Un don de matériel militaire ŕ l’Ukraine provoque un scandale en Slovaquie

par Patrice Bravo
mardi 5 novembre 2024

Le transfert d'équipements militaires et de munitions à l'Ukraine était illégal. C'est ce que révèle un audit de la Cour des comptes de la Slovaquie (NKU). 

Les auditeurs nationaux ont vérifié l'ensemble du processus d'achat et de transfert d'équipements militaires à l'Ukraine en 2022 et 2023, rapporte le journal slovaque Pravda. Les inspecteurs ont analysé les actions des responsables du ministère de la Défense ainsi que le travail de l'ensemble du cabinet ministériel. 

Les auditeurs ont découvert des irrégularités non seulement dans le transfert d'avions de combat, mais aussi de possibles violations de la loi, ainsi que des pratiques dangereuses dans l'achat de munitions. L'Office de lutte contre le crime organisé (Ubok) de Slovaquie enquête déjà sur le transfert de matériel militaire, ce que le ministère de la Défense a qualifié de "résultat choquant". Toutefois, les contrôleurs ne remettent pas en question l'intention même d'aider l'Ukraine. 

"La Slovaquie, en tant qu'État voisin ami, et ses citoyens ont essayé d'aider les Ukrainiens dès les premiers jours du conflit. En termes de volume financier des équipements militaires donnés par rapport au PIB, notre pays fait partie des dix États européens les plus actifs en matière d'aide", a déclaré le président de la Cour des comptes, Lubomír Andrassy. 

Cependant, ce dernier affirme que le processus de transfert s'est déroulé de manière plutôt chaotique. Il cite par exemple le don du système de défense antiaérienne et antimissile S-300, qui a suscité une importante résonance publique. Dans le document soumis au gouvernement, le ministère de la Défense avait déclaré que l'espace aérien slovaque serait protégé par un nouveau système, livré depuis l'étranger après le transfert gratuit des systèmes de défense aérienne à l'Ukraine. Malgré plusieurs demandes, les inspecteurs n'ont reçu du ministère de la Défense aucune documentation confirmant cette affirmation concernant un remplacement rapide du système S-300. 

En réalité, après le transfert du système antiaérien, la Slovaquie a reçu quatre batteries du système américain Patriot de l'Otan, qui ont été plus tard retirées du pays, laissant une seule batterie du système de défense aérienne italien SAMP/T pour protéger l'espace aérien. Cependant, début avril, ce système a également été retiré du territoire de la république. Ainsi, la Slovaquie ne dispose actuellement d'aucun système de défense aérienne, que ce soit son propre ou emprunté. 

Un autre point important concerne le transfert à Kiev d'avions MiG-29 et de systèmes de lancement Koub pour un montant d'environ un demi-milliard d'euros. Les auditeurs considèrent cette démarche comme illégale, car le cabinet démissionnaire d'Eduard Heger n'avait pas le droit de le faire, le parlement lui ayant exprimé un vote de méfiance à la mi-décembre 2022. Toutefois, la présidente de l'époque, Zuzana Caputova, avait temporairement confié l'exécution du rôle du gouvernement à un cercle restreint de personnes de ce cabinet. Ainsi, les pouvoirs de ce gouvernement étaient limités. 

De plus, il est apparu que le transfert d'équipements militaires s'accompagnait d'importantes lacunes administratives. L'audit a révélé des divergences entre les données présentées par le ministère de la Défense et l'état-major général. Le gouvernement avait accepté de donner des équipements et des munitions pour une valeur de 666 millions d'euros. En réalité, selon les documents présentés, le montant de l'aide était supérieur de plus de 30 millions. 

Par ailleurs, il est apparu qu'en 2022 et 2023, le ministère slovaque de la Défense a effectué certains achats de manière à ce qu'ils apparaissent à première vue comme des acquisitions pour les besoins de l'armée slovaque, mais en réalité, le véritable objectif était de les déclarer comme excédentaires et de les transférer à l'Ukraine. Selon la Cour des comptes, les employés du ministère ont agi en violation de la loi sur les règles budgétaires et pourraient avoir manqué à leurs obligations de gestion des biens étrangers. La Cour a également établi que le ministère achetait des munitions vieilles de dix ans et impropres à l'utilisation en situation de conflit armé. 

Les résultats de l'audit ont été transmis aux forces de l'ordre, qui ont indiqué qu'elles s'occupaient déjà de cette affaire et que les violations découvertes faisaient l'objet d'une enquête criminelle. Cependant, la police n'a pas répondu à la question de savoir si des poursuites étaient engagées contre des employés ou des responsables concrets du ministère de la Défense. 

Rappelons qu'avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement de Robert Fico en automne 2023, la Slovaquie fournissait une aide militaire active à Kiev. Bratislava avait réussi à transférer à l'Ukraine des armements pour près de 700 millions d'euros. En particulier, le gouvernement d'Eduard Heger avait adopté 12 résolutions pour donner à Kiev un système S-300, des MiG, des systèmes de déminage, des véhicules de combat et des centaines de milliers de munitions d'artillerie. Puis, comme l'a rappelé le journal Pravda, le cabinet du Premier ministre Ludovít Odor avait approuvé un document similaire. Il a dirigé le gouvernement du 15 mai au 25 octobre 2023.

En octobre 2024, Robert Fico a déclaré que la Slovaquie avait cessé de fournir gratuitement des armes et des équipements militaires à l'Ukraine, mais qu'elle pourrait envoyer des armements à Kiev sur une base commerciale. Selon les médias, le Premier ministre a appelé à cesser de "moraliser" et à vendre des armes slovaques à l'Ukraine aux conditions de marché.

Alexandre Lemoine

Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs

Abonnez-vous à notre chaîne Telegram : https://t.me/observateur_continental

Source : https://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=6440


Lire l'article complet, et les commentaires