Une impératrice au Japon ?

par Julien Mouret
jeudi 13 octobre 2005

La semaine dernière, le collège spécialement réuni depuis janvier pour débattre de la question a remis ses conclusions au Premier ministre, Junichiro Koizumi : une femme, ou sa descendance, pourra monter sur le "Trône du Chrysanthème", et devenir ainsi Impératrice régnante.

Le problème principal a donc été réglé, mais il reste à fixer les détails de la question, avant de remettre le rapport final au Premier ministre, vraisemblablement en novembre. C’est à partir de ce rapport que sera modifiée la loi sur la Maison impériale, l’année prochaine. Il faudra, par exemple, changer la règle selon laquelle, après leur mariage, les femmes doivent quitter la Maison impériale. De même, l’époux et les enfants de l’Impératrice devront-ils être intégrés à la Maison impériale.

La question, et la réponse à y apporter, étaient devenues urgentes. En effet, cela fait pratiquement 40 ans qu’un héritier mâle n’a pas vu le jour au sein de la famille impériale. L’âge de l’actuel empereur, Akihito, 71 ans, appelle bien sûr à se pencher sur le problème de sa succession. D’où l’idée de permettre l’accès au trône d’un membre féminin de la famille impériale. Cela devenait d’autant plus urgent que la Princesse Aiko, âgée de trois ans, fille du prince Naruhito et de la princesse Masako, qui serait donc la première à bénéficier de la réforme, doit voir son éducation de future impératrice commencer au plus tôt. La pression sociale qui pèse sur les épaules de la princesse Masako, afin que celle-ci donne naissance un héritier mâle, a conduit cette dernière à la dépression, ce qui a sans doute aidé à la progression de l’idée d’une héritière femme, déjà née, elle.

On le voit, cette évolution a été dictée essentiellement par des considérations pratiques. En effet, si certains officiels ont émis des réserves sur cette possibilité, en arguant qu’un consensus populaire sur l’accession au trône d’une femme n’existait pas encore, d’autres ont opposé l’urgence de trouver une solution.

Cela dit, il est intéressant de rapprocher cette nouvelle du résultat d’un sondage qui semble plaider pour un vrai changement des mentalités à l’égard du rôle de la femme dans la société japonnaise. En effet, cette année, pour la première fois, la part de la population rejetant l’idée selon laquelle « le mari doit travailler en dehors du foyer et la femme doit rester au foyer et s’occuper de sa famille » (48,9%) dépasse le pourcentage de ceux qui approuvent cette idée (45,2%). Depuis 1992 les pouvoirs publics conduisent ce sondage, et c’est la première fois que le rapport de force s’inverse. Cela dit, quand on interroge les mêmes personnes sur le statut des femmes et des hommes au travail, 59,5% des sondés répondent que les hommes sont traités plus favorablement que les femmes. Les statistiques en matière de salaires ou sur les postes occupés leur donnent d’ailleurs raison. Les pouvoirs publics ont fait de l’égalité des sexes, notamment au travail, un de leurs chevaux de bataille, avec plus ou moins de réussite. Parfois, les entreprises décident de jouer le jeu. Ainsi, en février, Carlos Ghosn a annoncé que le nombre de managers féminins chez Nissan sera multiplié par trois d’ici trois ans. Il est vrai qu’actuellement, la proportion de femmes occupant un poste de management chez Nissan n’est que de 1,6%, alors que ce chiffre et de 2,8% pour l’ensemble du secteur industriel et monte à 20% pour Nissan USA.

Le fait qu’une femme puisse régner sur le Japon, quelles qu’en soient les raisons, s’inscrit dans un phénomène de mutation globale de la société. En même temps, ce serait un fantastique accélérateur pour la mise en place d’une société plus égalitaire. En quelque sorte, un symbole... tout comme la fonction impériale, oserait-on dire.


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