L’énergie à tout prix
par T.REX
jeudi 5 juillet 2007
Nouvelle démonstration des raisons pour lesquelles les Français ont dit “non” à l’Europe libérale lors du référendum sur le projet de Constitution européenne.
Comme chacun le sait maintenant, le marché européen de l’énergie est ouvert à la concurrence pour les particuliers depuis le 1er juillet dernier. De nouveaux entrants sur ce marché vont pouvoir faire des offres soumises aux règles de la concurrence et permettre aux citoyens de choisir leur fournisseur de gaz ou d’électricité.
Ce départ à la concurrence implique de délaisser les "tarifs réglementés" de l’énergie pour les tarifs "du marché" fixés par les lois (naturelles ?) de l’économie de marché.
Seul problème, ce choix n’est pas réversible et ceux qui seraient sensibles au chant des sirènes de la concurrence, qui ne manquera pas de leur faire des offres d’appel alléchantes, agrémentées de services qui deviendront vite indispensables bien qu’inutiles aujourd’hui, ceux-là donc, ne pourront revenir en arrière en cas de désillusion et se verront à jamais appliquer ces prix dits "de marché".
Les prix dits "réglementés" actuellement en vigueur sont maintenus artificiellement en-dessous des prix du marché de l’énergie, par le gouvernement, pour des raisons évidentes de maintien du pouvoir d’achat des ménages. En effet, la note énergétique, notamment de chauffage, serait lourde à supporter pour les foyers (sans jeu de mots) français, majoritairement modestes, qui ont déjà assez de mal à joindre les deux bouts.
Selon toute vraisemblance, la déréglementation des prix aura pour effet une augmentation, à terme, du coût de l’énergie, ce qui ne va pas faciliter la relance économique censée être entraînée par une reprise de la consommation des ménages.
Lors de la libéralisation des prix de l’énergie pour les entreprises, ces dernières avaient au moins la possibilité de revenir aux tarifs réglementés en cas de déconvenue. D’ailleurs seules 17 % des entreprises ont actuellement succombé (définitivement ?) aux charmes de la libre concurrence ; mauvais signe !
A ce propos, je soutiens l’ "UFC que choisir" qui réclame cette réversibilité également pour les particuliers, d’autant plus qu’en cas de déménagement, le choix du tarif réglementé ou non ne lui est pas posé, mais imposé par le précédent locataire ou propriétaire de sa nouvelle habitation, ce qui est une limitation excessive de sa capacité de choix.
Mais ne nous leurrons pas, cette mesure (si elle est acceptée) ne sera que provisoire car j’ai cru comprendre, écrit en filigrane, que les "tarifs réglementés" ne perdureront pas au-delà de 2010. Nous sommes donc dans une phase transitoire, avant la déréglementation totale.
Apparemment "Bruxelles" croit aveuglément à sa doctrine libérale d’économie de marché et se fout éperdument des difficultés qu’elle peut engendrer pour les plus démunis et d’une manière générale de la perte de pouvoir d’achat de l’ensemble des citoyens européens. La dimension sociale indispensable à une Europe "civilisée" n’est pas suffisamment prise en compte et c’est à mon avis la raison essentielle du rejet du projet de Constitution, le référendum ayant permis aux électeurs d’exprimer leur désapprobation d’une Europe libérale purement économique au détriment de l’Europe "Sociale" dont nous rêvons.
Ils ont dit "non" à la République des marchands.
Alors que l’ensemble de la classe politique s’évertue à ne pas comprendre le sens profond de ce rejet, Nicolas Sarkozy tente de faire valider une ressucée du projet avec son mini-traité, persuadé que le refus des électeurs ne concernait que des détails techniques ou constitutionnels, et non les fondements socio-politiques de l’Europe. Le faire approuver par le Parlement pour éviter un deuxième échec me semble démocratiquement malhonnête.
L’ouverture du marché au libre échange est d’autant plus inepte que ce secteur ne présente pas les conditions nécessaires pour que le jeu de la concurrence s’exerce pleinement. Elle sera réduite à quelques groupes de dimension mondiale qui auront tôt fait de s’entendre pour se partager le gâteau au détriment des consommateurs.
La déréglementation de ce service public, hautement stratégique et particulièrement sensible, est un nouvel exemple, s’il en fallait, des méfaits de la "doctrine libérale" de la libre concurrence et sa sacro-sainte "loi du marché".