Vivre ensemble, idées neuves et idées reçues en matière de logement

par Cath
mardi 22 mai 2007

Les coopératives HLM doivent redevenir une idée neuve en France


A la lecture d’un récent dossier d’Alternatives économiques ("Logement : comment sortir de la crise"), le bilan est désastreux :

- Les ménages gagnant moins de deux Smic (soit près de la moitié de la population française) ne représentent plus que 16 % des acquéreurs en 2005, contre 28,5 % dix ans plus tôt.

- La part des primo-accédants recule, et quand ces derniers achètent, ils s’endettent sur des durées de plus en plus longues, qui les mettent à la merci des aléas de la vie : le mal-logement traduit donc une crise de l’offre : elle est insuffisante et mal adaptée aux besoins. Il reflète aussi une crise de la demande.

- La panne de l’ascenseur du logement renvoie à celle de l’ascenseur social.

- Les conditions restrictives d’accès aux logements HLM, selon des conditions de ressources, laissent en dehors du système toute une partie des classes moyennes de ce pays.

Aux loyers trop chers, à l’accession à la propriété impossible, il faut opposer d’urgence un changement de point de vue radical.

N’y aurait-il d’autres hypothèses que l’hyperindividualisme stérile de la propriété de son logement, le fantasme d’une nation de propriétaires pour les uns, ou le traitement social du logement en forme de ghetto pour tous les autres ?

Il est pourtant possible de réconcilier  :

1/ une certaine forme d’épargne des particuliers dans la pierre sur le long terme,
2/ la jouissance d’un logement.

D’autres stratégies individuelles et collectives en matière de logement sont effectivement possibles à la condition d’échapper préalablement à la propagande officielle qui profite de la confusion et de la peur de l’avenir pour laisser croire à chacun que seule la propriété individuelle de son logement peut apporter à la fois la sécurité et le bonheur individuel.

Pour y parvenir, il faut d’abord détacher ces deux aspirations (1 + 2) pour éviter qu’elles ne s’anéantissent l’une l’autre.

Cela ne peut passer que par le montage d’entreprises de promotion immobilières d’un nouveau type, créées à l’échelle d’un quartier ou d’un village, orientées au plus près du terrain sur le montage de nouveaux projets.

Le cadre entrepreneurial des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’habitations à loyer modéré (SCIC-HLM), telles qu’elles sont définies par le décret n°2004-1087 du 14 octobre 2004 modifiant le code de la construction et de l’habitation, est particulièrement adapté à cette approche.

De forme privée et d’intérêt public, SCIC en général et la SCIC-HLM en particulier est une nouvelle forme d’entreprise coopérative qui permet d’associer celles et ceux qui, salariés, bénéficiaires, bénévoles, collectivités territoriales ou tous autres partenaires, veulent agir ensemble dans un même projet de développement local.

C’est bien de ce type de micro-opérateurs dont nous avons un urgent besoin !

Parce que le poids et les risques liés à une stratégie individuelle d’emprunt pour l’achat d’un bien immobilier sont désormais considérables, parce que les aléas de la vie personnelle et professionnelle peuvent déstabiliser les prévisionnels les mieux établis, il apparait plus raisonnable d’acquérir des parts d’une société coopérative de ce type tout en devenant au final locataire de celle-ci au lieu de tenter l’impossible acquisition individuelle d’un bien immobilier.

Voilà une stratégie qui est adaptable pour tous et quelle que soit la situation initiale de chacun : sociétaire-locataire.

Dans une telle boucle de rétroaction, la négociation collective permet de générer de plus grandes capacités d’emprunt dans de meilleures conditions, d’acquérir et d’aménager des biens immobiliers mieux adaptés aux nouveaux modes de vie contemporain, de se les louer à l’issue du processus, de mieux se protéger alors collectivement en cas de difficultés tout en conservant une parfaite mobilité individuelle.

Pour l’heure, les organismes HLM, réunis notamment au sein de l’Union Sociale pour l’Habitat en général et la Fédération nationale des sociétés coopératives d’Hlm qui utilise parfois la forme SCIC-HLM, n’agissent que dans des contextes lourdement institutionnalisés dans lesquels le statut de coopérateur est purement théorique mais ne recouvre pas au niveau de chaque usager de réelles pratiques d’engagement individuel et de coopération qui devraient pourtant en être la véritable matière première.

Sans doute n’était-il pas possible de jouer par le passé la carte de cette mobilisation réelle ; les capacités d’auto-organisation, autogestion des coopérateurs étaient limitées par les outils disponibles.

Mais aujourd’hui la palette très étendue des ressources en libre accès sur l’Internet nous donne des capacités d’action opérationnelles considérables qui permettent d’imaginer de multiplier très rapidement ce type de montage d’initiative populaire et de produire, en quelques années, à l’initiative d’individus autonomes, une nouvelle et puissante organisation d’intérêt collectif en réseau à l’échelle du pays.

Il suffit à partir de quelques opérations exemplaires ayant valeur de tests et de modèles à adapter, de pratiquer un déploiement plug-and-play de ce type d’opérateurs, facilitant le basculement systématiquement de la propriété du patrimoine entre les mains de ces nouvelles sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) dans lesquels chacun se retrouve effectivement en position d’actionnaires tandis que, en matière d’usage, chacun se retrouve en position de locataire.
La Fédération nationale des sociétés coopératives de HLM, fondée en 1908, regroupe aujourd’hui à l’échelle nationale quelques 160 coopératives d’HLM à mauvaise échelle.
Ce chiffre est dérisoire, il nous en faudrait une par quartier et une par commune, plus ou moins 37 000 à bonne échelle.
C’est à partir des capacités d’auto-organisation de l’Internet que cet objectif peut être atteint en cinq ans.

Que les plus enthousiastes se retrouvent dès aujourd’hui pour en discuter plus avant.
Quant aux sceptiques, donnons-leur rendez-vous en 2012 pour juger du résultat quand les politiques proposées par tous les candidats sur le front du logement auront, encore une fois, échoué sur fond d’éclatement de la bulle immobilière !

1) La notion du "Tous propriétaires" : on tente actuellement de persuader nos concitoyens d’acheter, même en haut de cycle, ceci étant la solution pour assurer un "complément retraite" (bon an, mal an, un bien immobilier ne pourra sur le long terme que s’apprécier).
Or, n’est-ce pas une façon pour l’Etat de demander aux citoyens de palier à sa propre carence en matière de réforme des systèmes de retraites ? Sujet ô combien de fois effleuré mais que personne ne s’est aventuré à prendre à bras le corps depuis plus de trente ans.

2) Suggérer que les Français ne sont pas "assez endettés" en comparaison de leurs voisins Outre-Manche, espagnols, italiens, sans parler des Américains, et qu’ils gagneraient à céder aux sirènes du crédit, avec l’assouplissement récent du recours à l’hypothèque, est une manipulation dangereuse.

En effet, les situations professionnelles ne sont plus linéaires et stables comme par le passé et les accidents de parcours fréquents.
Quid d’un ménage s’endettant sur 40 voire 50 ans, sur la base de "taux révisables" par dessus le marché, en cas de perte d’emploi ou de changement radical de situation familiale ?
Quelles seraient les conséquences morales, sociales et politiques sur des salariés surendettés, contraints à l’immobilisme dans tous les sens du terme afin de conserver un travail à n’importe quel prix ?

3) Une nation de propriétaires devient par la force de la nature humaine une nation de conservateurs.
Margaret Thatcher l’avait bien compris dans les années 80, permettant à bon nombre de ménages d’accéder à la propriété dans des conditions avantageuses.

4) Les HLM n’ont pas bonne réputation dans l’imagerie populaire : qualité de construction désastreuse, vieillissement prématuré des matériaux, urbanisme défaillant (les "barres"), alors qu’avec l’ensemble des nouvelles réglementations en matière de norme de construction et de qualité environnementale, une HLM peut devenir un logement collectif innovant et de grande qualité, au plan acoustique, au plan des économies d’énergies, des entrées de lumière, de la circulation, des espaces de jeux...

Depuis Le Corbusier (avec sa Cité radieuse à Marseille) jusqu’à nos jours, nombre d’ architectes et urbanistes se sont attachés à résoudre l’équation : construire à coût modéré tout en construisant bien.

Et, "last but not least", il est temps de proposer à l’humain de se réapproprier sa ville  : socialisation et échanges naturels entre les habitants, aboutissant à des communautés naturelles et de grande qualité de vie pour chacun.

Aux résidents et futurs résidents de poser eux-mêmes, en amont, questions et exigences auprès d’un corps de professionnels allant des urbanistes aux sociologues, en passant par les ergonomes, les philosophes, voire même les jeunes étudiants en école de design !

Quant aux réalisations au plan technique, elles sont certes liées aux normes et aux architectes, mais avant tout autre chose à la nature de la maîtrise d’ouvrage : c’est parce que la nature même de la maîtrise d’ouvrage est habituellement médiocre que les résultats sont nuls.

Il faut d’abord faire émerger des maîtrises d’ouvrage du 3ème type pour espérer obtenir des résultats convaincants et à grande échelle, et non simplement des réalisations exemplaires ici et là, malheureusement bien trop rares et convoitées.

A vous !

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Co-auteurs de cet article : Cath & Zablo

Remerciements : Illustration éco-hlm : Chantal & Jacques Jolly-Devourdy


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