Ségolène Royal : raté de campagne
par Yann Riché
jeudi 15 février 2007
Ségolène Royal arrivera-t-elle à convaincre ? Décidément, le doute persiste. Le chiffrage du « programme » Royal n’est pas réalisé, sauf par Sarkozy, évidemment.
Dans les sondages, c’est mitigé. BVA-Orange estime que Royal a pris
trois points pour être à 29% dans les sondages (sondage réalisé lundi)
mais pas au détriment ni de Sarkozy, qui fait +1 à 35%, ni de Bayrou, qui
reste stable à 14%, mais en prenant aux ultralibéraux qui ont été peu
sous le feu de la rampe, ce week-end.
Autre sondage celui de CSA à paraître dans Le Parisien du 15/02, c’est Sarko qui s’envole :
- Sarko 33 (+2)
- Royal 26 (-1)
- Bayrou 12 (=)
- Le Pen 14 (-2)
Donc pas d’effet Villepinte, et surtout une déclaration hallucinante de
la part de la candidate : "Tout ce sur quoi je me suis engagée se fera
parce que je réussirai à relancer la croissance, par le coup de
fouet que cette élection va donner..." Elle déclare par ailleurs qu’elle
a le sentiment d’être réaliste. Elle doit partager avec Sarkozy (qui table sur 2,25% de croissance sur cinq ans pour financer le programme législatif de l’UMP) la même prévision sur la croissance et ils doivent bien être les seuls à croire, malgré notre classement lamentable en termes de croissance dans la zone euro (11e sur 12, avec 2% contre 2,7% pour la zone euro), que nous pouvons faire des étincelles et que nous sommes maîtres de la croissance.
Mme Royal, j’ai surtout envie de vous dire que vous avez un problème, un gros problème. C’est celui de la confiance de vos "troupes". En fait, vous vous trompez. Vous exprimez des sentiments quand on vous demande des certitudes. Vous réussirez à relancer la croissance, dites-vous, parce que cette élection va donner un coup de fouet.
Doutez-vous à ce point de vos idées ? Doutez-vous à ce point qu’il vous faille chercher un coup de fouet imaginaire ? Car je vous invite à relire les enquêtes* d’opinion, je vous invite à prendre le temps, maintenant que vous avez perdu, de regarder non pas seulement les desiderata des comités "Désir d’avenir", mais la réalité du monde qui nous entoure et qui bouge (vous le savez, que vous avez perdu, simplement parce que quoi que vous fassiez, vous vous retrouvez dans une impasse, impasse idéologique avec le programme du PS, impasse marketing avec votre campagne au sein de ce même PS qui vous a démarqué un temps, mais maintenant que vous êtes obligée de travailler avec le PS, vous voilà bloquée par l’idéologie partisane).
(*L’enquête Cevifop montre que les Français ne sont que 36% à faire confiance à la gauche (19%) ou à la droite (17%) pour changer. Et pire, 53% des Français pensent que l’élection présidentielle ne changera rien.)
Cela vous aurait évité vos déboires. J’ai été admiratif dans la façon
dont vous avez géré votre campagne interne au PS. Et comme beaucoup, je
crois que vous vous êtes arrêtée là, sur le bord de la route, sans
projet pour aller au bout. Vos forces d’hier sont vos faiblesses
d’aujourd’hui. Vous êtes allée dans l’analytique, dans le sens du
détail, et sans doute dans le sens psychiatrique aussi, avec Désir
d’avenir. Et vous avez cru que cela suffirait.
Décevant pour une femme qui se veut présidente. Les Français ont cru
que cela était possible, je vous donne ce jour mon sentiment, les
Français ont enterré l’idée même d’avoir une présidente de 2007 à 2012.
Votre campagne est ratée, vous verrez bien pourquoi plus tard, je prends
le risque (d’environ 30%) d’avoir raison. Raison car non seulement
votre image s’est dégradée, mais en plus vous avez présenté un
programme et pas un projet. Où voulez-vous aller ? Comment, et avec qui ?
La présidence n’est pas une question d’idéologie ou de gestion en
bonne mère de famille, c’est un investissement, c’est une vision du monde que vous devez partager avec les Français dans le monde, c’est un investissement pour redonner à notre nation la
confiance qu’elle a perdue, et cette nation a besoin de vérité, de clarté
et d’ambition, elle a besoin de se retrouver autour d’un projet
fédérateur.
Sachez-le, vous ne savez pas fédérer. Vous restez à distance des Français en disant que vous êtes proche (votre arrivée par exemple à Villepinte au milieu de personne est assez symptomatique). Sachez-le, vous avez raté votre campagne.