A propos du documentaire « Bové le cirque médiatique »

par llecuyer
mercredi 13 décembre 2006

C’est un documentaire sur la télévision qui n’a probablement aucune chance de passer sur les grandes chaînes. Mais grâce au Web on peut le voir librement sur son écran d’ordinateur, dans une de ces petites « fenêtres » vidéo flash qui se révèlent d’excellentes ouvrières pour réduire la tête des présentateurs.

« Bové le cirque médiatique » nous éclaire sur l’ascension médiatique de l’ex porte-parole de la Confédération paysanne. A l’image du titre, le montage du documentaire fait tout pour nous convaincre qu’au fil du temps, l’altermondialiste est devenu un habitué complaisant du « cirque médiatique ». Il se serait bien gardé de critiquer le fonctionnement des chaînes de télé.

José Bové a-t-il eu raison de multiplier les apparitions sur les plateaux de télévision  ? Le débat est complexe, si on se place du point de vue de ceux qui contestent le système médiatique majoritaire. Certains, dans la lignée de Pierre Bourdieu, arguent que les télés, en tout cas celles qui sont inféodées à l’audimat et au profit financier, ne permettent pas l’autocritique ni les discussions approfondies. Les auteurs de « Bové le cirque médiatique » ont une position assez proche du défunt sociologue quand ils affirment, à l’image de Pierre Carles devant le collectif Zebda (à la 25e minute du documentaire), que la « la télé n’est pas là pour vous donner la parole dans de bonnes conditions et pour laisser des discours dissidents s’exprimer. Là n’est pas sa fonction. Par contre, elle n’est pas assez c... pour ne pas vous inviter. Il faut qu’il y en ait des qui jouent le rôle de soupapes de sécurité. » La télé serait un espace non démocratique, où les discours minoritaires sont noyés et relativisés dans ce « cirque » permanent. On comprend qu’avec un tel discours, le documentaire ne risque pas d’être diffusé sur les grandes chaînes.


Mais d’autres analystes défendront une approche pragmatique, qui dans le cas de José Bové peut se résumer à la question suivante : son « message » a-t-il été entendu par les millions de téléspectateurs  ? Et en particulier la part - à mon avis la plus intéressante - de son discours, qui n’est pas le refus systématique et consensuel des OGM, mais plutôt la nécessité de réformer la politique agricole commune et le commerce international : pour favoriser l’environnement et les petits agriculteurs d’Europe (réforme de la PAC) et, concernant le commerce international, pour accroître la souveraineté alimentaire des pays du Sud. A l’heure de savoir si les apparitions de Bové ont été d’une véritable utilité pour le débat public, c’est bien cette question qui est fondamentale. On peut regretter que le documentaire ne l’ait pas abordée.

Sincère (dans le Petit Robert) : qui est disposé à reconnaître la vérité. Authentique et non truqué. Hypocrite : qui consiste à manifester des opinions, des sentiments et spécialement des vertus qu’on n’a pas.

Un des effets secondaires du documentaire est de raviver les sérieux doutes qu’on pouvait avoir sur la sincérité de certains présentateurs. Il faut voir cette scène (septième minute) où Thierry Ardisson accueille Bové sur son plateau : « C’est une énorme star. C’est l’Astérix de Seatle. José Bové ! (...) Vous avez eu raison de venir vous êtes entre deux super filles. (...) Vous êtes un héros, vous savez ça ? C’est vrai, sérieusement. Pour nous tous. On était extrêmement fier de vous, on a l’impression qu’enfin quelqu’un nous venge de tout ce qu’on subit. (...) Qu’est-ce qui vous trouble le plus sur votre table de nuit : un godemichet ou Mein Kampf  ? »

Faut-il y voir juste de l’ironie ? Dans ce cas, pourquoi dire "c’est vrai, sérieusement" ? Juste un effet de style ?

Autre moment qui prête à débat, ce passage (vingt-neuvième minute) où l’on voit Michel Field participer à une campagne de promotion interne pour les hypermarchés Casino : « Sourire suivant c’est notre nouvelle signature, le sourire au fond c’est un peu notre savoir-faire et nous allons le faire savoir au client. » Il existe une charte de déontologie des journalistes selon laquelle les membres de cette profession « ne touchent pas d’argent dans une entreprise privée où leur qualité, leurs influences et leurs relations seraient susceptibles d’être exploitées ». Dans quelle mesure cette charte, établie en 1918, entre-t-elle en contradiction avec ce qui vient d’être décrit ?

Le documentaire est visible sur le site de zaléa tv, une télévision "libre nationale" (par opposition aux télés locales) qui émet sur Internet.


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