Uxellodunum : tout est perdu fors l’honneur !
par Emile Mourey
mercredi 17 octobre 2007
Uxellodunum est la dernière bataille que les Gaulois ont livrée contre César. C’est la lutte du dernier carré de ceux qui, comme l’oiseau en cage, préfèrent se laisser mourir de faim plutôt que de perdre la liberté. César a bien compris l’importance de cet ultime combat qui aurait pu rallumer en Gaule tous les espoirs d’indépendance ou, au contraire, les éteindre définitivement. Il a voulu être sur place pour recevoir la reddition. Après sa victoire, il a fait rassembler les combattants vaincus et, dans sa grande mansuétude, dit-il, il a donné l’ordre qu’on leur coupe seulement les mains.
Plusieurs localités se disputent l’honneur d’avoir été l’antique Uxellodunum. Cet article est un extrait d’un ouvrage que j’ai offert gracieusement aux services concernés du ministère de la Culture, il y a déjà un certain nombre d’années. Il me semblait alors que ma nouvelle traduction du texte de César devait lever tous les doutes quant à l’identification d’Uxellodunum à Luzech. Mais le ministère de la Culture a des mystères dont les voies et les voix sont impénétrables.
Le Point du 4 mai 2001 : Les responsables de la Drac de Midi-Pyrénées, en compagnie de M. Christian Goudineau, titulaire de la chaire des Antiquités nationales, ont "définitivement officialisé" le Puy d’Issolud comme étant le site d’Uxellodunum qui fut le théâtre de la dernière grande bataille des Gaulois contre César, après la défaite d’Alésia.
Entre la preuve par la pioche, comme la nouvelle archéologie dite scientifique le prônent d’une façon souvent un peu trop simpliste et la preuve par les textes, lecteurs d’Agoravox, à vous de juger ! Car s’il est vrai que les vestiges archéologiques abondent sur le Puy d’Issolud, en revanche, il est impossible d’expliquer la bataille sur ce site. Voici la traduction que j’ai faite du texte de César en l’appliquant sur le site de Luzech.
Aussitôt arrivé, César constata que l’oppidum (l’oppidum-enclos) se trouvait en état de siège du fait des ouvrages réalisés. Ayant appris par des déserteurs que les habitants disposaient d’une grande quantité de blé, il entreprit de les priver d’eau. Le cours d’eau était encaissé dans le fond de la vallée. Cette vallée entourait presque tout le mont sur lequel était juché Uxellodunum. La descente était raide et difficile pour les habitants. Il fallait donc empêcher ceux-ci de descendre à la rivière ; en outre, on avait toutes les chances de les blesser ou de les tuer à leur retour, quand ils auraient remonté la pente abrupte. S’étant rendu compte de cet inconvénient, César fit mettre en place des archers et des lanceurs de fronde, ainsi que des machines à jets multiples, face aux pentes les plus faciles et à des endroits choisis de façon à interdire aux habitants l’eau de la rivière.
Imperturbables, les soldats avançaient les baraques malgré les difficultés du terrain qu’il leur fallait vaincre avec leurs muscles et leurs outils. Pendant ce temps, d’autres creusaient des galeries souterraines en direction des veines et du cœur du trou d’eau. Ce genre de travail pouvait se faire sans risque et sans éveiller les soupçons des Gaulois (ce travail se faisait derrière le talus des déblais). Les Romains réalisèrent un terrassement de 60 pieds de hauteur (17,75 mètres, en comptant le soubassement rocheux) sur lequel ils élevèrent une tour (probablement en bois) de dix étages (18 mètres peut-être). Cette tour, certes, n’atteignait pas la hauteur des murailles (aucun ouvrage n’aurait pu y arriver), mais elle dominait le plan d’eau.
Les Romains avaient installé dans la tour des machines de guerre qui lançaient des traits en direction de l’endroit où on accédait au plan d’eau : les habitants de l’oppidum ne pouvaient ainsi plus venir chercher de l’eau sans danger pour eux. Les bêtes de somme, le bétail et un grand nombre de Gaulois moururent de soif. Poussés au désespoir par le malheur, les habitants de l’oppidum remplirent des tonneaux de suif, de poix et de bardeaux ; ils les firent dévaler sur les ouvrages après y avoir mis le feu et, en même temps, ils attaquèrent vigoureusement les Romains pour, en les obligeant à se défendre, les détourner des incendies. Soudain, une grande flamme s’éleva des ouvrages fortifiés car les objets enflammés que les défenseurs précipitaient sur les pentes de leur position, étaient arrêtés par les baraques et les palissades qui s’embrasaient aussitôt à leur contact.
Quoique bousculés dans ce combat périlleux sur une position défavorable, les légionnaires faisaient face à tous ces dangers avec un courage admirable. La bataille se livrait sur un point bien en vue, à la vue de l’armée et, des deux côtés, de grands cris montaient vers le ciel. Ceux qui étaient en tête de liste pour le mérite voulaient que leur valeur militaire soit encore davantage connue et reconnue ; ils s’exposaient avec une extrême audace aux traits ennemis et aux flammes.
Les habitants de l’oppidum persistaient dans leur résistance et leur volonté ne faiblissait pas en dépit des morts que la soif provoquait. Enfin, les Romains arrivèrent aux veines de la source par les galeries qu’ils avaient creusées ; ils les coupèrent et les détournèrent. Alors, le trou d’eau intarissable se tarit si brusquement que les habitants d’Uxellodunum y virent le signe qui annonçait leur perte, non pas du fait de l’homme, mais par la volonté des dieux. Et c’est ainsi qu’accablés par la fatalité, ils se rendirent.
Pour consulter la thèse officielle de Puy-d’Issolud, faire : [->http://www.uxellodunum.com].
Pour consulter la thèse de Capdenac, faire : [->http://www.uxellodunum.org].
Quant aux représentants du ministère de la Culture, ils se contentent d’ironiser (cf. [->http://www.gergovie.free.fr]) en amalgamant aux contestataires d’Alésia ceux qui, comme moi, contestent les localisations officielles de Bibracte, de Gergovie et d’Uxellodunum : « Régulièrement, la presse aime relancer le débat sur la localisation des sites d’Alésia de Gergovie ou de Bibracte (sous-entendu : et aussi d’Uxellodunum) : "science officielle" contre "gens du terrain" soucieux de donner tort à leur inventeur, Napoléon III. La polémique tient du combat d’arrière-garde : au XIXe siècle, tout érudit local se devait de prouver que "son" site collait le mieux au récit de la Guerre des Gaules. Du désir à la réalité, il y a un fossé. Ou plutôt... des fossés, relevés par les archéologues. Aux savantes interprétations (les miennes), ces derniers opposent mille faits objectifs : plans, armes, pièces d’équipement et projectiles d’artillerie datés de l’époque césarienne, inscriptions... Inexplicables hors du contexte de la Guerre des Gaules, ces objets sont évidemment absents des autres sites. Ils sont pourtant de ceux qui font toute la différence entre le "possible" et le "plausible" (extrait du catalogue de l’exposition de Bibracte "sur les traces de César"). »
Et dans un livre qui fait référence, l’auteur écrit : « C’est même un sujet de plaisanterie dans les colloques : Alors, vous n’avez pas une nouvelle Alésia (ou Gergovie, ou Uxellodunum) ?... Les gens (sous-entendu : dont Emile Mourey) s’arc-boutent sur leurs certitudes, ferment leur esprit à la discussion, refusent les évidences... » (Par Toutatis, que reste-t-il de la Gaule ? page 50, éditions du Seuil).
E. Mourey. Les croquis et photos sont de l’auteur.