Béhanzin : héros et tyran, le double visage du roi du Dahomey

par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
vendredi 13 décembre 2024

Béhanzin, roi du Dahomey à la fin du XIXe siècle, est une figure emblématique de l'histoire africaine, souvent célébrée pour sa résistance face à la colonisation européenne. Cependant, son règne est également marqué par des pratiques controversées, notamment l'esclavage et des sacrifices humains.

 

Le roi guerrier et résistant

Béhanzin, né en 1844, accède au trône du Dahomey en 1889 après la mort de son père le roi Glélé. Son règne est rapidement marqué par une volonté farouche de défendre son royaume contre les puissances coloniales, notamment la France. À cette époque, le Dahomey est un État prospère, connu pour son organisation militaire et ses richesses, notamment l'ivoire et le palmier à huile. Béhanzin s'illustre par sa stratégie militaire audacieuse, mobilisant ses troupes pour repousser les incursions françaises, qui cherchent à étendre leur empire en Afrique de l'Ouest.

 

 

La résistance de Béhanzin est souvent perçue comme un acte de bravoure et de fierté nationale. Il incarne l'esprit de lutte contre l'oppression coloniale, galvanisant ses sujets autour d'une cause commune. Ses campagnes militaires, bien que souvent infructueuses face à la supériorité technologique des forces françaises, sont célébrées comme des actes de défi et de courage. 


Un monarque tyrannique

Cependant, derrière cette image de roi guerrier se cache une réalité plus sombre. Béhanzin est également connu pour sa brutalité et son autoritarisme. Son règne, comme ceux de tous ses prédécesseurs, est marqué par des pratiques d'esclavage institutionnalisées, où des milliers de personnes sont capturées et réduites en esclavage pour alimenter le commerce transatlantique. Une partie de la richesse du royaume provenait de l'exploitation, dans des fermes royales, d'esclaves issus du peuple Nago, un groupe ethnique soumis par les Fons. Le Dahomey, sous son règne, devient un acteur clé de ce commerce, ce qui soulève des questions éthiques sur la lutte pour la souveraineté nationale au prix de l'exploitation humaine.

De plus, Béhanzin est réputé pour ses rituels de sacrifices humains, qui font partie intégrante de la culture et des croyances du Dahomey à l'époque, imprégné par le vaudou. Ces sacrifices, souvent réalisés lors de cérémonies religieuses ou militaires, impliquent la mise à mort de centaines de personnes, considérées comme des offrandes aux divinités. En 1878, lors d'une visite officielle française à Abomey, capitale du Dahomey, le régent Béhanzin organisa un sacrifice humain impliquant 200 personnes. Cette pratique macabre fut renouvelée par Béhanzin lorsqu'il accéda au trône à la mort de son père et à d’autres nombreuses reprises.

La chute et la mort en exil

Après plusieurs années de conflits armés, le royaume du Dahomey fut finalement conquis en 1894. Défait et capturé, Béhanzin fut exilé successivement en Martinique puis en Algérie. C'est son frère, Agoli-Agbo, qui lui succéda sur le trône du Dahomey. Installé par les autorités coloniales françaises, son règne fut marqué par une profonde transformation du royaume.

 

 

Sous la tutelle française, Agoli-Agbo dut accepter de nombreuses réformes et de voir son pouvoir considérablement réduit. Il devint ainsi une figure de transition, incarnant à la fois la continuité et la rupture avec le passé glorieux du Dahomey. Son règne, qui s'acheva en 1900, fut marqué par une tentative de conciliation entre les traditions du royaume et les exigences de la colonisation.

 

 

Béhanzin mourut d'une pneumonie à Alger en 1906. Les conditions de vie en exil, caractérisées par un climat rigoureux et des soins médicaux limités, eurent un impact considérable sur sa santé déjà fragilisée par les épreuves subies. Son décès, survenu dans une résidence surveillée par des militaires français, marqua la fin d'une vie consacrée à la défense de son royaume.

L'héritage ambigu de Béhanzin

L'héritage de Béhanzin est complexe et ambivalent. D'un côté, il est célébré comme un héros national au Bénin, un symbole de résistance contre l'oppression coloniale. De nombreux Africains voient en lui un modèle de courage et de détermination, un roi qui a osé défier les puissances coloniales à une époque où la plupart des royaumes africains étaient en train de tomber sous leur joug. Ses actions ont inspiré des générations de nationalistes africains, qui ont vu en lui un précurseur de la lutte pour l'indépendance.

 

 

D'un autre côté, la mémoire de Béhanzin est ternie par ses pratiques tyranniques et son implication dans l'esclavage. Les critiques de son règne soulignent que la lutte pour la souveraineté du Dahomey a été entachée par de très nombreuses violations des droits humains. Cette dualité soulève des questions sur la manière dont l'histoire est interprétée et célébrée. Peut-on véritablement honorer un roi qui, tout en défendant son royaume, a également perpétré des actes de cruauté et d'exploitation humaine infâme ?


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