Le « Lemeurland », Daniel Schneidermann et AgoraVox
par EricM
jeudi 7 septembre 2006
Le « Lemeurland » (j’ai bien aimé l’appellation de Daniel Schneidermann, même si elle englobe des gens que j’aime bien lire) déçoit après la grand-messe de l’UMP à Marseille. Depuis de nombreux mois, le débat sur les « vertus » des blogs vs la presse traditionnelle fait débat. On nous donnait des exemples de sujets traités différemment, du caractère libre des blogs, de la liberté d’expression, de la multiplicité des sujets traités... Bref, on nous ressort tous les arguments de 1981 sur les radios libres. Quand on voit la merde que c’est devenu, avec les publicités omniprésentes, la musique répétitive, les animateurs racoleurs, les émissions concours débiles, bref, à de trop rares exceptions, une grosse daube... on se fait un peu de soucis....
Pour les blogs, nous sommes sur la même voie. Les publicités foisonnent sur les blogs, on parle désormais de blogueurs influents et il faut être dans leurs petits papiers, comme en radio ou à la télé, le but désormais est de faire monter l’audimat, quitte à raconter la même chose que son voisin, à courir le scoop... et désormais à couvrir les évènements médiatiques, à savoir, dans le cas présent, la couverture du SarkoShow à Marseille.
Daniel Scheidermann, dans son Big Bang Blog, ouvre les hostilités contre ce qu’il appelle « le Lemeurland », ou, si vous préférez, un groupe d’une douzaine de blogueurs « influents » (je n’aime décidément pas ce terme d’autoproclamation) qui ont été invités, frais payés, à cet événement (la plupart avouant d’ailleurs qu’ils ne seraient pas venus sinon).
J’ai été également déçu par la plupart des comptes rendus. Le principal reproche ? Pratiquement aucune différence entre les infos des blogueurs invités et les infos de ceux qui ne l’étaient pas. Quelques blagues de potache qui m’ont amusé et... rien ! Je n’ai pas retrouvé le ton sarcastique, la façon de « casser » de certains, pas de coup de gueule. A croire qu’ils se sont automodérés, subjugués par l’organisation du show, par la « ferveur » des militants, sans se pincer afin de sortir du cocon dans lequel ils ont été mis.
Dans SarkoShow, il y a « show », et ce genre d’évènement s’organise, se conçoit pour plaire et créer une atmosphère qui, si elle est compatible avec la ferveur des supporters d’un stade de football, ne l’est pas avec le fait de vouloir relater un évènement de l’intérieur, objectivement et avec le sarcasme qu’on leur connaît habituellement. Sauf erreur, et pour les blogueurs concernés par cette critique, c’était leur première fois... En ce sens, l’article de DS les met au pilori sans tenir compte de l’inexpérience. J’espère donc bien qu’ils retourneront au front, car les chants des sirènes ne vont pas manquer dans l’attente des futures élections, et cette fois-ci, j’espère également les voir moins consensuels...
Faites-vous une
petite idée, avec la lecture des échanges à la suite de l’article de DS sur le site Big Bang Blog, car ce sont (pour moi) les tout premiers qui
se basent sur une expérience commune : relater un évènement politique de
l’intérieur.
Bon, sinon, je suis et reste lecteur de certains blogueurs du « Lemeurland »
;-) allez aussi voir leur point de vue, comme celui de Thomas (ça fait pas trop mal, un dépucelage
politique ? :-D), MRY ou Loic.
NDLR : Deux autres blogueurs
d’AgoraVox, également présents
à Marseille mais curieusement oubliés
dans les propos de Daniel Schneidermann,
ont souhaité réagir au billet publié sur Big Bang Blog
1- Réponse de AB :
Une dernière note pour clore de mon côté le débat sur les blogueurs accrédités. Une dernière note également pour faire croiser des points de vue contradictoires relatifs à la blogosphère, et plus particulièrement sur les blogueurs accrédités à l’université d’été de l’UMP.
Durant cette même université d’été, le sénateur (UMP) de l’Orne, ancien ministre, M. Alain Lambert, lançait spontanément sur son blog : "La blogosphère n’est pas sectaire !". L’approche était surprenante, car je ne voyais pas au départ la chose sous cet angle.
La démarche du sénateur semblait, en tout cas, sincère. Soulignant que certains blogueurs accrédités (dont votre serviteur) n’étaient pas encartés UMP, il en concluait : "Que les inquiets restent zen, les blogueurs ne sont pas des journalistes et sont d’abord complètement bloggeurs !".
Une vision intéressante, même si aucun blogueur accrédité (dont votre serviteur, qui avait pourtant repéré la note du sénateur depuis Marseille), n’avait vraiment suivi la consigne d’Alain Lambert.
Malheureusement, deux points de vue (contestables) viennent remettre en cause la vision optimiste du sénateur de l’Orne. Deux points de vue émanant de personnes à l’influence réputée sur le Net et dans les médias.
- Un journaliste d’abord, Daniel Schneidermann : dans une note caustique, le journaliste considère que "Nicolas Sarkozy a neutralisé les blogueurs du Lemeurland". A ses yeux, les douze blogueurs accrédités sont des « industriels du blog ». Raté, l’un d’entre eux au moins est à l’ANPE, devinez lequel... Jugeant l’équipe des blogueurs envoyée à Marseille, le journaliste moque leurs récits de bobos parisiens, obéissant aux consignes, dont, notamment, celle de ne pas filmer la rencontre « off » entre le président de l’UMP, les journalistes et les blogueurs en salle de presse. Tous, sauf votre serviteur qui n’avait pas les moyens de filmer la rencontre et, pire, fut averti au dernier moment de la rencontre « off » qui s’achevait.
Daniel Schneidermann s’est plu, voire amusé à chambrer les blogueurs accrédités. Mais il a omis le petit inconnu du groupe. Le journaliste n’a donc pas vérifié ses informations. Ou alors je ne l’intéressais pas, ce que je comprendrais parfaitement. Néanmoins, le journaliste donne la vision d’un groupe fermé de blogueurs, heureux d’être entre eux et de découvrir le métier merveilleux de reporter, sans pour autant faire de vrais reportages journalistiques.
Daniel Schneidermann contredit donc la vision optimiste du sénateur. La blogosphère est sectaire, M. Lambert...
- Un blogueur, ensuite, « Versac » (pas d’identité précise) : dans une note relative à cette couverture, le même blogueur relativise la réputation de l’équipe accréditée. Il distingue ainsi les blogueurs professionnels (les trois quarts de l’équipe) et écarte trois autres blogueurs (dont votre serviteur), jugés suffisamment amateurs pour décrédibiliser l’impact escompté au départ par les organisateurs UMP. Les blogueurs professionnels, bien que performants à ses yeux dans la couverture, n’étaient pas suffisamment accrocheurs dans l’analyse politique. Ils n’avaient pas, en comparaison, usé des méthodes rigoureuses de leurs homologues américains. Malgré cela, le blogueur juge que "leur blogging ne s’est pas arrêté à de la déconnade [...] ou à du relais de vidéo". Il contredit donc sur ce point la vision précédente de Daniel Schneidermann.
Mais le blogueur renouvelle sa pensée en estimant que l’UMP s’est trompée en n’invitant que des blogueurs, raillant une vision fascinée du blogueur de la part du politique. Il estime que les blogueurs professionnels avaient leur place, mais que l’UMP aurait dû ouvrir ses accréditations à des internautes plus axés sur l’analyse politique. Le blogueur déplore ainsi que les trois autres blogueurs, les amateurs, ne fussent pas "des cadres actifs dans l’Internet et la communication (et, sauf deux, n’ont pas un blog typepad). Peu parlent de politique de manière spécialisée ou courante. Et leur potentiel de couverture de « l’Internet vivant » (la blogosphère) reste réduit, comme l’est leur autorité pour commenter le fond d’un événement politique". Et comme Daniel Schneidermann, le blogueur se trompe : l’un des trois amateurs est bien un féru de politique et ses modestes diplômes peuvent le prouver. Plus féru de politique que blogueur. Les textes publiés pour AgoraVox et Election-présidentielle.fr viennent également le prouver. Comme Daniel Schneidermann, le blogueur n’a pas vérifié ses informations. Mais après avoir séparé le bon grain (les blogueurs professionnels) de l’ivraie (les blogeurs amateurs), le blogueur réduit la sphère des blogueurs compétents à ceux ayant un blog sur Typepad, fournisseur des services de blogging pour l’UMP. En somme, si vous n’êtes pas Typepad, vous ne valez rien. Je suis sur Haut et fort, mince alors...
Finalement, le blogueur contredit la vision optimiste du sénateur. La blogosphère est sectaire, M. Lambert... Oui, M. Lambert. Malgré toute la bonne volonté de votre démarche, beaucoup ont une vision simpliste, méprisante et hautaine de la blogosphère. Allez, je le ferai rien que pour vous, M. le Sénateur : la blogosphère n’est pas sectaire ! (Juste un peu...)
2 - Réponse de Nicolas Voisin :
"Donc, le big bang n’aura pas lieu. Pas en France. Pas tout de suite. Pas avec ces blogueurs ni ces politiques-là. Sarko a mis les blogueurs dans sa poche. Ca lui a coûté plus cher que pour les journalistes encartés : il a fallu leur offrir un billet d’avion et des nuits d’hôtel. Aussi simple que ça."
Monsieur Schneidermann, votre billet est d’une bêtise crasse. Et vous ne l’êtes (l’étiez) pourtant point !
Me voilà donc « tricard », comme vous dites, chez vous. Vous voyez, Daniel, les blogueurs, quand on les emmerde, ils vous dise merde ! Même pas peur...
"Daniel Schneidermann est aussi un grand donneur de leçon cathodique", écrit Jules chez lui en réponse à Daniel. "Voilà bien un systémien que ce Schneidermann, paniqué à l’idée de voir son monopole du prêt-à-penser craquer de partout", rajoute Antifada en commentaire.
"Un autre critique n’est, lui, pas journaliste, mais blogueur, j’ai nommé Versac, dont ce billet (NDLR : billet où celui-ci afflige les blogueurs présents du sobriquet d’industriels du blog- bien vu de la part d’un conseiller politique ?) fournit à Daniel Schneidermann l’occasion de sa première pique", précise Koz dans un excellent article dont je vous recommande la lecture. "Il n’y a paslieu de le regretter, ce sera une carte à soulever (avec la carte Autheuil) pour souligner que les blogueurs ne sont pas nécessairement béats.[...]Je suis en désaccord aussi sur le ton employé, que je trouve inutilement sarcastique et agressif. OK, Daniel, t’as des couilles et t’as pas peur d’être vilain avec les blogueurs-stars, mais bon, en même temps, qu’est-ce que tu en as à f... ? Faut-il y voir de l’animosité envers des blogueurs qui n’ont pas adopté l’angle qu’il aurait souhaité ? Qui se sont montrés insuffisamment critiques envers ce Sarkozy à son goût ? Ou seulement, comme veulent nous le faire penser son intro et la conclusion, une amère déception devant un big bang souhaité, annoncé, et qui ne serait pas produit ? Je m’tâte."
Avançons... Soit dit en passant, cher Daniel, le Podcast sur l’université d’été du PS est en ligne dans la nuit de demain, celui sur l’UE de l’UMP dans dix jours, celui sur l’assemblée de Cap21 ensuite, et enfin celui sur la réunion, dimanche, de l’Alternative unitaire. Les regarderez-vous ? Nous réalisons ces contenus à nos frais, pendant nos nuits et week-ends (ceux mêmes que vous et vos chroniqueurs ne prenez pas pour couvrir si brillamment ces évènements), et cela par passion de cet exercice pluraliste, Monsieur. Mais vous dénigrerez sans doute longtemps encore l’enthousiasme et la volonté de création et d’expression citoyenne. Vous, le chantre du Big Bang informationnel. C’est navrant. J’avais aimé votre travail. Jusque-là. Faut-il lire dans vos piques une frustration plus qu’un agacement ?
"Alors effectivement, répond Vinvin (fournisseur
officiel de commentaires scintillants), il reste quelques questions.
A quoi cela a-t-il servi ?
A faire du bruit, certes. Et
ce qui vous énerve est peut-être
que ce soit la droite de Sarko
qui en ait eu l’idée, et pas
Ségolène ou Bayrou. A démontrer que
les blogueurs ne sont pas journalistes ?
Je répète que pas un seul
d’entre nous l’a jamais prétendu.
Que lorsqu’on paie l’hôtel, on nous
a dans la poche ? Je n’ai
pas de mots pour répondre à la légèreté (je suis toujours courtois)
d’une telle affirmation. Que nous ne sommes
pas plus acides que quiconque face
à un ministre ? Eh oui. C’est
fou, non ? Nous ne sommes que des
civils jetés dans un monde de
dingues (journalistes) avec des codes,
des hiérarchies, des bousculades, des privilégiés.
En me rendant à ces universités,
je m’étais dit que je raconterais l’histoire
de Paf le chien à Sarkozy
si je le croisais. Pour voir
ses réactions - humaines ou pas
- en cas de question non formatée.
Quand j’ai eu l’occasion de le
faire, il y avait 300 personnes, 12 gardes
du corps, 50 caméras. J’ai gardé la
blague dans mon slip et puis c’est
tout. Quel scandale, je n’ai pas
eu la Big Bang attitude..."
Le Big Bang dont vous rêvez, Daniel, n’est pas celui des médias libres. Ou ne cherchez plus ; que cela vous plaise ou non, la « révolution » que vous quêtez entre deux rapports d’audience est bien là, le "bon peuple (in)soumis" a obtenu son droit de réponse. Voilà... J’ai ce soir retiré votre blog de mon agrégateur. Une peccadille. A la hauteur de vos accusations. Je ne voterai pas Nicolas Sarkozy, cher Daniel. Vous n’y êtes pour rien, pas plus que ces 48 heures marseillaises. Je n’aurai en revanche plus la curiosité de vous lire. Et de cela, vous avez seul la responsabilité. A juger ainsi les uns et les autres à l’emporte-pièce, vous y gagnerez cependant en audience. Je n’ai aucune crainte pour vous. Peut-être en éprouverez-vous une demain pour votre crédibilité, à vous en prendre ainsi en masse et sans distingo à ceux que vous draguez par ailleurs ?
"J’ai encore plus de mal à mesurer les vertus de votre texte", écrit Calamo à la suite de cette note. "Ce qui fait (ou pourrait faire, à terme) la force des blogs politiques est avant tout leur existence - et l’accessibilité de leur contenu - plutôt que la participation d’une poignée de leurs auteurs à tel ou tel événement politique : il paraît que l’Internet est vaste et, de toute façon, il incombe à chacun de séparer le bon grain de l’ivraie, quelle que soit la source de l’information. Or, et pour autant que vous ayez souhaité railler les « accrédités » dans votre billet, n’avez- vous pas l’impression, ce faisant, de dévaloriser plus largement les blogueurs... dont vous attendez votre Big Bang ?’
« J’ai prévu de continuer »,
conclut Thomas dans son commentaire.
Moi aussi.
Et cette bulle-là a le savon coriace, cher Daniel.
Au plaisir de vous croiser ;)