Vive les Etats Unis Socialistes d’Europe

par Jean Dugenêt
mercredi 23 octobre 2024

En 1924, lors de son 5ème congrès, qui se tint à Moscou du 17 juin au 8 juillet, l’Internationale Communiste adopta la perspective des « États-Unis socialistes d’Europe  ». C’était le premier congrès de l’IC qui se tenait sans Lénine, décédé au début de l’année (le 21 janvier 1924).

Cette question avait déjà été maintes fois discutée.

Dès septembre 1914, Trotsky, dans sa brochure intitulée « La Guerre et l'Internationale », montrait que la question de l’unification de l'Europe découlait de son développement économique mais que les Etats-Unis d'Europe n'étaient concevables que comme la forme politique du pouvoir du prolétariat. Il écrivait ces lignes qui restent d’une brulante actualité avec la guerre en Ukraine :

« Les conditions de paix conclues par les peuples et non par des « finasseries » entre diplomates doivent être les mêmes pour toute l’Internationale : Aucune annexion ! Aucune contribution ! Le droit de chaque nation à son autodétermination ! Les Etats-Unis d'Europe — sans monarque, sans armée permanente, sans classe féodale dirigeante, sans diplomatie secrète ! »

Dans un autre article de 1929, intitulé « Les Etats-Unis d’Europe et le désarmement », Trotsky rappelait que :

 « En 1923, quand l'occupation de la Ruhr posa une fois de plus de façon aiguë les problèmes fondamentaux de l'économie européenne (avant tout charbon et minerai de fer) et, coïncidant avec eux, les problèmes de la révolution également, nous avons obtenu que le mot d'ordre des Etats-Unis d'Europe soit officiellement adopté par la direction du Comintern. »

Je tenais à signaler cela pour ne pas laisser penser que la question des Etats-Unis Socialistes d’Europe venait uniquement de Trotsky. Le mot d’ordre avait été adopté dès 1923 par la direction du Comintern avant d’être repris en 1924 par le 5ème congrès de l’IC. Ce fut donc la position de toute l’Internationale et de tous les bolcheviks du vivant de Lénine.

La question reste d’actualité. La guerre en Ukraine montre en effet à la fois que les puissances impérialistes américaine et russe se dressent toutes contre les peuples pour maintenir le système d’exploitation capitaliste mais qu’en même temps elles s’opposent sur la manière de conclure une paix. Comme le disait Trotsky, elles cherchent par des « finasseries » entre diplomates une solution qui ne fragiliserait pas le système d’exploitation capitaliste lui-même. Les dirigeants des USA veulent éviter qu’en perdant la guerre le pouvoir de Poutine soit balayé ce qui risquerait d’ouvrir une crise dans toute la fédération de Russie. Cependant, ils veulent aussi afficher un soutien à l’Ukraine, depuis que, à l’encontre de ce qu’ils avaient prévu, le peuple ukrainien a montré sa détermination à combattre l’envahisseur. En conséquence, la guerre dure…

Les internationalistes œuvrent pour qu’une paix soit conclue par les peuples d’Europe eux-mêmes. La question des Etats-Unis Socialistes d’Europe est ainsi plus que jamais d’actualité. Nous disons :

J’ai maintes fois expliqué le caractère réactionnaire de l’Union Européenne voulue par les dirigeants Américains comme une composante leur permettant, avec l’OTAN, d’exercer leur pourvoir sur les pays concernés. J’ai d’ailleurs prouvé que Walter Hallstein qui fut le premier président de la CEE et le resta pendant neuf ans était un ancien nazi particulièrement zélé. Voir mon article : « Walter Hallstein ; une grossière falsification de la Wikipédia ». Il avait fait partie de « l’élite » des universitaires nazis regroupés dans le NSDDB et, plus tard, il avait été nommé NSFO dans l’armée c’est-à-dire qu’il œuvrait à ce que l’idéologie nazie y soit respectée et appliquée.

Il n’était d’ailleurs pas le seul ancien nazi recyclé par les gouvernants américains pour œuvrer à la « construction européenne ». Karl Maria Hettlage fut membre de la Haute Autorité de la CECA de1962 à 1967 et Carl Friedrich Ophüls fut le concepteur principal des « statuts de la Cour Européenne de Justice » et c’est à ce titre qu’il les signa. Personne ne nie qu’ils furent auparavant des nazis patentés. Karl Maria Hettlage avait le grade d'Hauptsturmführer dans la SS et il était collaborateur d'Albert Speer. Carl Friedrich Ophüls avait travaillé au tribunal régional supérieur de Francfort-sur-le-Main (1931-1945). Il était membre du NSDAP du 1er mai 1933 à 1945 sous le numéro 2399661.

Il est donc normal et admis par tous que d’anciens nazis ont participé à la construction européenne. Ils avaient auparavant œuvré à la politique de la « Neue Europa » d’Hitler. Ils avaient acquis ainsi une expérience dans la construction d’une structure européenne parfaitement antidémocratique. Les dirigeants américains ont eu recours à leur savoir-faire pour construire une Europe répondant à leurs intérêts. Il en fut de même avec Walter Hallstein mais les européistes rechignent à le dire ouvertement afin de dissimuler les buts visés par cette construction européenne.

La fédération de Russie est, elle aussi, une construction qui se dresse contre les peuples. Elle est conçue pour que la nation russe (moscovite) exerce sa domination sur de multiples peuples répartis sur un immense territoire. C’est un impérialisme qui s’exerce sous une forme proche du colonialisme. Il hérite, par l’idéologie de Poutine, de ce que fut l’empire russe des tsars autant que de ce que fut l’URSS de Staline et ses successeurs.

Les disparités dans le niveau de vie sont énormes dans cet empire. On y retrouve des questions de migration qui sont assez semblables à celles que nous connaissons avec les populations misérables qui essaient de venir vers les pays d’Europe. Dans la fédération de Russie, les populations des régions les plus pauvres essaient souvent de venir s’installer près de Moscou pour trouver de meilleures conditions de vie. Voyez par exemple cette vidéo : « Exploités, attaqués, le calvaire des migrants kyrgyzes en Russie  ». Le Kyrgystan fait partie des régions pauvres comme la Sibérie et les anciennes républiques du Caucase et de l’Asie Centrale. Parmi les migrants, on trouve notamment des Arméniens, des Azeris, des Ouzbeks et des Tadjiks. Ceux qui parviennent à venir s’installer dans la région de Moscou en surmontant les obstacles dressés par la police et les nombreux xénophobes-racistes sont payés deux fois moins que les moscovites. Voyez sur la vidéo « sans papiers et sans droits à Moscou  » dans quelles conditions ils vivent. C’est aussi dans ces populations pauvres que Poutine recrute la chair à canon qu’il sacrifie sur le front en Ukraine. Et, pendant ce temps, le loisir favori des pires va-t-en-guerre moscovites est de faire la chasse aux migrants. (Voir cette autre vidéo : « Les ultra-nationalistes chassent les immigrés à Moscou  »).

Nous soutenons la résistance ukrainienne parce que le peuple ukrainien a été agressé par un envahisseur mais pour autant, nous ne soutenons nullement le régime capitaliste de Zelensky mis en place par des oligarques corrompus. Nous voyons que sa politique consiste à montrer aux capitalistes d’Amérique et d’Europe qu’il est apte à contribuer au maintien du capitalisme et qu’il peut être pour cela d’un grand secours. Dans son « plan pour la paix », il offre par avance ses services pour participer aux bases de l’OTAN.

Pour notre part, avec le RESU (Réseau Européen de Solidarité avec l’Ukraine) nous soutenons les combattants et leur famille. Nous soutenons leurs revendications. Nous ne pouvons qu’approuver cette femme d’un soldat qui manifeste à Kiev en exhibant une affiche où elle a écrit : « Ils se battent pour nos vies, nous nous battons pour leurs droits » pendant que sa fille affiche : « Les soldats de sont pas des titans. Les soldats ne sont pas des machines. Les soldats sont des gens. Les soldats ont une famille ».

Nous soutenons aussi les opposants à la guerre en Russie comme Alexei Isakov et Roman Shport condamnés pour avoir distribué un tract. Sous la dictature de Poutine, le regroupement d’une avant-garde révolutionnaire ne peut se faire que dans la clandestinité alors qu’un petit groupe de trotskystes peut s’exprimer en Ukraine.

Dans tous les cas, il faut s’adresser aux peuples et non pas aux gouvernants pour lutter pour la paix sur toute l’Europe de l’Atlantique à l’Oural. Nos mots d’ordre sont internationalistes et par conséquent anticapitalistes. C’est sur ces mots d’ordre que nous voulons convoquer une conférence européenne pour la construction d’une internationale révolutionnaire.

 


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