Wikipédia : Big Brother piégé

par Peachy Carnehan
lundi 20 août 2007

On savait l’encyclopédie en ligne vulnérable à toutes sortes de tricheurs et autres falsificateurs de données. En revanche, on ignorait qui étaient ces « vandales », le terme consacré sur l’encyclopédie. Grâce au système développé par Virgil GRIFFITH, un étudiant américain, il est désormais possible de remonter la trace de ces généreux « contributeurs anonymes » qui, à grand renfort de réécritures d’articles, de coupes sombres, et de manipulations de chiffres, cherchent à transformer Wikipedia en instrument de propagande au service des maîtres du monde.

La meilleure des encyclopédies dans le meilleur des mondes

Le principe fondateur de Wikipedia, garant de sa richesse de contenu, de sa pertinence et de son indépendance, est son ouverture à tous les contributeurs, sans la moindre restriction. Fidèle aux principes éclairés du « Web 2.0 », l’encyclopédie libre autorise en effet chaque internaute à modifier le contenu d’un article s’il croit pouvoir l’enrichir d’informations ou de données inédites grâce à ses connaissances. Dans l’absolu, ce système d’encyclopédie collaborative représente la panacée d’un mode de transmission du savoir fondé sur le communautarisme et l’idée que les connaissances d’un individu peuvent - et doivent - servir à l’information et à l’éducation du plus grand nombre.

Seulement voilà : dans notre beau monde néo-libéral, la vérité dérange plus qu’elle n’arrange lorsqu’elle n’a pas l’aspect lisse et parfaitement formaté d’une dépêche de CNN ou d’une info du JT de 13 h de TF1. D’où ce constat récurrent depuis plusieurs mois : Wikipedia est régulièrement « enrichie » d’informations erronées qui, à terme, pourraient bien menacer son indépendance et remettre en cause le sérieux de l’encyclopédie en ligne la plus consultée dans le monde.




Wikipedia Scanner : retrouver les tricheurs jusque dans leurs chiottes


Non, ce n’est pas Vladimir Poutine, le parrain mafieux reconverti en président de la Fédération de Russie, qui le dit, mais Virgil Griffith, l’inventeur du système, qui explique que son « Wikipedia Scanner » ne laisse désormais plus la moindre échappatoire aux tricheurs. Jusqu’à présent les auteurs de ces sinistres tentatives de détournement de l’information sur Wikipedia restaient impossibles à identifier, couverts par l’anonymat de leur adresse IP. Avec « Wikipedia Scanner », cet anonymat est en passe de disparaître. Wikipedia conserve en effet toutes les révisions des articles ainsi que les adresses IP des contributeurs, permettant ainsi d’établir un suivi des modifications dans le temps. Le coup de génie de « Wikipedia Scanner » consiste à comparer ces signatures électroniques avec celles des listes d’adresses IP des grandes entreprises et administrations américaines, qui comptent 30 millions de références ! Du coup, fini la « transparence » et l’anonymat de ces hommes (et femmes, parité oblige !) de l’ombre et de leurs petites mains laborieuses tapotant fébrilement sur leurs claviers pour tenter de falsifier l’histoire en train de s’écrire sous nos yeux grâce à Wikipedia. Les tricheurs ont du mouron à se faire : tel Batman surgissant de l’ombre pour punir les méchants de Gotham City, « Wikipedia Scanneur » sort de sa cachette !




Big Brother pris la main dans le sac !

Le résultat des associations de données auxquelles a procédé le système est édifiant, et malheureusement sans surprises ! Aux premiers rangs des falsificateurs on trouve en effet, chez nos voisins américains, quelques noms bien connus de la manipulation et de la désinformation de masse, tels le Parti républicain, la Maison qui n’a de « Blanche » que le nom, le Congrès, ou encore la CIA. Quoi ? Tout ce beau monde qui chercherait à « corriger » Wikipedia, ça vous étonne ? Nous non.


Encore plus édifiant, la société Diebold, dont les sinistres « machines à voter » avaient facilité en 2001 la prise de pouvoir illégale du candidat George Bush au détriment du président élu par le peuple, Al Gore, apparaît comme l’instigatrice d’une coupe de quinze paragraphes dans l’article la concernant, paragraphes qui, comme par hasard, concernent le manque de fiabilité avéré de ses dispositifs de vote électronique et son soutien financier à George Bush. Si ce n’est pas de la censure, alors Cuba est une démocratie et la ville de Neuilly un bastion du Parti communiste...

A côté de ces tentatives de manipulation tellement énormes qu’elles finissent par servir le but inverse de celui visé, on assiste aussi à des coups plus subtils. Ainsi, le Parti républicain de George Bush, passé maître dans l’art de la propagande guerrière, pratique-t-il l’exercice du glissement sémantique en remplaçant « occupé » par « libéré » et « résistance » par « insurrection » dans un article consacré à l’intervention militaire illégale des Etats-Unis en Irak. Plus amusant, mais tout aussi écoeurant sur le fond, la chaîne du milliardaire réactionnaire Ruppert Murdoch, « Fox TV », modifierait régulièrement les notices biographiques de ses « vedettes » élevées en batterie dans ses fermes télévisuelles pour assurer la promotion de leur daube.




En France aussi

Ce système de recherche automatique n’existe pour l’instant qu’aux Etats-Unis, mais en France aussi, le pays aux 5 millions d’alcooliques (profitons-en pour saluer nos amis chasseurs et éleveurs de moutons), il semblerait que la manipulation de Wikipedia aille bon train. Dans la foulée d’un article publié sur l’excellent site d’information Rue 89, des internautes révélaient ainsi les tentatives de « vandalisme » auxquelles se sont récemment livré quelques institutions et administrations bien connues. Le MINEFI (Ministère de l’Economie et des Finances) aurait ainsi cherché à faire disparaître une allusion à l’appartement de fonction occupé par Jean-François Cope dans la notice biographique qui lui est consacrée. Un autre ministère, celui de l’Education nationale, s’est quant à lui rendu coupable d’un « cirage de pompes » au bénéfice de son ancien « patron », Xavier Darcos, en prenant sa défense dans le cadre de ses démêlés judiciaires. Et pour que ce tableau de l’ignominie soit complet, la chaîne d’abrutissement des masses populaires, TF1, a cherché à supprimer les éléments susceptibles d’engendrer une polémique dans un article de Wikipedia consacré à sa filiale « JET », spécialisée dans les « divertissements télévisés » (comprendre « jeux à la con pour débiles »). Le récent débat télévisé Sarkozy-Royal (souvenez-vous, c’était à l’époque où l’ex-candidate de la gauche se voyait un avenir en dehors de la région Poitou-Charentes) a également donné lieu à une belle partie de poker menteur sur Wikipedia entre les partisans des deux candidats, qui pendant toute la nuit qui a suivi ont cherché à modifier les chiffres sur le nucléaire en France pour qu’ils correspondent aux déclarations de leur champion. Comme quoi la droite n’a pas le monopole des cons en terme d’électorat.




L’exclu : les prochaines tentatives de falsification


- Dans l’article consacré au Saint Suaire de Turin, cette fausse relique fabriquée au XIIIe siècle par l’Eglise pour faire gober l’hypothèse de la résurrection du Christ aux paysans superstitieux qui constituaient l’essentiel de son fond de commerce, le Vatican va supprimer tous les passages qui remettent en cause l’authenticité du suaire et annoncer que de nouvelles analyses indiquent que le tissu remonte bien à l’an zéro de notre ère et que des traces d’ADN du Christ auraient été isolées, permettant ainsi d’envisager un clonage dans un avenir proche.


- Dans la notice biographique qui lui est consacrée, le chanteur Carlos va remplacer l’expression « chanteur et fantaisiste » par « chanteur engagé » et « connotation grivoise ludique » par « connotation philosophique profonde engageant à une réflexion sur soi et à une remise en question des valeurs constitutives de l’individu en tant que membre de la société de consommation ». Sa discographie sera également remplacée par celle de Jacques Brel.


- A l’initiative de l’Elysée, la notice biographique de l’ex-président de la République, Jacques Chirac, se conclura de la sorte : « Reconnu coupable dans toutes les affaires le concernant, ruiné, brisé, il mit fin à ses jours dès son premier jour de prison en s’injectant dans les veines le contenu d’une canette de bière Corona »



- Toujours à l’initiative de l’Elysée et de son locataire actuel, la notice biographique de Charles Pasqua sera amputée des volets concernant les « affaires » dans lesquelles serait impliqué l’ex-représentant chez Ricard devenu sénateur. A la place, M. Pasqua sera qualifié « d’homme politique intègre ayant sacrifié sa santé et sa fortune personnelle pour que resplendisse l’image de la France. »



- Le Conseil général de Poitou-Charentes va modifier la page consacrée à Ségolène Royal et supprimer toute référence à sa période de vie commune avec François Hollande, le flamby radioactif du Parti socialiste français.


- De même, les Verts vont supprimer de leur page Wikipedia la plupart des références à leurs grands leaders charismatiques : Brice Lalonde, Antoine Waechter et Dominique Voynet.


- Pour finir, le PSG va anticiper sur son avenir en remplaçant la mention « club historique de Ligue 1 » par « équipe moyenne évoluant dans le Championnat de France de 2e division ».



Dans un monde libre (ou qui se revendique comme tel), une encyclopédie libre se doit de le rester à tout prix, d’où l’importance du travail des modérateurs de Wikipedia, à qui échoit la lourde tâche de se poser en tant que « garde-fous » du système. L’indépendance et le sérieux de l’encyclopédie seront au prix de cette surveillance rendue nécessaire par les agissements des « vandales », même si l’on ne peut que déplorer le fait que la belle utopie de l’encyclopédie collaborative soit ainsi pollué par les velléités partisanes d’imbéciles inféodés aux maîtres du monde. Plus que jamais, amis lecteurs, la vigilance est de rigueur. Keep watching Big Brother !

Deonoroth et Peachy Carnehan
Nordenstar.com



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