Du Maire du Palais à l’Officier Porte-coton !

par Georges Yang
samedi 10 janvier 2009

Nous avions déjà eu droit à la lettre de Guy Moquet et à la Princesse de Clèves ! Dans la même ligne d’autosatisfaction et de méconnaissance de l’histoire, Nicolas Sarkozy nous remet à la mode les Rois fainéants avec là, en arrière fond, une critique acerbe de Jacques Chirac, à peine voilée et toute en nuance. Le président se veut drôle, il pense amuser les gueux en se targuant de culture. Qu’il prenne garde cependant que des historiens, mieux informés que l’ineffable Henri Guiano, ne lui ressortent une autre comparaison digne d’un roi, non soleil, mais avec lunettes de soleil ; celle d’un monarque considérant ses ministres comme des laquais, voués à l’obéissance et tout juste dignes de tendre le nécessaire à leur souverain comme le faisait l’Officier porte-coton à Louis XIV sur sa chaise percée.

Revenons aux Rois fainéants, titre peu glorieux attribué aux Mérovingiens depuis le fameux Dagobert Premier. Ces rois n’étaient pas plus paresseux que d’autres, mais eurent souvent le bon sens de s’entourer d’érudits que nous appellerions ministres de nos jours et qui portaient alors le titre de Maires du Palais. Il y eut bien sûr le fameux Eloi bien plus utile au royaume que ce que nous dit la chanson populaire, écrite sous la Révolution et qui de fait brocarde la royauté et Louis XVI en particulier. Il n’est qu’à relire l’histoire du règne de Dagobert, pour s’apercevoir que ce roi a été un grand législateur ayant reçu une éducation digne d’un monarque, alliant exercice physique, érudition et éducation politique et administrative. Bien avant d’être roi, il parcourut le royaume en compagnie de son Maire du Palais qui à cette époque n’était pas Eloi, mais le Duc Ega et acquit une connaissance du peuple et de la politique. Ensuite, il se montra un fin administrateur et législateur toujours très bien entouré de conseillers habiles.
 
Comparer Chirac à Dagobert est donc loin d’être une insulte et Sarkozy se fourvoie encore une fois car ses connaissances historiques sont plus que basiques. Mais peut-être voulait-il faire référence aux successeurs de Dagobert, les Thierry, Childebert, Childéric et Clovis dont on a désormais oublié les numéros dans l’ordre de succession ! A leur décharge, il faut reconnaître qu’une série de quinze monarques sur un peu plus de cent ans (639 à 751) ne permettait à aucun d’entre eux de marquer l’histoire tant les règne furent brefs et souvent abrégés par des querelles dynastiques souvent violentes.
 
D’Eloi, le fidèle serviteur de l’état, de Pépin de Herstal, de Charles Martel à Pépin le Bref, réputé pour sa petite taille, auteur d’un coup d’état mettant fin à la dynastie mérovingienne, les Maires du Palais ont gouverné beaucoup mieux qu’il n’y parait. Ils ont été victimes du dénigrement systématique de leurs successeurs, les Carolingiens qui pour justifier leur coup de force en ont fait des fainéants et des incapables crasseux aux cheveux longs se déplaçant en char à bœufs, alors que se déplacer de la sorte et exhiber une chevelure abondante était un signe de noblesse chez les Francs de cette époque.
 
Dans le parcours de Sarkozy se retrouve la même volonté d’éviction du prédécesseur en étant déjà dans la place. Souvenez vous de Sarkozy au gouvernement se répandant en petites phrases assassines contre Chirac et Villepin et de son utilisation de l’appareil d’Etat au Ministère de l’Intérieur pour préparer son installation sur le trône.
 
Sarkozy se montre donc par l’action aussi proche de Pépin que par la taille ! Notre nouveau Sarko le Bref est certes par sa démarche déhanchée, bien plus proche des pinnipèdes (les otaries) que des Pippinides, la dynastie des Pépin. Il s’y identifie pourtant par son désir de se rapprocher de l’Eglise et s’il n’a pas encore demandé au Pape d’entériner son règne comme étant de droit divin, il marche sur les brisées de son lointain prédécesseur en faisant revenir la France dans le domaine du religieux face à la laïcité. Car contrairement à la croyance populaire et aux déclarations de Sarkozy lors de son discours de Latran, la France n’est pas devenue « Fille aînée de l’Eglise » après le baptême de Clovis, mais quand Pépin le Bref a demandé le soutien du Pape Zacharie en 754 pour devenir monarque après l’éviction du dernier Mérovingien.

 
Les références de Sarkozy à Latran sont donc approximatives :
 
« C’est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l‘Eglise. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l’Europe. A de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l’occasion de manifester la profondeur de l’attachement qui les liait à l’Eglise et aux successeurs de Pierre. Ce fut le cas de la conquête par Pépin le Bref des premiers Etats pontificaux ou de la création auprès du Pape de notre plus ancienne représentation diplomatique ».
 
On peut de fait être étonné du peu de considération pour les Mérovingiens dans les programmes scolaires de l’école laïque et républicaine de Jules Ferry teintés de l’histoire de Michelet et de l’intérêt porté à Pépin le bref et aux Carolingiens quand on sait les liens qui unissaient cette dynastie à l’Eglise catholique.
 
On apprend aussi que Dagobert fut atteint d’entérite chronique dès l’âge de 9 ans. Il aurait pu très bien avoir recours à une chaise percée et à un officier porte-coton s’il avait vécu quelques mille ans plus tard. Voila donc le lien transgénérationnel avec un autre souverain qui par son comportement et son attitude condescendante vis-à-vis de ses ministres nous ramène encore une fois à Nicolas Sarkozy notre présent monarque.
 
Sautons en conséquence quelques générations et arrivons au règne d’un monarque absolu, Louis XIV auteur de la phrase célèbre : « L’Etat, c’est moi !  ».
 
Louis XIV n’est pas connu pour sa modération mais surtout pour son ostentation et son désir de pouvoir absolu, le président actuel de la France tend à partager le même point de vue concernant la marche de l’Etat.
 
Certes, Sarkozy ne reçoit pas sa cour assis sur son siège percé pour y dicter ses ordres, mais il a astreint ses ministres obéissants au rôle de potiches et de courtisans. Écouter les louanges et le dithyrambe des membres du gouvernement, les entendre balbutier leur approbation féale fait penser à un autre règne où il était de bon ton de sourire en tendant le coton lorsque le souverain distribuait compliments et blâmes lors de ses solennelles défécations publiques. Alors, il est certain que beaucoup de ces ministres frileux, qui subissent caprices, bons mots et ironie du nouveau monarque hyperactif, préféreraient sûrement la charge de Maire du Palais d’où ils pourraient gouverner au lieu de figurer tremblotants sur les photos de groupe avant de répéter sans broncher les oukases du nouveau seigneur.
 
La presse a beaucoup glosé sur la dérive monarchique en parlant à la fois d’hyper présidence et de phénomènes de cour, allant jusqu’à parler de favorites. Mais Sarko le Bref n’a cure de Berthe au grand pied arrivée à la cour de Pépin après la répudiation de sa première épouse, il lui préfère les intrigantes Montespan en Dior.
Et puis, pour réconcilier les membres du gouvernement avec les cérémonies religieuses, Sarkozy pourrait très bien réintroduire l’usage du bourdalou, ce discret petit pot de chambre en porcelaine que les grandes dames glissaient délicatement sous leurs jupes pour se soulager pendant les offices. Le port du pantalon ou de le jupe courtes ne facilitant pas l’exercice discret de la miction, il faudrait revenir à une vogue de la robe ample et longue, ce qui aurait l’avantage de relancer l’industrie de la mode qui subit elle aussi le début de la crise.
 
La dérive monarchique devrait néanmoins faire remplacer le Je si fréquemment employé par un Nous plus royal. Cependant, s’il veut encore aller loin, notre nouveau roi soleil devra ménager ses Ray Ban, ainsi qu’Angéla Merkel s’il veut à nouveau régner sur le Saint Empire européen.
 

Lire l'article complet, et les commentaires