Symphonie indienne
par L’enfoiré
jeudi 16 août 2007
L’Inde est la deuxième nation la plus peuplée du monde avec plus d’un milliard d’habitants. Véritable mosaïque mélangée entre cultures et religieux. Depuis le 15 août 1947, indépendance et démocratie. Chez nous, depuis quelques temps, dans plusieurs sociétés commerciales, l’outsoucing offshore n’a plus de secret. Elle existe dans les activités de la TIC (Technologie, information, communication). De l’autre côté, sur place, comment s’en sort-on ?
Un million de diplômés par an souvent en provenance des universités type "américain". Les sociétés d’informatique ont montré le chemin de cette importation de travail en provenance de l’Inde. Les banques, la distribution et beaucoup d’autres secteur de l’économie ont suivi en délocalisant leurs activités annexes, en ouvrant une filiale dans le Sud rural ou en recrutant des ingénieurs locaux pour les importer ensuite en Europe et pallier une soi-disant pénurie d’informaticiens. Pénurie surtout d’ingénieurs bon marchés.
L’Inde est constituée de 28 États avec une vingtaine de langues officielles. Hindouistes, musulmans, sikhs, jaïns, chrétiens se partagent le domaine du culte. Le capitale du Karnataka, Bangalore, temple de l’informatique continue de manière exponentielle son Big Bang comme plus gros fournisseur de main-d’oeuvre qualifiée dans la haute technologie, mais dont les campagnes restent malgré tout sous-développées.
Seuls freins à son expansion, son opposition chronique avec le Pakistan, le pouvoir des autocrates, une administration corrompue et le système des castes toujours bien ancré au sein de la société. Un tiers de la population vit avec un dollar par jour et on compte 40 % d’illettrés. L’Inde tisse sa toile sur toute la planète. C’est un fait. Elle s’intègre, elle rachète des sociétés européennes et américaines. Elle ne s’accorde pas facilement avec ses concurrents directs la Chine et le Pakistan. Les normalisations bilatérales de 2003 ne sont que des exemples de recherche de dialogues. En 2030, elle aura probablement dépassé la Chine en population. Pour les États-Unis, elle reste le partenaire potentiel dans la gestion de l’ordre global. L’océan Indien et les relations avec l’Iran sont un peu les chasses gardées par l’Inde.
De ce côté, Jacques Dutronc devrait chanter une version du genre "un million d’informaticiens indiens et moi, et moi, et moi ?"
La situation évolue très rapidement. Les rotations et les chaises musicales ont aussi démarré en Inde. Un nettoyage à 50 % du personnel dans l’année n’est pas rare désormais. Comme partout, on joue des coudes. Une fois qualifié, avec l’expérience requise, l’ingénieur indien a des envies bien naturelles de changer d’air et de partir chercher fortune en fondant sa propre société. L’Europe, d’abord, par Londres, en premier. Les États-Unis pour conclure et installer son aura de manière définitive comme base de lancement finale de sa propre société, avec le réseau des compatriotes restés au pays.
Les projets à long terme sont les plus prisés. Des possibilités d’être envoyé parfaire les formations dans les pays européens est aussi une manière garder le sourire. Mais, sortons de cette vision pour faire le saut dans l’autre environnement.
Un article de L’Echo attirait, mi-2006, mon attention. Sous une série d’articles avec comme un titre générique "Ces Belges qui travaillent à l’étranger", il s’agissait, cette fois, d’un ingénieur, Daniel Mertens, envoyé par Tractebel du groupe Suez, qui avait dû revoir sa conception de ce que pouvait être mener un projet, seul, dans l’aventure du management avec à son bord 150 ingénieurs indiens. Son expérience m’a paru intéressante d’en apporter quelques idées. J’y ai ajouté des impressions vues par l’autre bout.
Notre ingénieur belge, lui aussi bardé de diplômes et surtout d’expérience acquises sous toutes les latitudes racontait son histoire "Au pays des maharadjahs".
Il n’en était pas à son coup d’essai, trente ans déjà, avouait-il. Donc, les histoires du terroir et de folklore, il connaissait. Les projets qui se construisaient autour des chantiers gaziers ont toujours été sa passion et son métier toujours entouré de gens de couleurs et de coutumes diverses.
Le Congo, Singapour et cette fois New Delhi se succédaient dans ses pérégrinations et ses découvertes de petit Belge aventureux, réédition de Tintin.
Marié lors de son passage à Singapour, il s’était fait aider alors par son épouse originaire de Singapour pour son initiation et son intégration. Cette fois, c’était sans tuteur ou tutrice qu’il devait se caser et trouver sa niche agréable. Six mois avaient été nécessaires pour s’adapter et trouver des marques dans ce pays haut en couleur, mais aussi aux coutumes ancestrales et parallèles aux nôtres.
Un logement à trouver, tout d’abord, mais pas n’importe lequel. C’était le pays des castes. Il ne s’agissait pas, même si le temps le permettait, d’établir ses pénates à la belle étoile. Il fallait positionner son niveau au "juste prix". L’habitation restait un luxe adapté. L’étape suivante, c’était équiper cette maison. Et là, les choses se corsaient vraiment. Les produits "made in India" trouvés de ci de là, n’avaient pas la solidité escomptée à ses yeux et reflétée par les étiquettes quand celles-ci existaient. Il fallait avoir des adresses fournies par le bouche à oreille pour enfin trouver un environnement immédiat à la hauteur de ses ambitions et ses habitudes européennes de confort.
Dans un pays où on manque un peu de tout, les bricolages des artisans faisaient offices de « nec plus ultra ».
Se mettre au diapason était décidément une opération de haute voltige et il fallait ajuster ses ambitions en conséquence.
Le temps passait et il fallait bien entreprendre la partie de ce pourquoi on était là.
Donner des délais, établir un planning ne semblaient plus avoir la même rigueur habituellement exigée par les grands pontes des pays dits plus conformes aux normes.
Un calendrier, on connaissait mais c’était plutôt décoratif sur le mur. Déléguer une tâche à quelqu’un n’était pas non plus une affaire d’accord entre deux personnes. Beaucoup de deuxièmes couteaux étaient de la partie et les responsabilités étaient partagées sur plusieurs étages. La cascade d’ordres allait devoir se déverser de proche en proche, de haut en bas et remonter en douceur une fois le travail effectué. Faire le casting de son bras droit est primordial pour effectuer la vérification intermédiaire. Sans cette étape, les dates butoirs n’auraient raison d’être que pour établir le nombre de jours de retard. Ce qui n’est pas du goût des procédures liées au secteur gazier.
Alors quant à l’horaire, il valait mieux parler d’autre chose. Le sacro-saint week-end ne se retrouvait pas dans la charte du travail et il fallait être disponible de 9 h à 21 h, week-end compris, pour être sûr de faire progresser au mieux le projet.
Si le téléphone sonnait pour questionner le chef et il fallait décrocher le cornet en oubliant la vie privée. Cette obligation était effective par l’interne et l’externe avec les fournisseurs commerciaux. Dans le même temps ou en contrepartie, les fêtes religieuses ou plus prosaïquement du mariage étaient nombreuses et devaient être respectées à la lettre même s’il s’agissait de deux ou trois jours.
Ce chef délégué sur place, venu d’un autre ailleurs, en arrivait vite à se demander s’il était payé en fonction des heures prestées.
A l’étage du dessous, on ne discutait pas un ordre venu d’en haut, même pas pour donner un avis contraire justifié par une expérience de terrain. On ne disait pas "non" par politesse et par pure déférence à son interlocuteur gradé. Le savoir devait être respecté. Le chef avait ses raisons et on s’adressait à lui comme à la "bonne parole". Le bras droit désigné avait ses prérogatives et occupait heureusement sa place d’interface dans les tâches d’intendance. N’étant pas Indien et donc sans castes, il fallait jouer les arbitres ou de paratonnerre à force de persuasions et de bonnes volontés. Déléguer toujours les tâches qui n’avaient pas d’importance valorisante et seulement, ces dernières, restaient le "must" réservé sous peine de perdre une place dans l’esprit hiérarchique. L’oublier, c’était générer l’étonnement et la grogne larvée. L’Indien voulait bien faire son travail, c’était visible. Mais, problème de culture, allait-il comprendre toujours la finalité ou se lancer dans une interprétation de ce qu’il croyait avoir compris ?
Le pardon de l’ "erreur d’appréciation" du chef étranger devait ensuite être accordé de bonne grâce avec le sourire qui effaçait les pires bévues. Le chef, lui, avait le devoir de comprendre pour fidéliser ses troupes. La mentalité d’un autre monde ne s’apprendrait pas comme une science ? L’histoire ne dit pas si l’étude de l’hindi était au programme dans son travail de parachèvement du transfert d’information par la suite.
Dur, dur, la vie de cornac.
Mais s’adapter à ce genre de situation n’était-ce pas une expérience de plus à faire valoir aussi pour plus tard de retour sous des cieux plus pluvieux ?
Si ça coince, il sera toujours possible de se reconvertir par après, de ressortir sa baguette et de mener le grand orchestre pour éviter que la symphonie ne prenne des allures de cacophonie surréaliste. Ici ou ailleurs.
Ce ne sont qu’une série de constatations et d’expériences qui devraient se retrouver dans le manuel du parfait voyageur avec la mention "Autant savoir". Le voyageur qui souhaite la réussite de ce grand pays peut se préparer à une amère déception lors de sa visite en milieu rural. Tirer parti de cette population-là n’est pas toujours à l’ordre du jour.
Ce témoignage datait de l’année passée, mais les choses changent vite.
Alors, en attendant, il mangeait probablement du riz très épicé et il buvait du thé en silence et religieusement.
Tout était une question d’habitude.
Son retour était prévu en 2007. Aura-t-on la suite et fin de l’histoire ?
Son rêve, il l’a dit, était de retrouver les journaux à heure et à temps, un pique-nique sur la terrasse en famille, hors de l’air conditionné, faire ses emplettes au supermarché et, pour finir, bien belge, une bière, le chocolat et le "moules et frites". Pas ensemble évidemment. Il faut bien cela pour se faire une nouvelle santé.
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"Le Moyen Âge est un monde merveilleux, c’est notre western, et en cela il répond à la demande croissante d’évasion et d’exotisme de nos contemporain", Georges Duby.
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" La cloche dit : Prière ! Et l’enclume : Travail !", Victor Hugo.
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"L’Inde a ceci d’extraordinaire qu’elle est l’un des rares pays au monde où des gens vivent ensemble en relative harmonie alors que plusieurs siècles les séparent", Pr G. Metha.
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"L’Inde est l’endroit idéal pour apprendre à concevoir et à produire des investissements limités", Carlos Ghosn (Renault).
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"Contrairement à la Chine, en Inde, l’initiative revient aux entrepreneurs", Anand G. Mahindra (Logan).
Pour terminer pourquoi pas une petite réflexion blague pleine d’intimité en provenance de Bangalore en anglais ? Je n’ai pas la version hindi.
DADDY ! HOW WAS I BORN ?" Junior asks his dad, His dad, who is a software engineer sighs and replies, "Ah, my son, I guess one day you would have to find out anyway !""Well, I saw your Mom and I first got together in a chat room on MSN. Then I set up a date via e-mail with your mom and we met at a cyber-cafe. We sneaked into a secluded room, where your mother agreed to a download from my hard drive. As soon as I was ready to upload, we discovered that neither one of us had used a firewall, but it was too late to hit the delete button."
"Six weeks later your mom sent me an instant message saying that her operating system was showing signs of unauthorized program activity from a self extracting file which had implanted in her BIOS. Then nine months later a little Pop-Up appeared and said :You’ve Got Male’ !"