Démocratie participative et poids des lobbies

par Martin sur AgoraVox
vendredi 6 avril 2007

Il y a souvent une confusion entre les concepts de « démocratie représentative », « démocratie participative » et « démocratie directe ».

La « démocratie participative » est un terme marketing destiné à asseoir un système politique qui est en vérité basé sur la technocratie antidémocratique des lobbies.

Le présent article explique quelle est la différence entre les soi-disant «  démocraties » que nous imposent les politiques au pouvoir depuis des décennies et la démocratie véritable.

Qu’est-ce que la démocratie ?

La démocratie est assurée par deux conditions indissociables :

- La liberté d’opinion doit être garantie : cela signifie que les citoyens sont libres d’exprimer et de propager toutes les opinions quelles qu’elles soient.

- Toutes les décisions doivent être conformes aux désirs de la majorité des citoyens, donc toute décision doit pouvoir être soumise à la validation par la majorité des voix des citoyens qui désirent s’exprimer.

Liberté d’opinion car il n’y a pas de vérité absolue

Examinons pourquoi le liberté d’expression est indispensable à la démocratie.

Les convictions d’un individu sont partiellement le résultat de son histoire individuelle qui a pour conséquence qu’il remarque ou observe en priorité certains faits qui restent non remarqués ou non observés par d’autres.

C’est une règle générale : tout le monde fonctionne ainsi. Par exemple il y a dans le domaine de l’économie des professeurs ou même des chercheurs ayant le prix Nobel. Ils connaissent très bien leur domaine d’activité. Mais souvent, entre eux, ils ne partagent pas les mêmes points de vue, leurs opinions sur les questions d’économie divergent parfois complètement. C’est ainsi parce que quand un individu construit son analyse, parmi les faits connus il choisit les faits qui lui semblent les plus importants, pas uniquement de façon rationnelle, mais aussi par des critères inexprimés d’expérience de la vie et de sensibilité personnelle.

Les opinions opposées sont donc une chose normale. Cela ne signifie pas que pour imposer une décision dans une communauté nous devons crier les uns sur les autres ou pire. Et le fait que les opinions opposées sont donc une chose normale et que personne ne sait où est l’absolue, la suprême vérité, est la raison pour laquelle les règles de la démocratie sont nécessaires.

Chaque décision doit être conforme à ce que désirent les citoyens dans leur majorité

On peut distinguer trois types de « démocraties », mais une seule mérite le nom de démocratie.

Démocratie représentative :

Dans un système de « démocratie représentative » les politiques sont élus, ensuite ils prennent des décisions, écrivent des lois, signent les traités internationaux, engagent des dépenses que des générations futures devront rembourser etc., sans vérifier si la majorité de la population est d’accord avec chacun de leurs actes, et même souvent en sachant que la majorité de la population n’est certainement pas d’accord avec certains de leurs actes.

Un exemple qui confirme que la « démocratie représentative » qui est actuellement en place - celle où la volonté du peuple est bafouée, celle où les parlements décident ce que bon leur semble et celle où les lobbies dictent les décisions - ne respecte pas la volonté de la majorité de la population : le vote sur la Constitution de l’Union européenne, dans la version proposée aux citoyens européens en octobre 2004. En France, cette Constitution avait été approuvée par le président de la République française, puis avait été approuvée par 92 % des parlementaires de l’Assemblée nationale française, avant d’être rejetée par 55 % des électeurs français lors du référendum de mai 2005. Même en Espagne où le référendum à donné un « oui », c’était 77 % de oui alors que le Parlement avait approuvé à 94 %.

Démocratie participative :

Dans un système de « démocratie participative » les politiques sont élus, ensuite ils font appel à certains groupes qui représentent certaines catégories de la population, pour participer à la définition des actions politiques. Les groupes auxquels font appel les politiques sont des représentants socioprofessionnels (industrie, services, syndicats, agriculture, bâtiment, enseignants etc.) ou des organismes, instituts, forums professionnels ou citoyens, financés par certains groupes d’intérêts ou involontairement financés par les contribuables lorsque ces groupes ont la forme d’associations qui sont subventionnées par les municipalités, régions ou ministères. Dans ce système participatif, les politiques au pouvoir agissent aussi en fonction de l’intensité du bruit que font certains groupes. Par exemple quelques dizaines d’occupants des églises ou des salles de sport peuvent - soutenus par des associations, donc par les représentants de la démocratie participative - imposer aux municipalités de prendre en charge leur logement et leurs besoins alimentaires. Peut-être que la majorité des citoyens qui sont concernés par ce genre de décisions sont d’accord, mais peut-être qu’ils ne sont pas d’accord - en attendant ce sont les politiques et les groupes les plus bruyants ou les plus agressifs qui décident et l’opinion de la majorité qui reste silencieuse est ignorée. Tous ces groupes auxquels font appel les politiques ne sont au mieux que des lobbies. En somme, en démocratie participative, ce sont les lobbies qui ensemble avec les politiques décident ce qui doit être imposé à la majorité silencieuse : la démocratie participative est la technocratie des lobbies. Si la démocratie était respectée, les lobbies ne pourraient intervenir que pour faire des propositions. Mais en démocratie c’est toujours (il faut souligner le mot « toujours ») la volonté de la majorité de la population qui devrait être respectée pour décider quelles sont les lois qu’il faut écrire et mettre en application, quelles sont les actions à engager, quelles sont les mesures à prendre. En « démocratie » participative ce n’est pas le cas.

Les critiques de ce système le qualifient parfois par le terme qui est censé être péjoratif : « populisme ». Le terme « populisme » voudrait dire que ce système politique repose sur les décisions voulues par le peuple dans sa majorité. Mais ce système politique de « démocratie participative » permet simplement aux politiques en place de dire « le peuple a décidé que... » alors qu’en vérité le peuple, dans sa majorité, n’a pas été consulté pour « décider que ... ». En ce sens ce système politique est un déguisement de la volonté du peuple, c’est un « populisme de façade », cynique, car il justifie des décisions autoritaires, mais soutenues par certains lobbies proches du parti au pouvoir, comme étant des décisions soi-disant « voulues par le peuple » alors qu’en vérité ces décisions n’ont pas l’appui de la majorité des citoyens.

Démocratie directe :

La « démocratie directe » est la seule qui mérite vraiment le nom de démocratie. Dans ce type de démocratie, l’outil politique fondamental est le référendum, qui permet à la population d’intervenir directement dans les décisions de politique et de gouvernement, d’intervenir donc sans intermédiaires, afin de valider les décisions que les politiques doivent ensuite traduire en lois ou afin de corriger les décisions de ceux qui gouvernent.

De façon collective, la masse des citoyens n’est pas souvent génératrice d’idées constructives. Certaines grandes idées qui apportent le progrès à la communauté viennent d’individus qui sont capables d’exposer leur vision, de l’argumenter et de convaincre les citoyens. Ces individus font progresser l’humanité parfois en étant au départ contre l’opinion du plus grand nombre. Mais il est important que ces individus n’imposent pas leurs idées contre la volonté de la majorité des citoyens : ils doivent convaincre les citoyens et c’est toujours l’opinion du plus grand nombre qui doit décider.

Le droit aux référendums d’initiative populaire et aux référendums obligatoires pour certaines décisions, doit être garanti dans la Constitution de l’Union européenne et devrait être garanti dans les constitutions des États membres.

Le référendum d’initiative populaire est l’outil qui permet aux citoyens d’intervenir à tout moment pour corriger les décisions antidémocratiques prises par les politiques ou pour éviter que ces décisions ne soient prises.

Le référendum doit être obligatoire pour un certain nombre de questions qui touchent aux fondements mêmes ou à l’identité de l’UE ou des États membres. Au niveau de l’UE, ces questions concernent notamment :

- La Constitution,

- Chaque élargissement à un nouvel État membre,

- La politique d’immigration en provenance d’autres continents,

- Les règles d’attribution de la citoyenneté,

- La politique sociale,

- La globalisation de l’économie,

- etc.

La démocratie directe n’élimine pas les éléments de « démocratie représentative » ni les éléments de « démocratie participative ». La démocratie directe laisse aux uns et aux autres la possibilité de faire des propositions et laisse aux politiques la responsabilité de gérer les affaires de la communauté au quotidien. Mais elle exerce sur les politiques et sur les lobbies le contrôle du respect de la règle démocratique : « pour toutes les questions qui touchent la communauté c’est la volonté de la majorité des citoyens qui décide ».

Les arguments pour et contre la démocratie directe

Les arguments contre le système politique qui inclut la démocratie directe sont de deux types :

- c’est du « populisme » ;

- ça ne peut fonctionner qu’à un niveau géographique restreint ou dans une petite communauté, au niveau des municipalités ou des régions, mais un grand pays ne peut pas être gouverné d’après des décisions issues des résultats des référendums. Ça ne peut qu’engendrer des instabilités.

Le mot « populisme » fait partie du vocabulaire que les opposants à la généralisation des référendums utilisent lorsqu’ils sont à court d’arguments. C’est avec des intonations péjoratives qu’ils prononcent le terme « populisme » qui signifie que ce système politique repose sur les décisions voulues par le peuple dans sa majorité. Ils sont donc péjoratifs uniquement parce qu’ils estiment que les décisions politiques doivent être réservées à une « élite » - c’est là le véritable argument caché de ceux qui sont contre le « populisme » : ils ne disent pas clairement qu’ils sont opposés à la démocratie. Car si les décisions doivent être réservées à une élite, alors le démocratie n’existe pas. Rappel : en démocratie toutes les décisions doivent être conformes aux désirs de la majorité des citoyens, de tous les citoyens qui souhaitent exprimer leur volonté. Si la règle est que les décisions politiques doivent être seulement conformes aux désirs d’une certaine « élite », alors on ne se situe pas dans un système démocratique.

Le système politique qui fait appel aux référendums de façon généralisée peut être mis en place quelle que soit la taille ou le poids économique ou démographique du pays.

Les États Unis d’Amérique sont un exemple de grand pays qui pour certains types de décisions met en œuvre les référendums.

Le seul pays au monde qui met parfaitement en pratique les référendums, dans le respect complet de ce qu’exige la véritable démocratie, est un pays européen. Mais ce n’est pas un pays membre de l’Union européenne.

Là où la véritable démocratie est déjà en place, avec les référendums garantis aux citoyens, comme c’est le cas depuis longtemps en Suisse, existent la stabilité politique et la paix civile. En Suisse existent historiquement deux religions chrétiennes et quatre langues officielles. Les cantons suisses appliquent certaines lois ou règlements locaux, mais la plupart des lois et les orientations de politique générale sont décidées et appliquées au niveau fédéral. Le dispositif politique suisse doit sa stabilité et sa légitimité, et le peuple suisse doit sa bonne entente, à la garantie offerte aux citoyens de disposer de référendums d’initiative populaire au niveau des cantons comme au niveau fédéral. Quel autre État avec plusieurs religions et plusieurs langues se permettrait-il de demander à tous les citoyens conscrits de conserver chacun chez soi son arme de guerre avec munitions de combat ? La Suisse se le permet, elle ne craint pas les émeutes, parce que son système politique a depuis longtemps éliminé les tensions sociales par la voie de la démocratie directe, par les référendums.

Avec son système politique basé sur la démocratie directe et avec son organisation fédérale, la Suisse pourrait être un modèle pour les États membres de l’Union européenne et pour les instances de l’Union européenne (Commission européenne, Conseil de l’Union européenne) qui ont pris l’habitude de prendre des décisions non conformes à la volonté de la majorité des Européens.

Peu importe le nom que certains utiliseront pour qualifier le système politique suisse. Si dans le vocabulaire de certaines personne le mot « populisme » s’impose, alors il est certain que ce « populisme » helvétique est le modèle, l’exemple à suivre par tous ceux qui veulent instaurer la démocratie véritable.

Résumé des deux conditions de la démocratie véritable

Les deux conditions qui permettent de reconnaître la mise en place de la démocratie dans une communauté sont :

- tout citoyen a le droit d’exprimer et de propager des opinions ou des idées quelles qu’elles soient, sans censure, sans interdit ;

- les propositions qui concernent la communauté sont toujours appliquées suivant ce que décide la majorité des citoyens, donc toute décision doit pouvoir être soumise à la validation par la majorité des voix des citoyens qui désirent s’exprimer.

En démocratie, le devoir des individus qui représentent le pouvoir - politique, éducation publique, médias officiels - est de respecter la liberté d’opinion et d’appliquer systématiquement et scrupuleusement les décisions qui viennent de la volonté de la majorité des citoyens. Aucune décision politique, aucune loi, aucun traité international ne doivent être contraires à ce que veut la majorité des citoyens.


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