Poker menteur à Pittsburgh

par morice
lundi 28 septembre 2009

Alors comme ça l’Iran aurait caché une installation de plus, nous dit un trio de dirigeants gesticulants, et pas des moindres, à Pitttsburgh, sous la houlette d’un Barack Obama prêt à diaboliser un régime que ses services secrets n’ont pas réussi à abattre, malgré 400 millions de dollars injectés par son prédécesseur dans des actions secrètes dans le pays. Car c’est bien joli de nous dire que ces installations sont « nouvelles » et seraient la preuve d’une volonté perpétuelle de dissimulation du régime iranien : en réalité, tout le monde connaissait le site incriminé depuis trois ans au minimum, et c’est l’Iran lui-même qui l’avait annoncé !!! Cette déclaration théâtrale et intempestive n’est qu’un coup médiatique, derrière lequel se cachent des gens fort peu recommandables. Notre dirigeant français, en particulier, si prompt à condamner l’ennemi juré de ses amis israéliens s’est-il aperçu que les informations dont il s’est servi provenaient des personnes qu’il avait lui-même jetées en prison pour terrorisme et provocation au suicide  ? Rien n’est moins sûr : en stratégie politique internationale, il y a des oublis bien pratiques. Celui-ci en est un, et il est grave et c’est pourquoi nous allons rappeler d’où viennent ces pseudo-révélations sur le nucléaire iranien. Une manipulation, de toute évidence.
 
Les deux autres dirigeants montant dans le train de la dénonciation outragée étant Gordon Brown, empêtré dans des cabales intérieures sur l’argent public utilisé par ses ministres, où le dernier gag en date est l’emploi d’immigrés non déclarés comme employés de maison, et surtout une montée très forte de l’opposition à la guerre en Irak, où des soldats et des généraux commencent à la trouver saumâtre. La mort récente du fils d’un héros de guerre explosé dans une Land Rover absolument pas protégé contre les mines ajoutant à la récrimination du moment. Sans parler du scandale des hélicoptères Chinook anglais bricolés, dont un avec les vestiges d’une épave argentine saisie, remontant à la guerre des Malouines ! Pire encore, question situation grotesque : les anglais ont acheté des hélicoptères Chinook nouvelle génération aux américains, munis de beaux tableaux de bord LCD et de commandes électriques… mais ont oublié d’acheter la licence du logiciel qui les gère. Résultat, ils ont passé ces trois dernières années à retirer cet équipement dernier cri pour remettre des commandes traditionnelles et de bons vieux câbles, sur des structures dernier cri : une gabegie complète, due à une rare incompétence des responsables anglais des fournitures de matériel ! 
 
Et bien entendu aussi, nous l’avons déjà dit, notre va-t-en guerre national, pressé de rectifier le tir vers Israël, avec ses déclarations sur les colonisations qui ont mis en fureur Netanyahou, et toujours tenté de trouver un adversaire dans un pays qui s’est détourné de la France pour faire construire ses centrales nucléaires. Des centrales qui représentent une double horreur à ses yeux de matamore : pensez donc, ce sont les allemands qui avaient construit la première et Jacques Chirac qui avait créé avec Eurodif l’usine pour l’alimenter ! Outrage ultime ! Avant même, il est vrai, que Gerald Ford ne signe un accord avec les iraniens, avec Dick Cheney et Donald Rumsfeld, pour construire un autre complexe, chargé lui de récupérer le plutonium des centrales nucléaires existantes ou futures… pour en faire des ogives... La guerre irakienne ayant abîmé les installations, le projet avait pris du retard... mais c’étaient bien les américains qui avaient vendu le procédé pour passer du civil au militaire : mais ça, en ce moment, on l’a oublié. Forcément oublié !
 
Car cette histoire de découverte soudaine ne tient pas deux minutes la route, Qom a toujours été cité dans les lieux possibles d’une implantation impliquant du nucléaire, depuis au moins six ans (*1). Dans un rapport du 6 juin 2003, signé du directeur de l’IAEA lui-même, Qom était déjà nommé comme un lieu de dépôt d’uranium importé, un endroit "pour le stockage" ou "pour l’utilisation" de cet uranium, à savoir sa transformation. En somme, dès 2003, on savait qu’à Qom il y avait quelque chose qui se tramait, comme à Anarak d’ailleurs. Et ce jour là, bizarrement, pas de président américain ou français et de premier ministre anglais pour crier au loup... Et quand bien même alors on butait encore sur ce qu’on y faisait réellement : dès 2006, on SAVAIT précisément qu’à Qom l’Iran était en train de construire une usine d’enrichissement, avec centrifugeuses supplémentaires. Les photos satellites en avaient conclu que c’était bien ce à quoi servait ce nouveau site (*2). Aussi peut-on être surpris de voir l’annonce de la découverte d’un site "inconnu", alors qu’il avait déjà occupé la page des magazines voici trois années ! Les gens, dans ce bas monde, ont-ils si courte mémoire ? Ou ne sont-il pas plutôt victimes de désinformation (*3) ?
 
Cela fait donc trois ans au moins (au minimum !) que l’on savait ce qui se tramait à Qom (*4) : l’Iran l’avait écrit, et à l’AIEA !!! En annonçant la couleur, pour 3000 centrifugeuses de plus !!! Selon plusieurs sources concordantes, tout le monde savait donc ce qu’il y avait à cet endroit, et a fortiori donc les services secrets des grandes puissances concernées  : la CIA, la DGSE et le MI6.. .Même Haaretz le reconnait aisément aujourd’hui ! Qom n’a jamais été une nouveauté, et encore moins une découverte (*5) ! Car visiblement on joue au chat et la souris avec ce que l’on sait aujourd’hui précisément et ce qu’on savait depuis 2003… ce qu’il y avait à Qom et ailleurs, on le savait particulièrement bien, d’autant plus depuis la défection du Brigadier General Ali Reza Asgari, à Istanboul , interrogé juste après sur une base aérienne allemande de l’Otan.. . Asgari espionnait son pays depuis... 2003 en fait. Et Obama, selon des officiels, savait pour Qom depuis son accession au pouvoir (*6) : il a donc agi selon un plan stratégique en n’utilisant qu’aujourd’hui seulement l’information. Depuis le printemps dernier, Obama savait, c’est sûr, et en avait averti ses deux collègues européens.
 
Beaucoup tombent des nues donc, pourtant, quand Barack Obama, au petit matin du 25 septembre, au G20, s’empare du micro, flanqué de ses deux collègues responsables de gouvernement pour dénoncer cette "ultime révélation", faite en réalité la veille à Paris même par des iraniens exilés. S’agit-il d’une stratégie diplomatique de sa part ? Peut-être bien, mais laquelle ? Car il conviendrait de voir exactement ce qu’il en est. Une attitude murie depuis son accession au pouvoir ? Obama l’aurait joué subtil depuis : pendant que son aile droite républicaine l’accusait d ’être trop conciliant…. le président américain aurait attendu tranquillement son heure, en laissant venir les iraniens, peu pressés de négocier comme à leur habitude, pour les assommer le moment venu et prendre à témoin la terre entière ? Il les aurait donc tout d’abord endormis, avec des déclarations de bonnes intentions dès sa prise en fonction, auxquelles s’ étaient empressés de répondre les iraniens. Une apparence, car dès son arrivée, il avait lu les rapports de la CIA et les auditions d’Ali Reza Asgari, et savait donc parfaitement à quoi s’en tenir sur la duplicité iranienne en matière de développement nucléaire, militaire ou seulement civil. Le site dénoncé avant hier, il savait très bien en quoi il consistait : "Barack Obama aurait été mis au courant de la construction de ce site quelques temps après avoir été élu", précise en effet Le Monde." Mais s’il le savait, pourquoi ne le dire qu’aujourd’hui ? N’aurait-il pas plutôt agi dans la précipitation, plutôt, bien aidé en cela par des groupes de pression de son entourage ? Qu’est-ce qui a pu l’inciter à révéler ce qui n’était plus un secret ou ne l’avait vraiment jamais été ? Une énième gesticulation d’Ahmenidjad, ou une autre pression extérieure ?
 
Car Obama, visiblement n’a pas en tout cas retenu les leçons de l’Irangate, où les Etats-Unis s’étaient bien fait rouler dans la farine par les iraniens, ces fins stratèges. Les satellites Lacrosse ont depuis longtemps ramené les photos détaillées (bien plus que les pitoyables clichés vus avant hier à Paris) sur son bureau ovale et le chef d’état US sait à quoi s’en tenir exactement au sujet de Qom. Site militaire ou civil, il le sait, donc, obligatoirement. En fait il n’en n’avait même pas besoin, de ces clichés : il savait où se situait l’usine construite en 2006, et ce d’autant plus que les iraniens avaient déclaré à l’époque s’apprêter à la construire à cet endroit, en donnant même ses capacités futures, de 3 000 centrifugeuses, de quoi alimenter un laboratoire de recherches mais n’être pas assez nombreuses pour s’ajouter efficacement à celles existantes. Les iraniens, passés maîtres en désinformation, précisant non sans malice que l’équipement était destiné à un enrichissement de 5% seulement de l’uranium, incompatible avec un usage militaire. Obama a-t-il sciemment laissé enterrer l’histoire de Qom, le temps pour les hommes de l’ombre envoyés par W. Bush de déstabiliser le pays ces derniers mois ?
 
A-t-il sciemment visé à les endormir, grâce à un homme d’affaires, Georges Soros, très impliqué dans les récentes émeutes dans le pays via un homme de main dont nous reparlerons plus longuement ici-même dans notre feuilleton sur la CIA. Peut-être bien encore : dans toute l’affaire des émeutes iraniennes, la Maison Blanche s’est montrée effectivement fort prudente, laissant monter les revendications sans jeter d’huile sur le feu mais en glissant aux opérateurs Internet quelques "conseils" pour ne pas entraver la contestation sur le réseau mondial. Obama souhaitait bien, une fois l’orage des manifestations passées revenir sur le dossier des extensions sauvages du programme nucléaire iranien, mais ne souhaitait pas pour autant les dénoncer lui-même. Diplomatie de la main tendue et image de rassembleur obligent.
 
A ce stade de réflexion il manquait encore à un Obama désireux d’une offensive diplomatique contre l’Iran un moyen détourné d’amener sur le tapis de l’ONU le cas iranien, sans que cela ne soit perçu comme une nouvelle charge américaine : Obama ne tient visiblement pas à hériter de la couronne de faucon de son prédécesseur. Il a une image de marque plutôt consensuelle et semble s’y tenir jusqu’ici. Cet intermédiaire, il va le trouver en la personne de vieilles connaissances plutôt… douteuses. Et c’est bien là le problème depuis : Obama, pour le maintien de son image de marque, à en réalité fait appel à des gens fort peu recommandables. Certainement "aidé" en cela par des conseillers qui sont les ardents supporters de ces mêmes personnes. Une équipe devenue un peu moins douteuse ou un plus recommandable ces derniers mois, depuis le 26 janvier 2009 où l’Union Européenne a retiré le mouvement de sa liste des organisations terroristes... au grand dam de la France (et de Charles Pasqua qui les avait expulsés, ou de Nicolas Sarkozy, qui avait jeté en prison son égérie !,) et sans oublier l’Allemagne. En fait, il semble bien que ce soit aussi un dîner donné par Ahmadinejad la veille de la déclaration conjointe d’Obama qui a précipité les choses : le président iranien, ce soir-là, avouant qu’il en avait d’autres, de sites d’enrichissements...à sa disposition ! Une déclaration véritablement vécue comme une provocation par le dirigeant américain, peu au fait de la tradition d’attiseur de feu de la diplomatie iranienne, semble-t-il... Reagan et Carter, humiliés, auraient-ils tous deux été déjà oubliés ?
 
Ces vieilles connaissances (fort) douteuses, se sont les fameux Moudjahidine (*) du Peuple, les Mujaheddin-e-Khalq (ou MeK), ces iraniens exilés devenus comme l’écrit intelligemment GéoStratégie  "une carte maîtresse dans le jeu américain contre l’Iran", et ce bien avant l’arrivée au pouvoir d’Obama. Les fameux Moudjahidine, cette armée parallèle véritable, réfugiée en… Irak, car protégée par Saddam, et placée depuis sous l’aile protectrice américaine après l’invasion, la même que celle offerte en son temps pendant l’ère Carter par Zbgniew Brzeziński, cet autre Machiavel. L’histoire de l’installation des Moudjahidine en Irak est en effet à rappeler : c’est en1983, en pleine guerre Iran-Irak, que Massoud Radjavi, fondateur du CNRI (le "Conseil National de la Résistance Iranienne") et son dirigeant actuel, avait accueilli à Auvers-sur-Oise où il s’était réfugié…Tarek Aziz, le vice-Premier ministre de Saddam Husseim pour discuter de l’installation de son groupe d’opposants en Irak "pour y créer des camps où son couple sera adoré à la manière nord-coréenne" nous dit le Nouvel Obs . Avec ce qui reste un énorme point noir dans la gestion de ces camps : l’argent. Car comme le note RFI, "… l’OMPI ne semble pas manquer de subsides. Mais l’origine de ces fonds reste occulte et leur montant paraît excéder de loin les capacités de cotisation de la diaspora". Qui alimente en effet les Moudjahidine du peuple ? Aujourd’hui encore, cela reste un beau mystère. Des fonds secrets d’états y participent, ça paraît une évidence ! Le juge Bruguière, qui a longuement enquêté sur eux, a sa petite idée sur la question  : "ainsi, l’enquête du juge Bruguière a démarré voici deux ans et porte essentiellement sur les flux financiers dont les mouvements auraient pu alimenter « des achats d’armes et des actions terroristes », déclare une source judiciaire à l’AFP. Le CNRI passe pour être une formidable machine à lever des fonds auprès de ses militants et sympathisants. Le juge Bruguière le soupçonne d’être également un instrument exceptionnel au service du « noircissement » de l’argent en l’acheminant vers des projets illégaux comme le financement du terrorisme". Entretemps, le lobby Moudjahidine s’st mis en marche en ratissant large... récupérant même au passage en France la veuve de François Mitterrand... ou même l’abbé Pierre !
 
Des Moudjahidine du Peuple qui disposent d’assez d’argent pour posséder des matériels d’écoute sophistiqués, et des amitiés fortes pour disposer d’informations secrètes  : "ajoutons que, depuis le Camp Ashraf2, l’OMPI a longtemps assuré un important travail d’écoute des télécommunications iraniennes (militaires et politiques) au profit du Pentagone en continuation de la mission de renseignement effectuée avant 2003 au profit du régime baasiste. L’OMPI en outre, par le truchement de ses réseaux et relais dans la classe politique occidentale, possède en effet la capacité d’injecter dans les circuits médiatiques internationaux, des informations obtenues par des canaux parallèles tels la NSA ou le Shin Beth, permettant aux sources originales, par ce biais, de rester dans l’ombre". Le rôle du paravent s’est toujours fait payer cher, il est vrai : l’origine de la fortune des Moudjahidine s’explique aisément dans ce sens.
 
Les Moudjahidine, une force militaire de réserve en Irak, située au Camp Ashraf, au cas où… le régime iranien s’effondrerait, une carte laissée en réserve contre l’Iran par les pays qui veulent la chute des mollahs (on comprend mieux l’origine de l’argent et quels pays pourraient ouvrir leurs comptes en banque pour eux…). Des Moudjahidine regroupés en véritable secte religieuse centrée sur Maryam Radjavi, l’une des quatre femmes de Radjavi, présentée comme la "future présidente d’Iran", et qui ont bien crû leur heure arrivée avec les derniers événements en Iran. On aurait pu penser que durant les émeutes, l’armée des Moudjahidine se serait mise sur le pied de guerre : or il n’en a rien été, car elle n"était plus en état de le faire. Cet été, l’administration américaine a en effet subi un camouflet de taille avec le régime irakien qu’elle avait pourtant mis en place.
 
Cet été, en effet, juste avant que ne commencent les émeutes, le fameux camp avait été repris discrètement par la nouvelle armée irakienne, le 28 juillet 2009, à la suite d’un rapide combat laissé sous silence : un phénomène qui avait échappé à pas mal d’observateurs, il est vrai. Un geste évidemment fort peu apprécié des américains, mais dont Obama n’avait en rien fait état, de peur peut-être de focaliser l’attention des journalistes sur un pan de sa diplomatie actuelle, plutôt retors, à vrai dire. Des américains qui continuaient les contacts avec eux cependant, des contacts renforcés l’année précédente : au "Forum Berlinois pour la Liberté au Moyen-Orient" du 2 et 3 mai 2008, une conférence des membres du CNRI, se voyait accompagnée des lobbyistes américains du mouvement : Patrick Clawson, un proche du neo-con Daniel Pipes, grand partisan de l’intervention armée en Iran, l’homme qui confond diplomatie et force brute (*7), et le député portugais Paulo Casaca, également membre du groupe parlementaire européen d’amitié avec Israël... C’est sous le forcing intensif de Casaca que l’Union Européenne a retiré le terme "terroriste" du dossier du CNRI-OMPI...
 
Le gouvernement de Maliki, alors en proie à de sérieuses difficultés avec les américains, avait décidé d’en finir avec ce furoncle qui défigurait les bonnes relations qu’il souhaitait entretenir avec… l’Iran, et avait investi le camp, se débarrassant ainsi d’un mouvement gênant pour ses relations privilégiées. Dès le 10 décembre 2003, son gouvernement avait déjà déclaré l’expulsion de l’OMPI de l’Irak, mais avait hésité pendant donc six ans à investir Ashraf. Les Moudjahidine expulsés se réfugiant dans deux camps militaires US. Or, en Europe et aux USA, ces fameux Moudjahidine ont été ces dernières années d’une importance cruciale pour les Etats-Unis comme pour Israël, avec qui le mouvement avait eu plusieurs contacts. On trouve en 2007 au Liban des faits qui montrent qu’Israël et les USA avaient en effet un intérêt commun dans les troupes de Radjavi, une force de "réservistes" fort pratique : des membres de la coalition politique libanaise « Forces du 14 mars » évoquaient cette année là un plan américain prévoyant le transfert de plusieurs milliers de membres des Moudjahidine du Peuple iranien (OMPI/CNRI) au Liban afin de contrer l’influence du Hezbollah… soutenu par l’Iran. Le Proche-Orient a toujours été un vaste échiquier diplomatique, voilà que l’on a même tenté d’y faire de l’importation de pièces d’échecs…
 
Les liens avec Israël et ce mouvement sont en effet plus importants que l’on croit. En 2006, le "Professeur Daniel M. Zucker, président des Américains pour la Démocratie au Moyen-Orient" dressait un tableau dithyrambique de nos fameux sbires. Sa conclusion prêtait plutôt à sourire : "L’OMPI est le l’héritière du Dr Mohammad Mossadegh, le Premier ministre populaire et nationaliste que la CIA a renversé en 1953 pour ramener le chah au pouvoir. Les masses iraniennes ont montré qu’elles préféraient l’OMPI à tout autre retour de la monarchie des Pahlavi. C’est pourquoi il serait prudent pour le département d’Etat de retirer de la liste l’OMPI et le CNRI et de les laisser conduire le peuple iranien à faire les changements nécessaires pour amener une démocratie séculaire en Iran, une démocratie qui a d’ores et déjà exclu la possession d’armes nucléaires." La complète, quoi : si les mollahs tombent un jour, on les remplacera par des Moudjahidine bien dociles et bien soumis aux américains... et à la politique israélienne. Ils s’empresseront bien entendu de clore au plus vite le dossier du nucléaire, comme ça plus de problème... pour Israël, qui a tout intérêt à se monter leur meilleur allié, donc. Tout est prévu ! Or, l’homme qui parle ainsi est un... rabbin, plutôt conservateur, qui écrit aussi dans Worlddefensereview... ou ailleurs sur l’Iran, et dont l’intitulé de son organisme (*8) en dit long sur ce qu’il qu’il pense réellement (*9).... un rabbin qui encense un mouvement... islamique, on aura tout vu. Un mouvement "islamique et communiste", là, c’est encore plus surprenant ! Une secte... ah, là c’est moins étonnant. N’est-ce pas une religion non reconnue, tout simplement ?
 
Car tous les renseignements sur le nucléaire iranien fournis gracieusement à la presse mondiale proviennent bizarrement depuis 2002 de ces fameux Moudjahidine, et non directement de la CIA ou des services secrets israéliens. Un peu comme les messages de Ben Laden, tous mis en ligne en premier par des sites pro-israéliens comme le SITE Group ou le MEMRI. C’est bien une entreprise de désinformation similaire dont le but, ici, est de diaboliser l’Iran, comme le MEMRI diabolise Ben Laden. Cela avait commencé il y a longtemps, le 14 août 2002 avec Ali Reza Jafarzadeh, journaliste à la chaîne Fox News… et membre attitré des Moudjahidine du Peuple, décrivant aux américains, dans leur téléviseur, la menace nucléaire iranienne avec force détails alarmistes. Faire peur, la seconde devise des Moudjahidine du Peuple. En 2003, les informations sur les progrès iraniens viennent de la fondation "Near East Policy Research", un service de renseignement anglais fondé par Ali Safavi… également un ancien Moudjahidine du Peuple. Ce jour-là, chez lui, ce sont des clichés satellites qui sont révélés comme "preuves" de l’expansionnisme militaire iranien : comment un organisme toujours considéré comme "terroriste" a-t-il pu se les procurer, à l’époque, personne ne s’était posé la question ! Iran-Resist posait à leur égard la même interrogation, justement  : "c’est toujours le même scénario. Un responsable de ce mouvement fait un certain nombre d’allégations, parle de sites secrets et exhibe des photos prises par satellites pour appuyer ses propos. Mais les Moudjahidine du Peuple n’ont pas de satellite ! D’où proviennent donc ses images anxiogènes : de ceux qui veulent que le dossier nucléaire iranien garde son aspect anxiogène".
 
Car c’est un joli paradoxe en effet : le NSA ou le Shin Beth, les deux sources satellitaires possibles, ont donc bien travaillé avec ce groupe officiellement banni par les instances mondiales et européennes, et toujours considéré par certains états comme mouvement terroriste ! Fin avril 2007 encore, en effet, le bureau de coordination contre le terrorisme du Département d’Etat américain avait publié la liste des organisations terroristes où figurait toujours (depuis 1997) le mouvement ! Lutter contre l’Etat Iranien membre de "l’Empire du Mal" selon Bush en finançant soi-même pour le faire des terroristes sectaires coupables de nombreux attentats, voilà qui ne manque pas de sel, ma foi ! Il y a bien sur cette terre terroriste vilipendé et terroriste... recommandable !
 
Mais il n’y a pas que cet aspect des choses de troublant… Robert Gates l’avait laissé entendre, il n’y a pas si longtemps : Barack Obama, assez vite lassé par la "diplomatie" iranienne qui consiste depuis toujours à faire le contraire de ce qui a pu être dit, avait demandé fort discrètement d’accélérer un programme militaire fort particulier. Là encore, tout le monde est passé à côté de l’annonce. Une annonce ayant étrangement filtré du site pro-israëlien Debka, tenu pour particulièrement bien informé. Un site qui, le 1er septembre 2009 annonçait en effet que le Lt. Général Mark Shackelford, de l’US Air Force, avait demandé, dans l’éventualité de la progression du programme nucléaire Nord-Corén, d’accélérer la livraison de 10 à 12 MOPs, ces super-bombes conventionnelles faites pour pénétrer les bunkers enterrés à plus de 60 m de profondeur. Pour ce faire, le Congrès s’est vu demander une rallonge express de 68 millions de dollars pour fournir…. huit bombes, quatre pour l’US Pacific Command, chargé de surveiller la Corée, et quatre pour l’US Central Command… qui ne s’occupe absolument pas de la Corée : c’était bien en prévision d’éventuelles cibles iraniennes. On en connaît ici le seul vecteur possible ; les B-2, qui ont été modifiés de manière irréversible pour accueillir à bord ces monstres de plus de 10 tonnes.
 
Obama n’a donc absolument pas mis totalement de côté l’option de la force, sous ses aspects pacifistes. Et ne s’est pas non plus laissé bercer de faux espoirs iraniens. Début septembre 2009, ayant constaté l’échec de la déstabilisation "twiterrienne" du pays, sur laquelle nous reviendrons car la CIA y a pris une large part, Obama décidait d’en finir avec la diplomatie molle qu’on lui prêtait abusivement : en véritable bête politique, il avait vite compris que sa frange droite le harcelait, où plutôt embarquait avec elle ce ventre mou qui l’avait élu. Donner du poing sur la table, c’est sûr, aller lui redonner un statut de maître du monde et non de golfeur dilettante d’Hawaï. Obama a donc choisi l’alliance contre nature avec un mouvement plus proche de la secte religieuse que d’un mouvement réellement démocratique. Deux coups de fil plus tard, voilà que débarquent à Paris où personne ne les a invités nos deux larrons, les éclaireurs discrets envoyés par Barack Obama pour à nouveau souffler dans les trompettes de la peur iranienne. L’un des deux n’est autre que Mehdi Abrichamtchi, qui est aussi l’ex-mari de Maryam Radjavi, et qui déclare solennellement ce jour-là que "les sources de la Résistance ont réussi à découvrir deux centres travaillant directement dans l’armement nucléaire et qui étaient jusqu’alors tenus secrets" Le site qu’il révèle en priorité n’est autre que celui de Qom, décrit dans tous les journaux en 2006... ce sont les Moudjahidine qui révèlent donc en premier l’affaire : cela évite avant tout à Obama de le faire, ce qui aurait prouvé par l’exemple qu’en ce cas ses services mentaient également, en cachant certaines informations sur le programme nucléaire iranien. La conjonction des deux événements n’est donc pas un hasard. Ou alors, la seule possibilité qu’il reste est qu’ Obama se soit fait doubler par les services israéliens, qui l’auraient pris de court en poussant les Moudjahidine à faire leurs révélations en plein G-20.
 
Bien entendu, leurs "sources" et leur "preuves" sont minces : quelques clichés de satellite ou plutôt des vues empruntées sur le Net, (via Google Earth !) quelques sources non précisées et c’est sûr, voilà un nouveau site nucléaire de "découvert". Mehdi Abrihamtchi, dans son anglais approximatif (voir ici, à l’onglet N°2) , fait ce matin là, à Paris, son Colin Powell comme l’avait déjà fait Safavi les fois précédentes ! !! Le problème, c’est que ce mouvement à l’origine des fuites n’a aucune crédibilité . Qu’Obama cherche à étayer une action diplomatique avec les dires d’un groupe de pression d’opposants au régime actuel, pourquoi pas. Le problème c’est que ce groupe est tout sauf fiable, et les premiers à l’avoir fait remarquer sont les … militaires américains eux-mêmes  !
 
Car en 2007, déjà, nos fameux Moudjahidine n’avaient pas eu l’heur de plaire à l’autre frange de la résistance iranienne, personnalisée par le mouvement Iran-Resist : qualifiée d’organisation d’ "islam marxiste (?)", le groupe s’était pris une avoinée restée célèbre à propos du site proche de Natanz qu’il aurait à l’époque également "découvert" : "cette organisation islamo-marxiste basée en Europe et en Irak est au cœur de toutes les révélations sur le soi-disant programme nucléaire iranien ou la soi-disant industrie balistique des mollahs. L’emploi du « soi-disant » n’est pas synonyme de l’inexistence de ces programmes mais de l’insignifiance du nucléaire iranien en termes de menace pour la région". En effet, plusieurs rapports de la CIA avaient auparavant fortement minimisé les dires de l’OMPI. En janvier 2008, Sean McCormack, porte- parole du département d’Etat US, questionné sur l’état d’avancée du programme iranien jugé "inquiétant" par un énième rapport des Mouhadjine avait comparé les infos fournies par l’OMPI/CNRI à "un plat douteux dont tous les ingrédients proviendraient du même cuisinier".
 
Mais c’est le comportement des Moudjahidine qui commence aussi à faire jaser cette année-là. En Juillet 2007, le magazine allemand Focus révélait que les Moudjahidine du Peuple Iranien, via la société allemande « House of extras » ont étoffé leur grande manifestation du 8 mars 2007 à Bruxelles avec.. des figurants, payés pour l’occasion. "Présent lors du rassemblement de Villepinte, Karim Hakiki, journaliste à FRANCE 24, a constaté la présence d’environ 3 000 étudiants polonais. Ce même jour, le journal polonais Gazeta Wyborcza révèle que les Moudjahidine du Peuple ont offert un week-end à Paris à des étudiants polonais pour un prix défiant toute concurrence : 6 euros. Seule condition : assister au meeting". En janvier 2008, c’est Frank Pesnot, de France Inter, qui se fait comparer à Philippe Henriot par le mouvement pour avoir osé les critiquer et mis son nez dans leurs dépenses ou parlé des chaises vides de leurs meetings. En 2003, encore, le mouvement fait parler de lui avec le cas de membres qui s’immolent par le feu en France, à la suite de l’arrestation de Maryam Radjavi décidée par un certain ministre de l’intérieur : " La même année, en France, alors que Nicolas Sarkozy est ministre de l’Intérieur, la justice française perquisitionne, à Auvers-sur-Oise, le siège de l’organisation, soupçonnée de dérives sectaires. Maryam Radjavi est notamment arrêtée. En signe de protestation, plusieurs membres des Moudjahidine du peuple s’immolent par le feu." Le motif de l’arrestation spécifié le 22 juin 2003 est on ne peut plus clair, pourtant : "Appartenance à une association de malfaiteurs et financement du terrorisme. ». Il est signé Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur.
 
Cette rafle d’Auvers-sur-Oise de juin 2003 a été décrite en détail dans le livre de JC Maurice :  "Dans son livre, « Si vous le répétez, je démentirai » (chez Plon), Jean-Claude Maurice, ancien directeur de la rédaction du « Journal du dimanche », fait des révélations accablantes concernant les dessous, la préparation et les conséquences de cette opération de police. Il relate ainsi la rencontre entre Nicolas Sarkozy et l’ambassadeur d’Iran en mai 2003. Ce dernier rassurera Téhéran à la suite de cet entretien : « Tout est prêt depuis que (nos) services ont transmis, à la DST, la liste des opposants qu’ils souhaitent voir encrister… » A travers le récit d’entretiens diplomatiques entre … Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) et leurs homologues de Téhéran (entretiens auxquels il assiste parfois de manière impromptue), l’auteur raconte ainsi comment le gouvernement français répond à la « commande » de l’opération par le régime iranien. « Je peux vous annoncer que Nicolas Sarkozy prépare une opération à ce sujet », écrit-il, en citant Villepin s’adressant à Kamal Kharrazi, ministre iranien des Affaires étrangères, qui s’enquerrait de la situation et ce, quelques mois avant la descente musclée". Il fut un temps où notre bon président écoutait d’autres sirènes iraniennes, visiblement ! En 2003, il déclarait encore "« les Moudjahidine voulaient faire de la France leur base arrière, nous ne pouvions l’accepter ». Aujourd’hui, devenu président, il accepte sans broncher leurs photos Google Earth de sites nucléaires iraniens comme étant des preuves irréfutables de l’implication du pays. La France, avec lui, est donc redevenue... la base arrière d’un mouvement terroriste iranien, si l’on comprend bien. Un mouvement subitement devenu fréquentable.
 
Selon Lorraine Millot, en effet, "à force de questions, la sortie vendredi du trio Obama-Brown-Sarkozy, avec leurs mines des grands jours, commence à sentir le « coup de com’ » mal maîtrisé. Surtout, les Iraniens ont maintenant beau jeu de dire qu’ils ont été les premiers à révéler lundi… ce que les services occidentaux savaient et gardaient caché depuis des années (*10) ". L’OMPI, qui a donc perdu sa base arrière en Irak en juillet dernier a-t-il cherché à redorer son blason en "intoxiquant" les services secrets US d’informations glanées par… les satellites israéliens est une supposition à ne pas négliger. Dans ce cas, Obama aurait été le jouet des israéliens, tel le rabbin Zucker et son groupe des "Américains pour la Démocratie au Moyen-Orient" ....et ses deux acolytes de circonstance de Pittsburgh, idem. Etrange "démocratie", qui en fait renforce un dirigeant iranien qui a beau jeu de démontrer qu’il s’agît d’une "erreur de com" de la part d’Obama !

Au poker souvent menteur de la diplomatie, Barack Obama, à Pittsburgh, a sorti la mauvaise carte. Mais la palme du ridicule, dans cette affaire, revient indubitablement à notre président-girouette, qui utilise aujourd’hui comme source principale de renseignements des gens qu’il avait, il y a six ans à peine, fait jeter lui-même en prison pour terrorisme !
 
(1) "In a 6 June 2003 report, titled Implementation of the NPT safeguards agreement in the Islamic Republic of Iran : Report by the Director General by the International Atomic Energy Agency (IAEA), the Director General identified a number of corrective actions by Iran that were necessary to enable the Agency to verify the previously unreported nuclear material declared to have been imported by Iran in 1991. These actions included the provision of design information on the waste storage facility at Esfahan, and the granting of access to that facility, as well as to Anarak and Qom, where waste resulting from the processing of the imported material was said to have been stored or had been disposed of."
 

(2) "The Qom uranium enrichment plant first appeared in 2006, in grey satellite photographs of the sort the world has become familiar with through the long years of the Iran crisis. North-east of the mosques of Qom, the theological heart of Iran, the revolutionary guard had established an anti-aircraft missile battery at the base of the mountain, western officials said. As intelligence analysts tried to discover what the missiles were there to protect, satellite imagery began to reveal intensive activity at the side of the mountain. "There was extensive excavation and construction work under way," a western official said, speaking on condition of anonymity."

 
(3) "The facility is believed to be on a mountain on a former Iranian Revolutionary Guards missile site to the north-east of Qom on the Qom-Aliabad highway, Western diplomatic sources say.
Construction on the secret facility started in earnest in mid-2006. It is believed that the plant is not yet operational. It is believed to have facility for 3,000 centrifuges for the enrichment of uranium. Iran wrote to the International Atomic Energy Agency saying it intended to build a plant to enrich uranium to 5% - not enough for a weapon. It told the IAEA it was already under construction but provided few details."
 
(4) "The official added : "We’ve been aware of this facility for several years ; we’ve been watching the construction, we’ve been building up a case so that we were sure that we had very strong evidence, irrefutable evidence, that the intent of this facility was as an enrichment plant."
 
(5) "The United States has known for years of the existence of a secret Iranian nuclear enrichment facility, a senior U.S. official stated Friday. The official stated that the facility is well-hidden and well-defended and that Iranian officials admitted to building the facility after they discovered that its existence was known. "
 
(6) "The key to understanding today’s announcement on Iran is this : President Obama knew about the secret Iranian facility nine months ago. Before he began his strategy of engagement, he knew Iran was lying about its program. When he extended his hand in friendship, he knew Iran had built a secret factory to enrich uranium. Before he offered direct talks, he knew Iran was hiding a nuclear weapons breakout capability. We now know that Obama was not acting on impulse, or philosophy or general principles, but on deep strategy. He knew better than his critics that Ahmadinejad could not be trusted. He just had a better plan" 
 
(7) "Professor Rabbi Daniel M. Zucker is founder and Chairman of the Board of Americans for Democracy in the Middle-East, a grassroots organization dedicated to teaching our elected officials and the public of the dangers posed by Islamic fundamentalism and the need to establish genuine democratic institutions in the Middle-East as an antidote to the venom of fundamentalism". 
 
(8) "Diplomacy is not just talking. Diplomacy has to be backed by pressure and, in extreme cases, by force. We have rules. We have to do everything possible to uphold the rules through conviction. If not, then you impose them. Of course, this has to be the last resort, but sometimes you have to do it" 
 
(9) "ADME also emphasizes the dangers of Islamic fundamentalism (whose heart beats in places like Tehran). Since Islamic fundamentalism is the greatest threat to democracy, ADME finds it essential to support and promote Islamic movements that are genuinely democratic and are the antithesis of Islamic fundamentalists."
 
(10) "The official added : "We’ve been aware of this facility for several years ; we’ve been watching the construction, we’ve been building up a case so that we were sure that we had very strong evidence, irrefutable evidence, that the intent of this facility was as an enrichment plant".
 
PS : Moudjahidine (*) du Peuple, sans "s" car c’est un pluriel.

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