PS - UMP : de la synthèse au bâton
par Bernard Lallement
lundi 21 novembre 2005
Le parti socialiste a choisi la voie, si ce n’est de la raison, du moins de l’évidence. Les dernières semaines ont montré un PS atone, absent de la crise, et son soutien réservé au décret instituant l’état d’urgence, suivi d’une opposition dubitative à sa prorogation, n’a pas contribué à le rendre plus audible.
Il faut reconnaître qu’il ne pouvait guère se dispenser de faire montre d’unité, et de taire provisoirement sa pépinière de présidentiables, alors que 57 % des Français estiment qu’il n’est pas une force de proposition sur les grands dossiers, et que 60 % le voient perdant pour 2007.
Aussi, le plus dur commence-t-il pour lui : s’atteler à un programme qui soit, tout à la fois, ambitieux, fédérateur, réaliste et porteur des valeurs humanistes caractéristiques de la gauche, susceptible de réconcilier tous les citoyens, sans exclusive, au sein de la République.
Les socialistes doivent redonner espoir, confiance et unité à un pays morcelé, où la peur est devenue le seul fil rouge d’une société en état d’apoptose.
Laurent Fabius, dont l’histoire du parti montre qu’il reste l’homme vers lequel convergent toutes les acrimonies partisanes, n’intégrera pas la nouvelle direction. Celui qui, le premier, avait anticipé le résultat du referendum, a peut-être compris que l’avenir du pays, et le sien, ne se jouent pas forcément à l’intérieur d’un PS qui peine, encore, à s’ouvrir sur la réalité.
Une France qui se radicalise
Selon un sondage CSA pour le Parisien dimanche, 68 % des Français approuvent le recours aux mesures d’exception de la loi du 3 avril 1955 et 55 % l’expulsion des étrangers coupables de délits, même en situation régulière, dont 48 % parmi les électeurs socialistes.
La politique de fermeté trouve donc un très large écho, faisant de Nicolas Sarkozy le champion du parti majoritaire. Celui-ci, d’ailleurs, ne s’y est pas trompé en réunissant, samedi, les nouveaux adhérents de l’UMP.
« La première cause du chômage, de la désespérance, de la violence dans les banlieues, ce n’est pas la crise économique, ce ne sont pas les discriminations, ce n’est pas l’échec de l’école. La première cause du désespoir dans les quartiers, c’est le trafic de drogue, la loi des bandes, la dictature de la peur et la démission de la République », a-t-il affirmé en revenant sur les termes de « racaille » et de « Kärcher » « sans doute un peu faibles (?), compte tenu d’un certain nombre d’individus.
Car il ne s’agit pas pour le ministre de l’Intérieur de changer la société, convaincu qu’il est que le modèle français « s’est effondré tout seul ». Il prend acte de la déliquescence du corps social et de son morcellement en sous-groupes antagonistes. Si son étalon politique reste les USA, il ne croit pas aux vertus transcendantales du concept de Nation, ce qui le différencie, essentiellement, d’un Dominique de Villepin, prompt à mettre en garde son camp contre la tentation des extrêmes. « Il faut éviter certains amalgames (...) Je crois au rassemblement, pas à la suspicion, à la recherche de responsables. » Pour le Premier ministre, les violences urbaines trouvent, avant tout, naissance dans une « crise des valeurs. »
Ces divergences entre le chef du gouvernement et son ministre d’État ne pourront que s’amplifier, au fur et à mesure qu’approchera l’échéance présidentielle. Contraints de faire valoir leurs différences vis-à-vis d’une opinion publique inquiète et indécise, ils entendent, ainsi, définir leur champ d’intervention. Le premier se résout à jouer la carte de la raison, tandis que le second entend épouser le camp des passions.
Quelle que soit la place qu’ils occupent sur l’échiquier politique, nos dirigeants feraient bien de méditer l’éditorial de Pierre Viansson-Ponté, paru le 15 mars 1968 dans le Monde, et redevenu d’actualité :
« Le vrai but de la politique n’est pas d’administrer le moins mal possible le bien commun ; il est de conduire un peuple, de lui donner des horizons, de susciter des élans, même s’il doit y avoir des bousculades. L’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’émancipation. »
Deux mois plus tard les évènements de mai éclataient, et allaient entraîner un bouleversement de notre société. A cette époque-là, la France s’ennuie... Aujourd’hui, elle s’interroge et désespère.
photos : AFP - Gamma Dessin : Le Monde