Violences urbaines, pourquoi le signal d’alarme ?
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lundi 23 octobre 2006
Qui annonce un risque de reprise des violences urbaines, et pourquoi le faire ? Les Renseignements généraux ont remis un rapport « confidentiel » le 11 octobre sur les risques d’embrasement analysés par quartiers, dont Le nouvel observateur rend compte. Ce rapport enregistre des faits, 7327 actes de violence en septembre, 350 de plus qu’en août ; « la plupart des indicateurs des violences urbaines sont à la hausse depuis le mois d’avril [...] Les groupes d’individus prenant à partie les policiers semblent se mobiliser avec beaucoup plus d’efficacité, de rapidité, de véhémence. » Les actes sont « « non plus spontanés mais structurés, conduisant à s’en prendre [...] à l’un de derniers représentants institutionnels encore présents dans certains secteurs : la police ». Le rapport note aussi qu’une partie des jeunes est « devenue critique sur le travail des associations locales et la finalité des projets lancés en leur faveur ».
Libération publie des chiffres extraits d’une étude du sociologue Laurent Mucchielli, du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales : si on prend l’exemple de Clichy-sous-Bois, on voit que la population compte 47 % de moins de 25 ans (32 % dans la région), 28,6 % de familles de trois enfants au moins (la moyenne nationale est à 10,8 %), 33 % d’habitants de nationalité étrangère (19 % dans le département), une pénurie de logements, un taux de chômage à 23,5 %, une capacité de dépense municipale de 617 euros par habitant (moyenne nationale : 992 euros) ; 8,8 médecins pour 10 000 habitants (15,1 en Seine-Saint-Denis), et toujours pas de commissariat (il doit être construit).
Le rapport des Renseignements généraux signale que les conditions d’un déclenchement de violences sont réunies ; les chiffres publiés par Libération donnent une image claire du contexte susceptible de générer des troubles. La question se pose : pourquoi les médias parlent-ils de ces risques ? On peut penser que c’est une manière de les désamorcer (ceux qui veulent exister par une image médiatique peuvent se satisfaire de discours annonciateurs), ou une méthode pour rendre chacun plus vigilant ; certains diront que c’est une bonne façon de justifier des choix politiques qui mettent en avant la justification de l’ordre, de la répression.
On peut penser à l’inverse qu’un tel écho satisfait certes un attrait public pour le sensationnel, mais présente des dangers dans « la vraie vie » : annoncer des risques de violence peut amorcer de vrais actes, voire générer une surenchère (entre quartiers ou entre ce qui est annoncé comme possible et ce qu’on accomplit).
Ce qui reste certain, c’est que la société restant, en temps ordinaire, un peu sourde quand il est question d’inégalités, ceux qui veulent se faire entendre crient.