Joël de Rosnay, la révolution internet et les entreprises

par Boris Stephan
mercredi 13 juin 2007

DDB Nouveau Monde Lyon accueillait jeudi 31 mai une conférence de Joël de Rosnay : La révolution internet bouleverse la relation entre l’entreprise, ses marques, ses publics. Quels sont les scénarios de la communication du futur ? Voici les idées qui m’ont le plus marqué dans cette conférence.

Un des directeurs de DDB Lyon (dont je n’ai pas le nom) introduit la conférence à peu près de la sorte : notre système de valeurs personnelles et professionnelles et le système de valeurs capitalistique de l’entreprise sont remis en cause par les nouveaux usages d’internet, et par des entreprises comme Google.

Sur le coup, je me suis dit : Ca ressemble au discours d’une entreprise de communication et surtout de pub, bien traditionnelle qui se demande à quelle sauce elle va être mangée.

Les questionnements d’une agence de com’ à propos d’internet

Cette première impression n’était pas la bonne, et il était plutôt intéressant d’assister aux questionnements d’une agence de com’ sur la manière dont elle doit s’adapter au nouvel internet.

Par exemple Philippe Coudol, responsable des stratégies internet chez DDB, fait ce préambule : si l’on n’est pas présent sur internet (proposer un discours sur le web) et qu’on ne communique pas avec internet (établir un dialogue avec ses publics en ligne), on sera communiqué par internet (ce n’est pas parce que vous n’y êtes pas qu’on n’y parle pas de vous).

Et il propose de remplacer le terme NTIC par l’expression technologies de la relation. Ce qui introduit parfaitement l’intervention de Joël de Rosnay...

Le nouvel internet vu par Joël de Rosnay

De Rosnay commence par cette affirmation provoquante : Internet va disparaître. Disparaître sous la forme où nous le connaissons aujourd’hui : nous n’irons plus sur internet, car l’internet sera fondu dans notre environnement, comme l’électricité aujourd’hui. De même, on n’accèdera plus à l’ordinateur via un écran, mais l’ordinateur sera autour de nous (objets intelligents et communicants).

Dit comme ça, cela peut paraître de la science-fiction, mais il s’appuie sur plusieurs exemple probants : Motion Capture Technology utilisée pour faire de la pub dynamique à l’aéroport de Los Angeles, stylos électroniques pour remplacer la saisie clavier, écrans souples pour laisser son PDA dans sa poche...

(Au passage, j’ai trouvé assez amusant de prendre une leçon de technologie par un geek aux cheveux gris !


Les nouveaux marchés du peer to peer

Lorsque Joël de Rosnay aborde les nouveaux pouvoirs donnés aux citoyens et aux consommateurs par les technologies de la relation, il fait ce pronostic : la banque, l’assurance, le consulting et l’éducation seront les prochains marchés touchés par le peer to peer.

Pour les deux premiers marchés, il a des exemples concrets : aux USA et au Japon, certaines sociétés proposent désormais de mettre en relation les internautes pour qu’ils se prêtent de l’argent ou co-assurent leurs voitures.

Pour le consulting, j’ai du mal à imaginer la chose. De Rosnay affirme que le consulting est organisé de manière trop tayloriste, et que demain une entreprise pourra faire appel à plusieurs consultants distincts sur un même dossier. Bon... Il faut dire que c’est un milieu que je ne connais pas.

L’Education nationale est trop tayloriste

  • un programme national,
  • une évaluation binaire : >10 on passe (bon), <10 on redouble (mauvais),
  • une évaluation des enseignants en un lieu et un moment donnés.

Joël De Rosnay parle de coéducation à propos de l’impact du P2P sur l’éducation : ceux qui ont une expertise la transmettent à ceux qui la recherchent. Les jeunes peuvent ainsi éduquer les plus âgés, et inversement, en fonction des compétences de chacun.

Et l’enseignant devient un connecteur d’intelligences plutôt qu’un dispenseur de connaissances. Par exemple : Une classe fait une sortie à la Cité des Sciences. Certains élèves sont chargés de faire un reportage vidéo, d’autres une présentation multimédia. Ils mettent leur travail en ligne sur leur blog. En classe, on les commente, et on va chercher sur internet ce qui manque pour les enrichir.

Sommes-nous prêts ?

Sommes-nous prêts à nous approprier ces nouveaux outils et ces nouveaux pouvoirs ?

C’est la question qui m’est venue dès le premier tiers de la conférence, à l’évocation de cette publicité dynamique à l’aéroport de Los Angeles : sur le mur d’écran le long du couloir de la salle d’embarquement, une voiture vous suit. Si vous accélérez, elle accélère, et inversement. Et le conducteur est à votre image (tout cela grâce aux Motion Capture Technologies).

Les individus seront-ils réceptifs ?

Les cibles de la publicité ont de plus en plus de mal à la tolérer, car elle se fait de plus en plus insistante et intrusive. Le mouvement des antipubs en est l’expression la plus exacerbée. Si l’internet devient ambiant, la communication et la publicité le deviendront aussi. Sommes-nous prêts à l’accepter (derrière moi, une personne s’est exclamée plusieurs fois à propos des nouveaux objets communicants : mais c’est effrayant !) ?

Et sommes-nous prêts pour nous approprier ces nouveaux outils et usages ? Une personne faisait remarquer à la fin de la conférence que lorsqu’elle revenait de vacances, elle avait déjà l’impression d’être dépassée par les nouveautés. Qu’en est-il des personnes qui utilisent à peine l’e-mail ?

Dans mon entourage, les enseignants et les ingénieurs ont du mal à saisir l’engouement pour les blogs, pour Youtube et pour Wikipedia (il y a des gens qui ont du temps pour faire ça ?). Comment vont-ils aborder demain l’informatique déportée et les objets connectés en permanence ?

Les entreprises sauront-elles s’adapter ?

Toutes les entreprises qui innovent et qui font parler d’elles sur internet sont à une écrasante majorité des pure players, des entreprises dont l’activité se situe exclusivement sur internet : Amazon, Skype, Ebay... Quid des bricks and mortar, des entreprises qui fabriquaient et qui vendaient avant internet ?

La plupart sont encore réticentes à vendre en ligne. Ne sont-elles pas condamnées à mourir, face aux pure players qui ne vont cesser d’émerger et de prendre des parts de marché ? Les bricks and mortar sont-elles capables de s’approprier les technologies de la relation pour exister sur les marchés de demain ?


NB : J’avais lu La révolte du pronétariat de Joël de Rosnay. J’avais trouvé ça très universitaire et assez ennuyeux (peut-être parce que je sortais du bouillonnant Blogs pour les pros de Loïc Le Meur...). Vu les qualités d’orateur et les propos enthousiasmants du bonhomme lors de cette conférence, je vais lui donner une seconde chance avec 2020, les scénarios du futur.


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