Raillant Ségolène Royal, qui ne s’est pas encore déplacée à l’Assemblée nationale pour s’exprimer sur le texte de la loi de prévention de la délinquance, la très sarkoziste Nadine Morano a eu hier soir ces mots : "A un moment, il faudra arrêter l’adage sois belle et tais-toi et dire sois belle et parle". De la part de la jeune (elle a eu quarante-trois ans ce mois-ci) députée de Meurthe-et-Moselle, ne sont-ce pas là des propos particulièrement... machistes ? Pour le coup, la candidate socialiste pourrait cette fois à juste titre se plaindre qu’on ne tiendrait pas pareil discours à propos d’un homme. C’est un terrain dangereux sur lequel s’engage là la blonde native de Nancy. Lorsqu’on l’entend intervenir dans les débats télévisés, faisant assaut de mauvaise foi et de persiflage, passant par la Lorraine avec ses gros sabots, on a plutôt en effet envie de souhaiter qu’avec elle, ce soit surtout tais-toi ! Nous parlions à l’instant de mauvaise foi ? Justement : la sortie lourdement mysogine de Nadine Morano - imagine-t-on un homme tenir ces mêmes propos ? Il aurait droit illico à son lynchage en règle - était destinée à voler au secours de son maître, le sémillant ministre-candidat, dont l’opposition réclame en vain la présence dans l’hémicycle depuis le début de l’examen du texte. C’est tout de même sa loi, que diable ! Qu’il ne daigne même pas venir en débattre à l’Assemblée illustre en quelle piètre estime il tient les élus de la République, tout à sa hâte compulsive de conquérir les électeurs.
Ne dérangez pas le ministre, il est en campagne
Parce que Nicolas Sarkozy a bien autre chose à faire que de sacrifier au pesant formalisme de la démocratie. A quoi bon respecter l’opposition dès lors qu’elle est minoritaire ? Pendant que les députés examinent sa loi, le ministre fait sa campagne électorale. Quand des élus comme le député communiste des Bouches-du-Rhône, Michel Vaxès, le Vert Noël Mamère ou le strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen défendent leurs amendements, ils font ainsi exister le débat public sur le problème de fond concerné - comment réprimer efficacement la délinquance. Mais le président de l’UMP s’occupe plutôt à peaufiner une ô combien vitale opération de communication - au demeurant complètement ratée en plus ! - pour tenter de créer l’événement à propos de l’annonce d’une candidature que chacun sait inéluctable depuis belle lurette. A ce sujet, Jean-Marie Le Pen a observé que "Nicolas Sarkozy est en campagne depuis déjà plusieurs mois et je ne vois pas ce que l’annonce de sa candidature apportera de plus, si ce n’est une occasion médiatique de plus de faire parler de lui". Pour ceux que la référence choque, citons ce mot que nous a tenu l’éditeur et chroniqueur Guy Birenbaum, pourtant l’un de ses plus farouches adversaires : "Ce n’est pas parce que Le Pen dit qu’il pleut que c’est faux !" Toujours est-il qu’en voulant défendre Nicolas Sarkozy de cette façon, notre calamiteuse Nadine Morano marque un but contre son camp : il n’a pas mis les pieds à l’Assemblée pour l’examen de sa loi ? Ségolène non plus (na-na-nère). Mais alors, outre le fait que la présidente de Poitou-Charentes ne soit en la circonstance qu’une députée socialiste lambda quand l’ancien maire de Neuilly est l’auteur du texte en personne, mettre ainsi les deux candidats sur le même plan apporte l’éclatante démonstration d’une réalité que les sarkozistes cherchent pourtant à nier à tout prix : on ne peut à la fois être numéro deux du gouvernement et candidat frénétique à la présidentielle. Ne dérangez pas le ministre de l’Intérieur, il est en campagne électorale !