Wallonie : dilemme franco-luxembourgeois

par Reflex
mercredi 14 novembre 2007

Le rattachement en bloc de la Communauté française de Belgique (étrange appellation) à la France et plus encore au Grand-Duché de Luxembourg constituerait assurément un fameux morceau. Modeste essai de politique-fiction pour une Belgique défunte.

En termes de fiscalité, en dehors des assujettis à l’ISF, les travailleurs aujourd’hui belges auraient tout à gagner à s’activer sur un territoire devenu français. Et bien plus encore si le Luxembourg les accueillait en son sein.

Malgré un infléchissement de la francophonie belge vers la droite, elle demeure essentiellement sociale-démocrate (P.S. + CDH + Ecolo). La France s’infléchissant de son côté vers certaines thèses nauséeuses serait loin de séduire les bastions rouges wallons où le taux de syndicalisation s’établit aux alentours de 80%. Quelques îlots wallons (Brabant, communes à facilités) où élisent domicile les réfugiés fiscaux français de l’ISF trouveraient assurément leur compte dans la "République" à la sauce Sarkozy.

Le Sud-Luxembourg, très gros pourvoyeur de main-d’oeuvre surqualifiée au Grand-Duché auquel il était historiquement rattaché, pourrait trouver accueil dans ce petit Etat où le territoire se raréfie au point de faire régner une grave surchauffe immobilière. D’ailleurs, quand l’actuelle régionalisation de la Belgique pointait son nez, déjà un mouvement provincialiste s’était agité, tout particulièrement en Luxembourg belge.

Les études menées alors démontraient que le sud de la province de Luxembourg ainsi que la communauté germanophone se sentait nettement plus proches de Luxembourg que de Namur ou Liège. Ce qui tombe à pic puisque les deux langues officielles du Luxembourg sont le français (en progrès constant) et l’allemand, en sus du luxembourgeois langue nationale. Que, comme le Luxembourg, les cantons électoraux actuellement belges ici visés votent principalement démocrates-chrétiens, libéraux et socialistes faisant tour à tour l’appoint. Enfin, le modèle tripartite luxembourgeois qui réunit gouvernement, syndicats et patronat, s’il peut apparaître corporatiste, se révèle quasiment identique à la concertation sociale telle que pratiquée en province de Luxembourg (leitmotiv du consensus).

Au plan économique, on notera que nombre d’implantations industrielles de la province de Luxembourg relèvent d’un état-major sis au Grand-Duché, qu’il s’agisse du chocolatier Ferrero et de la grand-ducale Soremartec, de Mobil Plastics Europ Films Division, des transporteurs et d’un très large nombre de PME. Même les antennes satellitaires de l’Agence spatiale européenne, conduites actuellement par l’Italien Ciset, aiguisent les appétits du premier opérateur commercial mondial de satellites, la grand-ducale SES, etc. Quant à Belgacom, elle a dernièrement jeté son dévolu sur les technologies de pointe développées par Vox Mobile au Luxembourg quand RTL TVi cultive son marché captif francophone belge depuis le plateau du Kirschberg.

Bref, malgré la dette publique dont hériterait inévitablement tout territoire se détachant de la Belgique, le rapport coût/bénéfice pourrait, au pire, se révéler un jeu à somme nulle pour le Grand-Duché, tout en lui offrant l’espace dont il a cruellement besoin.

Reste bien entendu l’écueil bruxellois. Sa reconversion en district européen à l’exemple de Washington D.C. apparaît la pire des solutions lorsqu’on a le malheur de s’éloigner du centre névralgique de la capitale américaine. Il convient donc de trouver un statut original à la capitale de l’Europe. Fiscalement, la solution saute aux yeux : l’impôt sur le revenu de ceux qui y travaillent doit lui revenir pour tout au partie. On imagine cependant difficilement que Bruxelles constitue un Etat nouveau.

Jamais la Flandre ne tolérera de se voir dépouillée du territoire qu’elle considère à tort comme sa capitale. La Wallonie ne peut davantage abandonner les quelque 80% de francophones qui l’habitent. On en revient donc à la piste européenne, pour mal taillée qu’elle soit.

Bruxelles accueille l’exécutif (Commission et principaux Conseils) ainsi que la plupart des sessions du Parlement européen (Strasbourg joue un rôle résiduaire et se révèle un poids insupportable à la majorité des députés). Le Grand-Duché de Luxembourg, historiquement hardi, accueillit les prémices de l’Union (Ceca). Aujourd’hui, outre un hémicycle parlementaire, elle héberge encore le secrétariat du Parlement, certaines séances du Conseil et l’ensemble des juridictions européennes (Tribunal et Cour). Il conviendrait de se pencher sur le potentiel que recèle ce rôle européen commun alors que les deux cités s’inscrivent dans cet espace joliment décrit par les géographes comme "banane d’or de l’Europe" !

Reflex


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