Macron a-t-il définitivement perdu la main ?

par Fergus
mardi 15 octobre 2024

Après le temps des pieds (Macron s’y prend comme un pied), voici venu le temps des mains...

Fond de photo Reuters/Yiannis Kortoglou

Bien qu’il entende prendre en main pleinement la gouvernance du pays après le changement de main qui s’est opéré à Matignon, Barnier n’a pas totalement les mains libres  : entre Macron qui entend garder la main sur les « domaines réservés » bien qu’il n’ait plus grand monde pour lui prêter main-forte (ses amis se comptent sur les doigts de la main), et Le Pen qui espère faire main basse sur le pouvoir le moment venu, le défi est à peu près aussi rude pour le Savoyard qu’une ascension des Drus à mains nues tant il est loin d’avoir la haute main sur la représentation nationale. Il devra donc prendre son courage à deux mains et, avec détermination, mettre la main à l’ouvrage s’il veut exister.

C’est d’autant plus vrai que Barnier, bien qu’il se soit fait la main en politique depuis des lustres, n’a pas hérité de Matignon clés en main. Il lui a fallu tendre la main aux macronistes et aux républicains, parfois à deux doigts d’en venir aux mains, pour former son gouvernement. Et, hormis Retailleau, il ne peut compter sur aucun poids lourd pour lui donner un coup de main. Surtout pas sur Attal. Malgré leur poignée de main lors de la passation de pouvoir à Matignon, l’ex-Premier ministre estime en effet clairement que le gouvernement est entre de mauvaises mains depuis qu’il a été débarqué au profit de ce has been.

À peine nommé, Barnier doit déjà s’attaquer au mur budgétaire à pleines mains en faisant preuve d’audace. Eu égard à l’état des comptes, il ne peut en effet pas y aller de main morte, mais, sous son air patelin, imposer des mesures d’austérité drastiques. Bref, user d’une main de fer dans un gant de velours pour faire céder des alliés rétifs sans les braquer. Cela ne se fera pas en un tour de main face à des oppositions qui useront du frein à main pour le contrer. Jusqu’au probable recours au 49.3 qui sera bruyamment dénoncé comme un vol démocratique à main armée constitutionnelle.

Hélas ! pour les opposants du NFP, la victoire budgétaire semble à portée de main de Barnier, bien qu’il ait la main lourde pour les classes moyennes et la main légère pour les puissants. Le Premier ministre ne pourra toutefois pas se vanter d’avoir gagné de main de maître car il ne devra sa survie qu’au fait de manger dans la main d’une Le Pen qui se frotte les mains de satisfaction. À tout moment, elle peut effectivement renvoyer Barnier dans ses montagnes, une main devant, une main derrière grâce à une stratégie du RN cousue main à laquelle Ciotti, main dans la main avec la fifille à son sulfureux papa, prête la main, non sans arrière-pensée carriériste.

Retailleau est le seul politicien de poids du gouvernement. Darmanin a eu beau faire des pieds et des mains pour rester à Beauvau en arguant, la main sur le cœur, de son engagement de longue main sur les questions sécuritaires, les tractations en sous-main ont eu raison de lui, et c’est le chouan qui a emporté le morceau en mettant sa main au feu qu’il parviendrait à stopper la vague migratoire. Bien qu’il ait passé la main dans le dos de Barnier, Wauquiez a lui aussi, malgré sa volonté affichée de mettre la main au collet des délinquants et des passeurs, échoué à obtenir ce portefeuille dont il pensait pourtant qu’il était à portée de main.

On connaît mal la plupart des autres ministres. Les portefeuilles ont-ils été placés en mains sûres  ? Certains attributaires d’un maroquin, dotés d’un poil dans la main, n’abordent-ils pas leur mission les mains dans les poches ? Nous le saurons vite. Aucun semble, en tout état de cause, n’avoir de sang sur les mains, ni la réputation d’avoir les mains baladeuses (le genre adepte de la main au panier). Enfin, aux yeux de la HATVP*, tous paraissent avoir les mains nettes. Il faudra donc attendre pour savoir si Barnier a eu la main heureuse dans ses choix. Une chose est sûre : le Premier ministre ne pourra pas se laver les mains d’un échec.

Macron non plus ! En dissolvant, il a cru avoir le jeu en main et pouvoir faire émerger haut la main une majorité élargie à sa botte au service d’un gouvernement à sa main. Au lieu de quoi il a subi un échec cinglant et, sauf à porter la main sur la Constitution, a les mains liées par son article 20. Ce faisant, il a très largement perdu la main, et cela d’autant plus que les ressources de l’état ont fondu dans les mains de Le Maire avec son aval. Dès lors, il est compréhensible que Barnier et lui ne s’entendent pas comme les doigts de la main. Macron n’en est pas moins tenu de soutenir le Savoyard. Et pour cause : en cas de chaos politique, il pourrait, sauf à se salir les mains, être contraint de passer la main.

HATVP  : Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique

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