Pour une chaîne européenne des patrimoines
par DONIAK
mardi 17 avril 2007
Un projet pour se connaître et s’apprécier en cultivant la diversité, l’originalité et les échanges entre les peuples.
Le déferlement d’images, de sons, de films en tout genre, de plus en plus par catalogues entiers, sur Internet, remet fondamentalement en question les bases de la connaissance, les modes d’accès à la culture, dans la plus large acception du mot, et jusqu’à la relation personnelle que chacun peut avoir (ou pas) avec le savoir, l’histoire, la mémoire.
Parallèlement, on peut maintenant constater une indifférence - à tout le moins - grandissante parmi les jeunes générations pour le "passé", entendu dans un sens de plus en plus restrictif ou généralisé, selon les points de vue. L’évocation par M6, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa naissance, des deux dernières décennies, centrée sur les développements technologiques, en témoignait presque caricaturalement : au vu des reportages et de leurs commentaires, les plus de 35-40 ans pouvaient se demander à juste titre comment ils avaient pu survivre à une époque sans téléphone mobile, sans ordinateur portable et même, dans ces années les plus reculées, sans micro-ondes !
Mais cette dénégation du passé - qui va d’ailleurs bien au-delà des générations et interroge l’essence même de nos civilisations - atteint une sorte de point de "non retour" dans le domaine de l’audiovisuel où les oeuvres sont purement et simplement ignorées et les archives réduites à des "confettis" qu’on (pro)jette au gré de l’actualité et des campagnes de promotion des uns ou des facéties des autres.
Cette situation et ces comportements peuvent évidemment nourrir les sempiternelles lamentations sur la perte des valeurs, la disparition des points de repère, la décrépitude des grandes idées porteuses d’avenir et d’espérances comme la construction de l’Europe.
Il n’y a pas de recette miracle ni de panacée face à ces phénomènes mais, pour ce qui concerne l’audiovisuel, la création d’une chaîne européenne entièrement consacrée aux patrimoines des télévisions de tous les pays qui s’y associeraient pourrait constituer une tentative de réponse concrète et positive à ces formidables bouleversements et à certaines des interrogations qu’ils suscitent.
La richesse quasi inépuisable des fonds disponibles, sans parler de la rareté de la majorité d’entre eux et de l’originalité de bien des oeuvres, offrirait une multiplicité et une diversité de programmes à toutes les catégories de publics, à toutes les classes d’âge et à pratiquement tous les goûts.
De surcroît, la rencontre et le brassage d’expressions de nations et de sociétés différentes seraient une illustration heureuse de cette notion d’"identité nationale" conçue ici comme un vecteur de connaissance, de compréhension et d’échanges entre les peuples.
Cette chaîne pourrait aussi aider accessoirement téléspectateurs et internautes à essayer de se retrouver dans le capharnaüm actuel et à venir, à faire des choix, de plus en plus problématiques sinon matériellement impossibles, en sortant des conformismes de tous poils et de la médiocrité ambiante, tout en valorisant la création et les auteurs.
Or, rien n’a été fait à ce jour ni même, semble-t-il, amorcé en ce sens alors que les ministres de la Culture de l’Europe ont annoncé, le 18 mai 2006, l’institution d’un "label européen du patrimoine" dédié à des "hauts lieux de mémoire et de création".
Pourtant les ressources, les structures et les moyens existent, d’autant plus que de grands groupes privés pourraient, pour diverses raisons, être intéressés au financement d’une telle entreprise, à l’exemple, en France, de Bolloré qui s’était engagé, avec le groupe NRJ, dans un projet de chaîne d’archives sur la TNT, rejeté par le CSA en 2005.
"Quand on aime la vie, on aime le passé, car c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire des hommes" a écrit Marguerite Yourcenar. Serait-il donc irrémédiablement utopique d’envisager de concilier, par le truchement de cet instrument éminemment vivant, culture et mémoire, identités nationales et idée européenne et , tout bonnement, intelligence et plaisir ?