Rassemblement National, un électorat dans le doute

par Octave Lebel
samedi 28 septembre 2024

Qu’en est-il de l’électorat du Rassemblement National dans sa diversité, ses évolutions et ses interrogations dans un paysage politique si controversé et instable ? Où la propagande est si présente qu'elle semble étouffer toute réflexion autonome. Où les médias par leurs commentaires sans fin semblent effacer notre présence de citoyens au profit des artefacts qu'ils fabriquent.

 

Trop c’est trop

Pour l’électorat du RN dans sa dimension populaire et classe moyenne, depuis la défaite alors que la victoire était présentée dans les médias comme acquise (27 sondages sur 27 pour Bardella), puis avec la propagande insistante de dire qu’en réalité c’est une victoire volée (on se demande comment et on a envie de dire que le culot ne peut pas être la réponse à tout) en introduisant la confusion. Comme si nous avions voté comme pour une proportionnelle alors que nous avions à désigner un candidat dans des circonscriptions différentes en nombre d’habitants avec chacune son taux d’abstention et avec en plus le fait que les électeurs de gauche et au-delà ont joué le jeu du front républicain. Quand près de la moitié de l’électorat LR et LREM a voté pour le candidat RN en réalité. Trop, c’est trop. Pourquoi nous raconter de telles histoires sans s’expliquer sur le fond ? Pourquoi pour l’encadrement et les élus, nous serions tenus de pratiquer ce caporalisme de devoir tout avaler sans discuter ni réfléchir et de devoir voter sans comprendre ni poser de questions parce que c’est le RN et qu’il faut être d’accord ?

Des questions inévitables.

Du coup, les questions viennent d’elles-mêmes. Qu’est-ce que c’est que le pedigree de certains candidats qui ne nous ressemblent pas ? Pourquoi eux ? Comment se fait-il qu’interrogé un peu en profondeur, Bardella, ayant déjà expliqué sa méthode de premier ministre avec beaucoup de conviction ostentatoire, en fait nous répond au fil de l’eau dans le flou, bien en dessous de la superbe en forme de réponse à tout affichée en meeting. Et si bien filmée aussi. Difficile de ne pas voir ici, un succès étant annoncé, à l’œuvre déjà le goût du pouvoir . Du pouvoir pour quoi faire et avec qui ? Et nous, censés être fascinés, béats sans plus d’esprit d’esprit critique ni de recul ? Du coup, où va-t-on vraiment et avec qui ? Comment expliquer que Macron nous a fait cette incroyable comédie autour du premier ministre, contournant les votes de ceux quand même arrivés en tête, pour finalement en nommer un sorti de la déconfiture électorale, en concertation avec Marine Le Pen, qui s’est vantée aussitôt d’être l’arbitre de la situation. Puis, devant notre perplexité, surjouant très vite l’opposition résolue.

Une pelote à dérouler.

En reliant tous ces fils, avec le recul, d’autres interrogations surgissent. C’est quand même une incongruité, un parti que se dit populaire et souverainiste surexposé dans des médias de milliardaires de la mondialisation avec carrément un réseau dédié à sa propagande. Avec en plus, le projet du parti de privatiser encore plus de médias comme si cela ne suffisait pas encore. C’est difficile de ne pas se poser de questions. Et puis quand même, la macronie travaillant les mêmes thèmes électoraux que la maison, avec les mêmes méthodes, polémiques et surenchères et pas de débats de fond et des médias qui ne font pas en profondeur leur travail d’information pendant ce temps-là. Et puis encore cette façon de disqualifier la gauche avec les mêmes mots et formules dans le même tempo. Marine Le Pen, du jour au lendemain, en croisade contre l’antisémitisme, accusant de concert avec la macronie et LR, tout ce qui ne se trouve pas dans l’alignement Etats-Unis/Israël d’antisémite. Gros à avaler. Comment ne pas se poser de questions alors sur l’encadrement et les élus dont les votes sont quand même très souvent dans le fil de la politique actuelle pour ce qui relève de l’économie, quand, en même temps, ils nous disent carrément le contraire quand ils sont en représentation. De plus, si on commence à regarder de près, il est difficile de voir une politique d’ensemble dans le domaine économique et social ni sur quelles analyses tout cela repose. Idem sur la démocratie. À part des éléments repris par tout le monde parce que pointés depuis un moment par les mouvements sociaux comme le RIC et la proportionnelle , on n’en parle jamais alors que ce n’est pas un détail.

Où sommes-nous, qui sommes-nous réellement ?

Et puis à la fin, cette surexposition permanente dans les médias, avec pour les européennes, dès janvier, Bardella par ici, Bardella par là. Il faut bien qu’il ait été invité, il ne rentre pas par effraction dans les studios. Cela a été orchestré comme un défilé avec ses chars et ses musiciens pour désigner le roi de ce qui devient désormais un carnaval électoral. À cette dose, comment ne pas se méfier, comment ne pas se poser de questions sur le jeu réel des milliardaires qui contrôlent tous ces outils, médias et instituts d’opinion. Nous ne sommes pas idiots à ce point là. Nous brosser dans le sens du poil à ce point là avec des slogans et des formules toujours les mêmes, en entretenant la tension et exploitant les colères sans jamais approfondir les sujets ni dire clairement ce qui est proposé sur le fond, la politique économique et sociale et le fonctionnement de la démocratie. Sarkozy, Hollande, Macron l’ont fait et on voit où cela nous a mené. Avec à chaque fois plus de politique spectacle et de sondages et plus de personnalisation comme si nous réclamions un sauveur. Qui a envie d’encore marcher sans fin avec ce seul et unique carburant pour donner du pouvoir à ce type de dirigeants ? Nous en avons trop vus des coups médiatiques, avec encore une fois les Sarkozy, Hollande, Macron, et maintenant le jeune Bardella présenté comme un phénomène avec son beau costume. Et nous des groupies censés être éblouis ? Dans une hallucination collective et surtout médiatique. Bardella à qui a été attribués, redisons-le, 27 sondages vainqueurs sur 27. Qui, dès qu’il n’a pu plus échapper à des questions précises un peu insistantes s’est dégonflé comme une baudruche. Devant, déjà rendre sous peu des comptes avec Marine le Pen sur des abus de biens sociaux au Parlement Européen. Nous avons trop souvent été bien servis avec ce genre de personnages au point d'en être vaccinés. Merci.

Les sempiternelles postures de rebelle toutes en rhétorique et formules, les critiques infantiles d’un Macron en lieu et place d’analyses un peu consistantes. Tout cela censé nous rassembler comme une foule de supporters énervés. Dès que nous regardons ailleurs que ce que l’on nous montre en permanence, nous voyons bien les votes communs des élus du RN, de LR et LREM ici et au parlement européen concernant les décisions économiques. Dans la logique des collusions électorales, à l’abri des postures d’adversaires irréductibles , quand il s’agit de contrer des candidats venus de gauche. Cela commence à faire beaucoup, vraiment beaucoup. Une critique à l’arrache du programme du NFP avec en face un programme méthodique inexistant à présenter à ses adhérents et sympathisants.Depuis le temps que l’on nous promet la lune. Cela commence à bien faire.

Prendre le chemin d’une démocratie citoyenne.

C’est difficile après avoir cru que Marine Le Pen et le Rassemblement National étaient de véritables opposants à Macron de réaliser que les deux sont au service de l’oligarchie en place. Sinon, comment expliquer toutes ces contradictions, ces dissimulations, ces connivences et collusions. Pourquoi ces choses devraient nous être tenues cachées ? Qu’est-ce que nous citoyens ne devons pas comprendre et voir ? Constater qu’ils en sont en fait les obligés des oligarques en route pour la succession d’un Macron. Et que tout cela nous emmène dans le mur. Sans passer sous silence la fibre raciste entretenue qui se substitue si bien à la nécessité d’un rassemblement sur les combats contre les inégalités sociales et pour une authentique démocratie comme dans une tentative insistante de les mettre ainsi en impasse. Avec une exploitation si opportuniste et ciblée des faits divers et de l’insécurité.Qui n’a pas encore compris ? C’est comme cela qu’ont commencé la fascisation des sociétés quelles qu’en soient les spécificités. Dans une société que l’on voudrait fondée une fois pour toute sur le mensonge permanent, l’intimidation puis l’exclusion si nécessaire, la confusion entretenue, et la division du monde du travail et des droits notamment sur les origines afin de justifier les inégalités qui se refermeront sur les salariés. Afin de préserver et renforcer l’autorité d’un état au service d’une minorité de privilégiés qui se cherchent une échappatoire et un sursis.

 
 
 


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