Trump/Musk : le 18 Brumaire des patriarches contre les cinq cavaliers de l’apocalypse

par politzer
mardi 25 février 2025

– De quoi cette paire gagnante est-elle le nom ?”

 

Donald Trump, réélu en 2024, se pose en sauveur de l’Amérique productive – un magnat de l’immobilier flanqué d’Elon Musk, roi de l’industrie tech, contre une finance “casino” improductive, responsable d’une allocation calamiteuse du capital. Mais sous l’angle des classes, qui représente-t-il vraiment ? La fraction industrielle du capital, comme il le clame, ou un pion recyclé par cette même finance qu’il vilipende ? Son parcours, ses alliances, et son “grand nettoyage” idéologique racontent une histoire qui rappelle le populisme du 18 Brumaire de Louis Bonaparte – un populisme patriarcal dressé contre cinq cavaliers de l’apocalypse mondialiste.

Trump et la fraction industrielle : un récit bien vendu

Trump, c’est l’immobilier avant tout. Héritier d’un empire de logements populaires à Queens, il construit des tours (Trump Tower), des casinos (Taj Mahal), des golfs – du tangible, pas des algorithmes boursiers. Son discours martèle cette fibre : relocaliser les usines, taxer la Chine (25 % sur l’acier en 2018), rebâtir l’Amérique par le travail. America First (2025) promet des jobs, des briques, une économie “réelle”. À ses côtés, Elon Musk incarne l’industrie moderne : Tesla produit des voitures, SpaceX des fusées – 150 000 employés, des usines visibles, pas des bureaux virtuels à Wall Street. Ensemble, ils semblent défier la finance spéculative, cette “casino economy” qui, depuis 2008, gave les banquiers pendant que la Rust Belt crève – 5 millions d’emplois manufacturiers perdus depuis 2000 (BLS).

Leur cible ? Une élite financière qui mise sur des bulles – subprimes, tech surévaluée – plutôt que sur des usines. Trump cogne sur Goldman Sachs, les “banksters” qui ont délocalisé les jobs pour des profits rapides. Mais il ne fait pas que parler : il s’attaque à l’idéologie mondialiste de la petite bourgeoisie parasitaire – dérégulation, immigration massive visant à briser l’unité populaire des classes exploitées et leur enracinement. En échange de ce “grand nettoyage”, il gagne un soutien ferme.

Le sauvetage par les banques : une ironie cinglante

Rewind sur 1990 : Trump croule sous 3,4 milliards de dettes – Taj Mahal en faillite, 900 millions personnels à 72 banques (Citibank, Chase, Bankers Trust). Il frôle la ruine, ses créanciers menacent de saisir Trump Tower, Mar-a-Lago. Et là, surprise : les banques le sauvent. En 1991, elles effacent 500 millions, lui prêtent 65 millions pour vivre, le mettent sous tutelle (450 000 $ par mois) mais le laissent à flot (NYT, 1991). Pourquoi ? Trop gros pour couler : une liquidation aurait plombé leurs bilans dans une récession rude. Trump vend son aura – “ma marque vaut plus si je survis” – et elles parient sur son rebond. Ironie mordante : le héraut de l’industrie, qui dénonce la finance casino, doit sa peau à ces mêmes banquiers, comme un Bonaparte porté par les bourgeois qu’il prétend défier.

Musk et Trump : une alliance industrielle ?

Elon Musk renforce cette façade. Tesla, c’est 1,5 million de voitures en 2024, des usines US (Fremont, Texas). SpaceX, c’est des lanceurs, des contrats NASA. Pas de la finance pure – même si ses valorisations (Tesla à 1 trillion en 2025) flirtent avec le casino. Musk tweete son soutien sur X (novembre 2024), et Trump le cite – “Musk va booster notre économie réelle” (Rallye Ohio, 2024). Leur duo semble incarner la revanche des industriels sur les banquiers – Musk fabriquant, Trump bâtissant, contre une élite Biden qui gave BlackRock et Silicon Valley. Mais Musk vit de subventions et de hype boursière, et Trump, avec ses casinos-spectacles, n’est pas un pur producteur.

Classes et impasses : un 18 Brumaire patriarcal contre les cinq cavaliers ?

Du point de vue marxiste, Trump rallie une alliance à la 18 Brumaire – Louis Bonaparte s’appuyant sur les paysans déclassés et la petite bourgeoisie pour s’imposer, tout en servant les gros bourgeois. Ici, c’est plus large et plus brut : 

 Prolétariat déclassé : ouvriers blancs, artisans, mais aussi Latinos et Noirs qui suivaient ailleurs des Mélenchon (France), votent Trump en 2024 (25 % des Latinos, 12 % des Noirs, Edison Research). Pourquoi ? Un soutien “patriarcal” les soude : Blancs machistes, Latinos fiers, Noirs virils, unis par leur haine des cinq cavaliers de l’apocalypse mondialiste – Woke, qui culpabilise leur identité ; Féminisme, qui attaque leur virilité ; Multiculturalisme, qui dilue leurs frontières ; Technocratie, qui les méprise depuis des bureaux hors sol ; et Déracinement, ce cavalier sans feu ni lieu, ennemi de l’histoire et de l’enracinement des peuples sur leurs terres ancestrales, ruinant leur identité locale sous un vernis de progrès. Trump leur offre un rempart : finie l’immigration qui casse leurs salaires, finie la guerre contre le mâle hétérosexuel viril – redneck ou pas – et contre leurs racines, remplacées par un cosmopolitisme stérile. 

 Bourgeoisie industrielle moyenne : promoteurs, Musk-like, qui veulent moins de taxes et plus de protectionnisme contre la finance chinoise.

 Contre une petite bourgeoisie parasitaire – technocrates, bobos woke – et une bourgeoisie financière (Wall Street), piliers des démocrates. Trump échange ce nettoyage idéologique – exit la dérégulation anti-ouvrière et l’assaut sur la virilité et l’identité populaire – contre un soutien massif. Mais l’allocation reste calamiteuse : dettes US à 35 trillions (2025), salaires stagnants, inégalités records. Les usines promises ? 145 000 emplois créés (2017-2021, BLS), peanuts.

Trump/Musk : de quoi cette paire gagnante est-elle le nom ?

Alors, de quoi la paire gagnante Trump/Musk est-elle le nom ? D’un capitalisme patriarcal réenraciné, qui promet de ressusciter l’industrie et la virilité des classes exploitées face à un mondialisme déracinant. Leur alliance est le cri d’un prolétariat déclassé – Blancs, Latinos, Noirs – et d’une bourgeoisie moyenne qui refusent l’effacement de leurs terres, de leur histoire, et de leur identité sous les coups des cinq cavaliers. Elle porte le nom d’une révolte contre une finance casino et une technocratie woke qui ont vendu l’Amérique aux spéculateurs et aux idéologues hors sol, tout en prétendant sauver le monde. Mais elle est aussi le nom d’une ambiguïté : un industriel (Trump) sauvé par les banquiers qu’il maudit, un innovateur (Musk) dopé par la bourse qu’il feint d’ignorer. Comme au 18 Brumaire, cette victoire est un miroir tendu aux déclassés – un reflet de leurs espoirs plus qu’une rupture avec le capital qui les broie.


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