Assaut organisé contre les opérateurs de téléphonie
par L’équipe AgoraVox
vendredi 13 octobre 2006
Juste après la condamnation en novembre 2005 des trois opérateurs SFR, Orange et Bouygues Telecom, à 534 millions d’euros d’amende pour « entente illicite » (la condamnation disait explicitement que ces échanges d’informations visaient à « stabiliser leurs parts de marché respectives autour d’objectifs définis en commun »), l’UFC Que choisir avait prévenu : « Cette décision n’est qu’une étape et l’heure de la réparation de chaque abonné est maintenant venue. » (L’amende a été déposée dans les caisses de l’Etat). Alain Bazor, président de l’association, avait encore précisé : « Notre souci va être la réparation du préjudice pour le consommateur. Nous allons saisir la justice sur la base de la décision du Conseil pour demander la réparation du préjudice. »
Depuis, l’organisation du recours a mobilisé de grandes forces : mise en ligne d’un site, cartelmobile.org, pour que chaque consommateur mécontent constitue son dossier ; embauche de seize juristes pendant dix mois. Aujourd’hui, il a fallu quatre camionnettes chargées de cent vingt cartons pour aller au Tribunal de commerce de Paris. Dans les cartons, 12 521 recours, dont 4728 contre Orange, 4127 contre SFR, 3606 contre Bouygues Telecom, fondés sur un préjudice moyen de 65 euros. Seuls les dossiers complets ont pu être retenus (70 000 consommateurs ont calculé sur le site le montant du préjudice qu’ils ont subi, 22 600 ont monté un dossier complet). Les sommes demandées en réparation s’élèvent à 750 000 euros pour les consommateurs, 500 000 euros pour l’association. Comme en droit français la plainte collective n’est pas reconnue, le Tribunal devra examiner les dossiers un par un. L’UFC a donc facilité les démarches des consommateurs ; elle prévoit une durée d’instruction d’au moins un an et demi.
Les opérateurs téléphoniques sont coutumiers, semble-t-il, de l’entente illicite, qui leur garantit des tarifs artificiellement élevés. Depuis 1997, le Conseil de la concurrence a accumulé les preuves de ces liens souterrains entre opérateurs : note, en 2001, de SFR : « Michel Bon [président de France Télécom à l’époque] est OK pour reconduire l’accord parts de marché de 2000 » ; note de France Télécom : « Il faut que Bouygues remonte à 20% de parts de marché » ; rendez-vous mensuel discret afin « d’adapter rapidement la stratégie commerciale à l’évolution du marché » ; note de Pierre Bardon ( DG de SFR) : « OK pour reconduire en 2001, l’accord part de marchés 2000 » ; note chez Orange : les objectifs de rentabilité sont conditionnés par « la réussite de politique de pacification du marché » ; chez Bouygues Télécom, e-mail de la direction générale : les échanges sur les parts de marché se font « à titre confidentiel ».
Pour leur défense, en 2005, les opérateurs ont protesté : se parler, ce n’est pas nécessairement d’adonner à l’entente illicite. Le Tribunal avait des preuves du contraire, en l’occurrence.