuser est possible, est sans doute révélateur des penchants volontiers autoritaires de certains dirigeants et d’un système peu confortables avec la responsabilisation et le libre-arbitre des citoyens. Un jour, cela se paiera.