A (H1N1), peut-on évoquer une dictature sanitaire ?

par Bernard Dugué
mercredi 29 juillet 2009

C’est un cauchemar que vient de vivre une famille américaine dont la fille de 14 ans fut mise sous surveillance médicale à Pékin alors qu’elle effectuait un stage linguistique avec ses camarades. La mère a décidé de raconter dans le NYT son calvaire et celui de sa fille en écrivant un mini feuilleton quotidien à deux personnages. Dont le titre est « attrapée dans une rafle à Pékin ». Le mot rafle vient de la traduction de dragnet qui a plusieurs significations, comme filet de pêche ou alors rafle pris dans le sens d’une capture d’individus dans le cadre d’une enquête criminelle. On parle parfois d’une rafle dans les milieux terroristes… de Perpetland. Dans le vocabulaire de l’histoire de la Seconde Guerre, rafle prend un sens précis. Quant à la grippe, le mot rafle n’est pas d’usage chez nous en France. Laissons ces subtilités sémantiques pour examiner cette étrange histoire.


Sheryl Gay Stolberg commence son récit en évoquant sa crainte et celle de son mari de voir sa fille Olivia, en stage linguistique à Pékin, capturée par la patrouille sanitaire en raison des mesures prises en Chine pour contrer la pandémie de grippe A dont on ne cesse d’entendre parler. Pourtant, c’est confiante qu’elle envoie sa fille avec 20 de ses camarades, certaine que le pire ne se produira pas, bien que quelques centaines de ses compatriotes soient actuellement en quarantaine pour cause de grippe attrapée en Chine. Tout allait bien jusqu’au coup de fil fatal tant redouté. Le 18 juillet, Olivia appelle sa mère d’une voix affolée « maman, je tousse et j’ai de la fièvre, ils m’amènent à l’hôpital, je veux rentrer à la maison ! » La suite n’est guère réjouissante.


Tout avait commencé le 14 juillet. A peine arrivé à l’aéroport, le groupe d’ados et les deux professeurs accompagnateurs sont sondés par des caméras thermiques pointées sur le front. L’une des collégiennes montre une température suspecte. Elle est séparée et dirigée vers un hôpital alors que le groupe est conduit vers son lieu d’hébergement, une école pékinoise. Mais le calendrier a été modifié et la visite de la Cité interdite supprimée. Le groupe est confiné dans l’école, alors que les ados subissent une prise de température trois fois par jour. Et que la mère d’Olivia peste contre la réaction des responsables chinois qui auraient dû séparer les élèves en ayant constaté un cas suspect. Le 17 juillet, les élèves sont invités à porter un masque tandis que les tests effectués ont révélé la présence du virus H1N1 chez Nolan, le collégien pris par la patrouille à l’aéroport. La visite à la Grande muraille est annulée. Ça commence à sentir le sapin comme on dit dans le jargon.


Sheryl étant de plus en plus inquiète pour sa fille, qui de surcroît est sujette à des sinusites, songe à la rejoindre à Pékin mais auparavant, elle contacte une de ses confrères, correspondantes du NYT à Pékin. Celle-ci lui signifie qu’un tel déplacement serait inutile. Parce que les autorités médicales ne lui laisseraient pas entrer en contact avec sa fille. Et même si c’était possible, elle risquerait alors d’être attrapée dans le même piège et ne pourrait retourner aux States. Suite du cauchemar. Olivia a été contrôlée positive au test de la grippe A. Avec une température de 38.4. Elle est conduite vers un hôpital comme neuf de ses camarades, dispersés dans les hôpitaux pékinois. Second test, cette fois sur H1N1. Le test étant positif, Olivia est dirigée vers un autre hôpital apparemment très moderne, dans une chambre avec un téléphone et la possibilité de commander une pizza. Qui sera acheminée comme toute nourriture, à travers un sas. Elle y restera une dizaine de jours. Conformément aux dispositions sanitaires, tout patient testé positif au H1N1 ne peut sortir de l’hôpital. C’est la règle et l’Etat américain ne peut rien faire pour délivrer ses « otages » ou plus exactement, ses prisonniers de la guerre au virus menée par les autorités chinoises. La quarantaine s’achève enfin le 28. Un officiel escorte Olivia vers l’hôtel où elle retrouve le groupe. Ouf, ça se termine en happy end, surtout qu’Olivia s’est fait une copine pour toujours, une jeune Anglaise qui partageait sa chambre d’hôpital ! Les élèves vont rentrer le 30, sauf ceux qui comme Olivia décident de prolonger le séjour jusqu’au 8 août, tandis qu’une seule malchanceuse est encore à l’hôpital.


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Eléments d’analyse sur la dictature sanitaire.


Comme on vient de le constater, le cas d’Olivia mérite quelques réflexions. Par une drôle de coïncidence, il se trouve que c’est la fille de Shelby, une chroniqueuse du NYT qui a pu livrer une véritable story qui, même si elle est assortie d’une happy end, n’en représente pas moins un témoignage digne d’intérêt. Avec un premier élément d’analyse. Un citoyen lambda peut user du storytelling. C’est d’ailleurs même devenu tendance. L’affaire Coupat n’a-t-elle pas représenté chez nous une storytelling, légitime pour tout citoyen, et destinée à combattre un pouvoir excessif. En plus, Shelby n’est pas une néophyte en la matière puisqu’elle a écrit des chroniques scientifiques pour le NYT. Son avis est donc intéressant. Son avis est même assez tranché. Sans l’avoir explicité ouvertement, elle pense que les Chinois sont relativement dingues face à cette épidémie de grippe. Difficile de leur jeter la pierre, vu qu’ils ont eu a gérer une épidémie de Sras, mais les Canadiens aussi. D’après Shelby, cette grippe ne doit pas laisser la place à l’édification d’une bien vaine ligne Maginot sanitaire. Aux States, les autorités sanitaires pensent que vouloir arrêter la propagation du virus, cela revient à stopper une vague de rhumes liés à un refroidissement, dit-elle dans son billet. La grippe A est bénigne et la seule réaction sensée est de prescrire un antiviral, voire même du banal paracétamol.


En Chine, on vient de constater les mesures draconiennes mises en place par les autorités. Cela n’est pas sans rappeler les différents épisodes de parano, notamment lors des JO de Pékin hyper-surveillés. La Chine livre un visage assez inquiétant. Mais la Chine fait ce qu’elle veut chez elle. Si elle décide de mesures exceptionnelles pour contrôler la grippe, comme du reste contrôler l’information, c’est son problème. Rien ne nous impose d’aller là-bas. Il semblerait, en première analyse, que la réaction face à la pandémie soit en correspondance avec un certain état d’esprit et notamment, la puissance du système de contrôle des Etats. Contrôle sanitaire allant de pair avec contrôle des médias. Les pays industrialisés où les médias sont les plus libres, Etats-Unis et Grande-Bretagne, sont ceux qui paniquent le moins face à la pandémie de grippe de 2009. Les pays contrôlés comme la Chine, paniquent et prennent des mesures démesurées de confinement. Quant à la France, elle ressemble beaucoup aux States et un petit peu à la Chine. Les médias français ne sont pas contrôlés mais bien disciplinés, bien plus que leurs homologues américains et britanniques. La réaction de l’Etat français face à la grippe est donc dans l’entre deux. Pas de panique mais une ligne Maginot représentée par le vaccin, pas obligatoire mais la ministre Bachelot n’a pas exclu cette éventualité qui s’inscrit dans un programme de dictature sanitaire.


C’est sans doute un combat citoyen de notre époque. Lutter contre la dictature sanitaire, le biopouvoir d’un corps médical qui tend à devenir l’ennemi du peuple. Lutter contre l’autre ennemi, économique, incarné à travers la loi Hadopi. Et contre l’ennemi du Reich écologiste, avec sa taxe carbone. En 2009, 70 ans après la drôle de guerre, le peuple français a la possibilité de résister. En fin de compte, Carl Schmitt avait vu juste. La politique revient à désigner un ennemi. Mais cette fois, le principe est dévié de son application et c’est au peuple de désigner ses ennemis. Et l’ennemi peut aussi être mondial. Il serait temps que nos politiciens s’interrogent sur le rôle de l’OMS dans cet épisode pandémique débouchant sur quelques velléités de mettre en place une dictature sanitaire. Soyons vigilants. Ce n’est pas le virus qu’il faut surveiller mais les pouvoirs sanitaires. 



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