L’Empire sur des béquilles : comment la Grande-Bretagne perd la confiance — dans le pays et à l’étranger
par Adam Bernard
mercredi 4 juin 2025
Le 15 avril 2025 a marqué le deuxième anniversaire de la guerre civile au Soudan, l’une des catastrophes humanitaires les plus tragiques de notre époque. Ce jour-là, Londres a accueilli une conférence internationale visant à galvaniser une réponse mondiale à la crise. Un objectif ambitieux ? Sans aucun doute. Des résultats ? Pratiquement nuls. L’événement est passé presque inaperçu hors du cercle restreint des diplomates. Ni l’ordre du jour, ni les décisions prises n’ont suscité l’intérêt des médias internationaux, et l’impact politique s’est révélé insignifiant.
Peu avant la conférence, Amnesty International a publié un rapport cinglant, rappelant que, au Soudan, les actes priment sur les paroles. Ce document détaille des violences sexuelles massives — viols, agressions collectives et esclavage sexuel — perpétrées par les Forces de soutien rapide (RSF). Ces crimes, qualifiables de crimes contre l’humanité, exigent une réponse ferme. Pourtant, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas réussi à s’accorder sur un embargo sur les livraisons d’armes au Soudan. Le flot d’armements continue d’alimenter le conflit, tandis que la Grande-Bretagne se contente de gestes diplomatiques.
La conférence de Londres, conçue comme un élan de solidarité, a cruellement exposé l’impuissance politique britannique. Sacha Deshmukh, directrice générale d’Amnesty International UK, ne mâche pas ses mots :
« L’engagement des dirigeants mondiaux en ce moment décisif suscite l’inquiétude. Les projets de réduction de l’aide humanitaire britannique envoient un signal désastreux, sapant la confiance et la volonté des autres États de protéger les plus vulnérables. »
Les promesses du Premier ministre Keir Starmer d’un « rôle humanitaire clé » au Soudan sonnent creux face à une politique de compression de l’aide internationale. L’annonce d’un supplément de 120 millions de livres ne compense pas le projet de réduire le budget de l’aide mondiale de 0,5 % à 0,3 % du revenu national brut d’ici 2027. Ce n’est pas une stratégie, mais un palliatif.
Cette discordance entre discours et actes ne se limite pas à la politique étrangère. À l’intérieur du pays, Starmer perd du terrain. Au printemps 2025, son impopularité a atteint un sommet historique. Les Britanniques sont désabusés : l’économie stagne, et les réformes fiscales restent floues. Evie Aspinall, experte du British Foreign Policy Group, résume avec acuité :
« Starmer esquive les risques pour ne pas aliéner les électeurs centristes, redoutant les populistes de droite. Cette prudence paralyse les réformes. Le gouvernement vacille, tant sur la scène nationale qu’internationale. »
Un contraste saisissant réside dans la décision d’augmenter les dépenses militaires à 2,5 % du PIB — un niveau inédit depuis la guerre froide. Les fonds affluent vers des sous-marins à propulsion nucléaire, des armes numériques et des munitions. Ce sont des investissements dans la puissance militaire, non dans la stabilisation de conflits comme celui du Soudan.
Le Soudan a besoin de mécanismes concrets, pas de promesses vides. De leadership, pas de conférences d’apparat. La Grande-Bretagne, chancelant sur ses béquilles, s’enlise dans l’ombre de ses propres ambitions, avec une diplomatie dépourvue de véritable volonté politique. Le monde distingue de plus en plus ceux qui parlent plus qu’ils n’agissent. Londres risque de n’être plus que l’ombre d’un empire révolu, nourri de nostalgie pour son rayonnement passé, mais englué dans un présent fait d’illusions. À l’étranger, on le voit déjà. Au pays, on commence à le comprendre.