Fragiles démocraties ? Vents mauvais sur l’Europe

par Daniel RIOT
vendredi 22 septembre 2006

Où chercher, où regarder, vers quel coin de la planète se tourner, pour ne pas s’inquiéter ? Emeutes à Budapest, « populisme » (pour rester dans une terminologie ambiguë) en Pologne, réflexes ultra-droitiers et archéo-nationalistes en Slovaquie, nostalgie soviétique en Transnistrie, cette province moldave qui, à 97,1%, veut son rattachement à la Russie, drôle de cohabitation en Ukraine, poussée des néo-nazis déclarés dans l’Est de l’Allemagne, désinformation d’Etat aux Pays-Bas (sur les déchets toxiques néerlandais en Côte d’ivoire, xénophobie galopante et violente en Russie...Quelle actualité ! 

L’Europe n’est pas dans la situation tragique du Darfour (où le Soudan réduit ce qu’on nomme la communauté internationale en un "club des vœux pieux"). Elle sait (encore) laisser ses armées dans les casernes quand ses dirigeants se rendent à l’ONU : un « coup de Bangkok » semble, heureusement, improbable dans l’espace du Conseil de l’Europe. Mais il faut être malade d’optimisme pour garder un bon moral en cette fin d’été chargée de « vents mauvais » (selon une formule de... Pétain). Et ce ne sont pas les interventions des « grands » à l’ONU qui peuvent nous rassurer. Arrogance chez quelques uns, impuissance chez tous : Chirac en est réduit à une diplomatie des exhortations... Sympathique, intelligent et généreux, mais...

Dans ce contexte, le malaise bruxellois, ou pour être plus précis, l’incapacité chronique de la Commission d’afficher un peu de souffle ajoute de l’inquiétude à l’inquiétude. Ce n’est pas en dénonçant la politique allemande (qualifiée d’anticommunautaire) que Barroso redonne un peu de santé à son collège bien empêtré dans une quotidienneté étouffante. J’ai trop souvent dénoncé les attaques injustes contre une Commission transformée trop souvent en bouc émissaire trop facile pour me permettre aujourd’hui de marquer davantage qu’une réserve...Même si, bien sûr, ce « collège » n’est en rien responsable des conséquences des non français et néerlandais qui sont tout de même à l’origine d’une crise que les « escrocs du plan B », notamment dans les « gauches » françaises, se doivent d’assumer, quoi qu’en disent Fabius et quelques autres.

La Commission est, en revanche, pleinement responsable de bien des dérives actuelles. N’est-elle pas « gardienne des traités » ? Ne devrait-elle pas être là pour publier des données économiques et financières précises ? L’affaire hongroise est, de ce point de vue, révélatrice de défaillances inadmissibles des services bruxellois. Les vieux routiers des affaires communautaires se souviennent de la rigueur qu’affichait jadis (quand Barre était commissaire chargé des affaires économiques, notamment) la Commission dans ses rapports, ses diagnostics et ses recommandations. Les institutions communes avaient pourtant moins de « compétences », de moyens d’investigations et de pouvoir d’influence qu’aujourd’hui...

Ne savait-on pas à Bruxelles que le Premier ministre hongrois et son équipe mentaient et trichaient depuis des mois à des fins électoralistes avec les chiffres, les baromètres et les thermomètres de l’économie hongroise ? Ces anciens communistes ont trop oublié la formule de Lénine : « Les faits sont têtus . »... Et la Commission l’oublie trop aussi.

Cela dit, cette affaire hongroise ferait sourire s’il elle n’avait entraîné des violences et une crise politique et sociale chargée de périls : comme un chef d’Etat peut-il être à la fois aussi menteur et aussi franc ? Le coté ordurier du vocabulaire utilisé par le Premier ministre socialiste hongrois, Ferenc Gyurcsany, confirme un tempérament de battant que connaissent les journalistes qui ont eu l’occasion de le rencontrer... Un morceau d’anthologie, non ? 

« Nous avons merdé, pas un peu, beaucoup. Personne en Europe n’a fait de pareilles conneries, sauf nous (en laissant filer les déficits publics) [...] Il est évident que nous avons menti tout au long des dix-huit derniers mois. Il est clair que ce que nous disions n’était pas vrai. Nous n’avons rien fait depuis quatre ans, rien. Vous ne pouvez pas me citer une seule mesure gouvernementale dont nous pourrions être fiers, à part le fait que nous nous sommes sortis de la merde à la fin (en remportant les élections) ».... Dans la « merde », il y est encore. Et il n’est pas le seul.


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