Le statut de l’élu : des propositions concrètes

par Chem ASSAYAG
jeudi 27 octobre 2005

Cet article a pour objectif de démarrer une série de papiers portant sur des mesures de nature politique visant à améliorer le fonctionnement de la société française.

L’idée est de dégager des idées neuves ou originales, non partisanes, sur lesquelles nous pourrions tous être d’accord, à condition de faire un effort de réflexion et de formalisation. En tant que telles, ces idées pourraient être reprises par tout parti politique soucieux d’une vraie amélioration dans notre pays.

Le premier article se propose de traiter d’un thème rarement abordé mais fondamental, celui du statut de l’élu. A rebours des critiques populistes qui font florès, il s’agit de redonner attrait, moyens et légitimité à la fonction politique. Sans élus forts, compétents, oeuvrant sur le long terme, pas de démocratie vive, alerte, au service des citoyens.

Cette réforme du statut de l’élu part d’un constat  : la profession politique a été totalement dévalorisée au cours des vingt-cinq ou trente dernières années. Alternances continuelles et insatisfaisantes, médiocrité de nos gouvernants, manque de renouvellement de la classe politique, affaires et magouilles en tout genre... En conséquence, il s’agit d’une profession qui n’attire pas (quel jeune rêve de devenir député ou maire, à part les passionnés idéalistes qui ont la vocation de servir leurs concitoyens, ou les ambitieux modèles « je veux devenir président depuis que j’ai cinq ans » ?) et se sclérose dans ses modes de recrutement et de promotion, avec les élections agissant comme un facteur aggravant de politiques engluées dans le court terme. Il faut donc travailler autour de trois axes : qualité, indépendance et diversité.

Qualité

Il faut redonner aux plus brillants de nos concitoyens l’envie de faire de la politique, et pour cela il n’y a pas de mystère : pour les attirer, il faut les motiver, en leur offrant notamment des conditions de travail et de salaire intéressantes. Mieux vaut des gens compétents et pragmatiques, que des élus dévoués mais peu efficaces.

De façon corollaire, les parlementaires, présidents et vice-présidents d’exécutifs locaux (conseil général, conseil régional) et les maires des grandes villes (> 100 000 habitants ?) doivent se voir appliquer une règle stricte de non cumul : ce sont des tâches à plein temps, qui nécessitent un investissement total pour être bien faits. De même, il y a une totale incompatibilité entre ces fonctions et celle de ministre.

La règle du jeu est donc simple : vous avez des responsabilités importantes, et il est normal de vous rémunérer en conséquence, mais vous ne faites que cela (imagine-t-on un cadre supérieur cumuler un poste de DRH dans une PME et celui de directeur financier dans un grand groupe ?) Les arguments tendant à justifier le cumul servent le plus souvent à masquer la volonté de garder plusieurs fers au feu, notamment sur le plan financier.

Cette double règle : rémunération/non cumul permettrait de revaloriser la fonction et de garantir une vraie implication des élus. Parlons chiffres, pour situer les ordres de grandeur.

Aujourd’hui, un député gagne 5066 euros nets par mois - pour un sénateur c’est du même ordre ; en outre il dispose de près de 14 000 euros bruts pour ses frais de secrétariat et de mandat, ainsi que d’avantages annexes (transports, repas...) Il faut au moins maintenir les rémunérations à ce niveau, en instaurant une plus grande transparence sur l’utilisation des frais, notamment sur les conditions d’emploi des assistants parlementaires, et appliquer une fiscalité de droit commun.

En revanche, les indemnités des élus locaux sont faibles ; à titre d’exemple, un président de conseil général ou de conseil régional touche au maximum 63 040 euros bruts par an. C’est peu pour ce niveau de responsabilité. Une revalorisation significative s’impose pour s’aligner a minima sur les rémunérations des parlementaires.

Dans ces conditions, servir ses concitoyens, ses idées, son pays, pendant quelques années, peut devenir une vraie opportunité, une vraie expérience, et non pas un pari tellement risqué qu’il suppose de devenir un fonctionnaire de la politique.

Indépendance

Un des problèmes récurrents de nos hommes politiques est que leur seul horizon semble être l’élection. L’obsession d’être élu ou réélu les pousse à privilégier les petits jeux électoralistes, les discours clientélistes... Il faut rompre ce cercle vicieux.

Pour cela, il faut deux évolutions : limiter dans le temps les mandats, et ne pas faire de l’élection la sanction ultime. Je m’explique.

Dans un contexte où tout un chacun vit une accélération du temps social marqué par des ruptures et des changements fréquents sur les plans professionnels, familiaux, affectifs, il paraît totalement anachronique de voir les mêmes politiques s’accrocher aux mêmes mandats pendant vingt ans, voire plus, à tel point que certains semblent désormais détenir leur fonction d’une espèce d’ordre divin, et non plus des électeurs. A ce titre, la comparaison avec nos voisins est édifiante : lorsqu’un Jacques Chirac ou un Valéry Giscard d’Estaing occupe le devant de la scène depuis trente ans, un John Major ou un Helmut Kohl ont disparu depuis longtemps des responsabilités. Les mandats doivent donc être renouvelables une fois, pour arriver à des durées d’exercice de l’ordre de la dizaine d’années, pour les fonctions qui nous concernent. Au bout de dix ans on fait autre chose, ce qui veut dire notamment qu’on n’est pas obligé de promettre n’importe quoi pour se faire réélire, puisqu’on ne pourra pas se représenter !

En outre, la perte d’une élection ne doit pas être une tragédie : l’élu (député, maire...) doit avoir un filet de sécurité - ce qui est déjà le cas pour certaines fonctions. S’il est battu, il ne se retrouve pas du jour au lendemain sans emploi et sans perspective. Un système spécifique doit par exemple lui permettre de cotiser pour sa retraite ou son allocation chômage pendant la durée de son mandat, avec un bonus lui permettant de prendre sa retraite plus tôt (les années de cotisation pendant son mandat comptent double par exemple) ou d’avoir une indemnisation plus longue ou plus élevée en cas de chômage. Encore une fois, l’objectif est de permettre de se concentrer sur la mise en œuvre de politiques et la résolution de problèmes, avec comme horizon le bien-être de nos concitoyens, et non pas sa propre réélection.

Diversité

Une des conséquences des effets pervers du système actuel de représentation est le manque de diversité : sociale, ethnique, professionnelle. Pour caricaturer, l’Assemblée nationale est un repaire masculin de fonctionnaires (à gauche) et de professions libérales (à droite). Le pays a donc l’impression que ses élus lui ressemblent de moins en moins, ces derniers, quant à eux, pensant de plus en plus la même chose, phénomène accentué par la longue fréquentation que les uns ont des autres (voir plus haut). Accroître la diversité est donc fondamental pour restaurer des liens entre les hommes politiques et les électeurs, et revivifier la pensée politique.

On peut supposer que les mesures évoquées plus haut auraient un effet mécanique, en attirant de nouveaux profils vers les fonctions politiques ; en revanche, il est un chantier sur lequel les résultats sont très décevants, et pour lequel il n’est pas intelligent d’attendre. Je parle de la parité hommes/femmes.

Si la loi du 6 juin 2000 a permis d’avancer, car les partis politiques doivent respecter la loi en terme d’investiture paritaire, mais également, comme il est inscrit dans l’article 4 de la Constitution, " contribuer à sa mise en œuvre ». les résultats sont néanmoins très mitigés. Par exemple, aux élections législatives de 2002, seuls 38,8 % des candidats étaient des candidates, et seulement 12,3 % des députés sont des femmes. Au Sénat, c’est bien pire...

Il faudrait donc viser une parité des élus, et non pas des candidatures, avec des systèmes d’incitation très forts pour les parties, sur un modèle tel que celui-ci :

- moins de 10% d’élues féminines (et non pas de candidates)  : suppression des dotations légales pour les partis concernés

- entre 10 et 20% d’élues  : 25% de la dotation légale

- entre 20 et 25% d’élues  : 50% de la dotation légale

- entre 25% et 30% d’élues  : 75% de la dotation légale

- entre 30% et 40% d’élues  : 90% de la dotation légale

- plus de 40% d’élues  : 100% de la dotation légale.

La double phénomène de féminisation et de renouvellement des profils serait une excellente nouvelle pour dynamiser les usages, les idées et l’action de nos élus.

Au total, l’ensemble de ces mesures coûterait (notamment pour le volet « qualité ») quelques dizaines de millions d’euros à la collectivité chaque année, mais pour un résultat qui nous semble fondamental : améliorer la qualité, la diversité et l’indépendance de ceux qui nous gouvernent, pour que nous puissions enfin dire « nous avons les élus que nous méritons ».

Pour résumer, les cinq mesures clés de la réforme

Sites et liens de références

Personnel Territorial-WEKA
Assemblée Nationale
Sénat
Observatoire de la parité


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