Au chant du coq

par C’est Nabum
vendredi 19 août 2016

Des citadins peu urbains …

 Hier soir, trop fatigué, je me suis couché à l’heure des poules. Ce matin, je me suis réveillé au chant du coq. Quel plaisir de renouer ainsi avec le rythme circadien, de jouir pleinement de la relation à la nature ! Dire qu’il y a des gens qui, la crête chaude et l’envie de voler dans les ailes de leur prochain, cherchent la petite bête, montent sur leurs ergots pour attaquer en justice le poulailler et son propriétaire. La chose pourrait paraître risible s’il ne se trouvait des juges, tel le corbeau sur un perchoir, pour donner raison au plaignant et occire la troupe des gallinacés. Ils feraient mieux d’envoyer paître ces irascibles personnages, plus loups que moutons.

Le coq sur le clocher, lui aussi, reste silencieux, c’est là son plus bel avantage mais il lui arrive de se faire sonner les cloches par les mêmes désagréables qui ne supportent pas plus l'angélus que les mâtines. Curieusement, ces gens qui veulent démettre les pendules de l’heure, ne sont pas les derniers à faire tapage nocturne quand les travailleurs dorment à poings fermés. Il en va toujours ainsi : l’humain oublier de balayer devant sa porte et va chercher noise pour un oui ou pour un non au voisin du palier d’en face.

Le citadin peu urbain déteste par-dessus tout le chant des grenouilles. Lui, qui a la cuisse légère dès qu’il s’agit de courir le guilledou, se montre intransigeant pour la parade batracienne. Il en a vite marre de ces coassements nocturnes, réclamant un peu de calme quand il a cessé de faire rugir sa voiture et sa chaîne stéréo. Ainsi en va-t-il des nuisances sonores : elles proviennent toujours des autres et jamais de soi. Il faut dire qu’il n’est pire sourd que celui qui n'entend pas son vacarme et se plaint des bruissements des autres.

Les odeurs n’échappent pas à la vindicte juridique. La tête de cochon a le groin délicat et n’hésite pas à réclamer la fermeture de la porcherie. On peut lui reconnaître une certaine gêne à fréquenter pareil voisinage, surtout s’il surgit de manière impromptue. Par contre, si le verrat a la prestige de l’antériorité, il y a encore des coups de pied à la queue en tire-bouchon qui se perdent !

D’autres volent dans les plumes des oiseaux. Ils montent sur leurs grands chevaux pour pourfendre la tourterelle, huer le hibou ou bien se plaindre du pic-vert. Ils refusent de mettre de l’eau dans leur vin ; ce sont des mauvaises graines, qui ont une adoration pour le prétoire et détestent le perchoir. La malignité se niche dans bien des travers, les prises de bec sont si fréquentes au pays des plaignants qui sont toujours à se plaindre.

Rien n’échappe plus à cette volonté farouche d’obtenir réparation et monnaie sonnante et trébuchante. Les intérêts, c’est bien dommage, accompagnent la victoire devant la cour, plus haute que basse en la circonstance. C’est dérisoire et si peu en rapport avec la réalité du terrain. Les avocats se sucrent, les juges font des effets de manche et ce sont toujours les plus argentés qui obtiennent gain de cause.

Ces drôles d’oiseaux des prétoires ergotent, pinaillent, querellent, assignent, harcèlent, pourfendent, vitupèrent, grimacent et vous font mille et une autres facéties de leur cru. Ils sont charmants voisins ; eux qui vous donnent l’envie de prendre vos jambes à votre cou afin de vous carapater loin de ces odieux plaideurs.

La judiciarisation de nos relations est une folie qui nous conduit vers l’intolérance et le conflit de voisinage. Tout est prétexte à plainte, tout est bon pour se faire la lippe. Les temps sont aux papiers timbrés, aux recommandés qui émanent de gens fort peu recommandables. Une assignation est une entrée en matière pour des années de procédure, pour des tracas et des dépenses astronomiques. Les plus margoulins excellant dans la malhonnêteté récompensée.

En attendant, poules, coqs, grenouilles, oiseaux, cochons et autres drôles d’oiseaux sont les dindons de la farce quand arrivent des citadins à la campagne. Il serait temps que les notaires qui vendent des résidences secondaires aux nouveaux venus en zone champêtre, accompagnent l’achat de boules Quies . Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ruralement leur.


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