Le modèle social français attaqué comme jamais, entre libéralisation forcenée et électoralisme opportuniste !

par CHALOT
jeudi 7 mars 2024

Le chômage ce n’est plus le problème selon Gabriel Attal, ce sont les chômeurs, autrement dit, l’économie a besoin de plus de libéralisme pour mettre au travail tous ces « faignants ». C’est le retour de cette petite phrase obscène du président à propos de comment trouver du travail, prononcée le 15 septembre 2018 : « je traverse la rue, je vous en trouve ». On va tripler le contrôle des chômeurs, la belle entreprise que voilà ! C'est l’annonce d’une nouvelle chasse aux pauvres, aux victimes de la concurrence exacerbée.

Les Echos, titrant « Emploi : Gabriel Attal annonce des « décisions difficiles » rapporte qu’en déplacement dans les Vosges « où il a annoncé une extension de la réforme du RSA, le Premier ministre a taclé « l'hypocrisie » du modèle social français, responsable (selon lui) du chômage de masse, et adressé un message aux électeurs de Marine Le Pen. Un séminaire gouvernemental sur le travail est annoncé pour la mi-mars. » On sait déjà que cela passera par une nouvelle réforme de l'assurance-chômage, « sans idée reçue ni tabou ». Ceci, avec triplement du contrôle de recherches dites effectives d'emploi par les chômeurs pour les porter à 1,5 million en 2027. Ainsi que, par une généralisation de la réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA en 2025, dans laquelle on entend faire basculer les chômeurs en fin de droit avec la suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Une aide de plus qui saute, plus avantageuse que le RSA. « L'expérimentation RSA » qui conduit dans 25% des départements les RSA à travailler gratuitement durant 15 heures dans une association, une entreprise ou un service public, va être étendue à la moitié des départements. C'est une remise en cause du SMIC et une concurrence à l'emploi. Quant aux associations qui pourraient bénéficier d'une « main d'œuvre » - appelons les choses par leur nom- elles ne peuvent que refuser le remplacement de bénévoles par des sortes de TIG. Aucune évaluation n'a été réalisée sur les fameux « effets bénéfiques » de ce qui auraient permis par ce biais un retour à l'emploi. On met la pression sur ceux qui sont déjà dans l’exclusion.

Parallèlement, qu’en est-il des garanties données par les entreprises qui, en 2021, ont reçu 206 milliards d'euros de la part de l'Etat, pour ce qu’il en est création d'emplois ? 3 milliards d'euros vont servir à armer l’Ukraine dans cette guerre indirecte faite à la Russie alors que ce gouvernement va faire 10 milliards d'économie en réalisant des coupes dans les budgets sociaux, scolaires et de la santé, comme cela a été annoncé.

Sous prétexte de « tourner notre modèle social davantage vers le travail » qui doit toujours mieux payer que l'inactivité, selon lui, le Premier ministre martèle ce message virulent : « Trop longtemps notre pays s'est habitué à la fatalité, à la résignation face au chômage de masse, à la désindustrialisation, à la smicardisation », a-t-il déclaré dans les locaux de l'usine de machines Numalliance à Saint-Michel-sur-Meurthe, taclant au passage ceux (le RN) qui en font une « arme électorale sans proposer grand-chose ». Pour égrener ensuite les résultats de l'action engagée depuis 2017 : taux de chômage au plus bas depuis 40 ans, barre du million de jeunes en apprentissage franchie… » Effectivement, on a fait basculer artificiellement des centaines de milliers de jeunes dans ce dispositif de l’alternance, qui étaient déjà en études sous différents dispositifs, tels les futurs travailleurs sociaux, mais en tirant vers le bas leur formation, car moins de cours théoriques en étant à moitié chez le patron, avec la carotte d’un sous-salaire tout en remplaçant ainsi des salariés qualifiés. Top pour les patrons, puisque cela leur évite d’embaucher, contrairement au mensonge colporté. Ça coche toutes les cases !

 

On voit bien la manœuvre, après avoir flatté une gauche très multiculturelle qui fait le procès en racisme permanent de la France avec la panthéonisation de Manouchian, le communiste internationaliste et anticapitaliste récupéré de façon éhontée, l’inscription dans la Constitution de l’IVG pour donner l’illusion d’une grande avancée flattant un féminisme qui se contente de peu, alors que cela ne changera rien au manque de moyens pour lui donner réalité avec la fermetures de 80.0000 lits d’hôpitaux en 20 ans et la disparition d’unités médicales par centaines, voilà que le Premier ministre chasse sur les terres de la droite en reprenant ses thèmes libéraux favoris, tout en agitant l’épouvantail de l’extrême droite pour rabattre les voix d’un électorat macronien démobilisé.

 

Attal nous dit encore, que « cette « France qui travaille (…) ces Français de la classe moyenne, de l'entre-deux, qui gagnent un peu trop pour toucher des aides mais pas assez pour être à l'aise en fin de mois » ne comprennent pas qu'on puisse avoir un taux de chômage à plus de 7 % ». Mais bien sûr ! ce serait eux les coupables, ceux qu’on dit vouloir entendre pour prendre ces mesures qui ne sont faites que pour satisfaire patronat et actionnaires. Le « système », selon lui, a fonctionné, durant des décennies, sur une « hypocrisie », qui consistait à « acheter la paix sociale à coups d’aides sociales », ce qui aurait entretenu « le chômage de masse », l’enfermement dans « l’inactivité » et le « ressentiment ». On monte les uns contre les autres pour justifier cette politique. Honteux ! C’est le gouvernement de l’opportunisme, de l’irresponsabilité, et s’il y a hypocrisie, il en a le pompon ! En réalité, la plupart des emplois proposés ne correspondent pas aux qualifications et aux carrières de bien des chômeurs, auxquels on demande de se couler dans le moule en acceptant des emplois qui les déclassent, perdant au passage une bonne partie de leur salaire. C’est la paupérisation des travailleurs dont il s’agit, les chômeurs devant se sacrifier sur l’autel de cette nouvelle « mobilité », ou c’est l’injonction de « l’adaptabilité » au marché qui fait la loi, avec pour seule alternative survivre ou crever pour les uns, et plein les poches pour les autres. Elle est belle leur France Travail  !

On n’a jamais vu une pareille attaque frontale contre le « modèle social français », dont le code du travail est partie intégrante. La grande différence avec les autres modèles protecteurs qui se sont tous libéraliser en Europe sous l’influence de l’UE, c’est qu’en France, il s’agit d’acquis sociaux dont la conquête s’est faite par des révolutions, des mouvements sociaux majeurs, qui en font une véritable propriété collective. Ces acquis ont été constitutionnalisés dans l’esprit de donner à chacun les moyens d’exercer sa citoyenneté : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi (…) La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » (Préambule de la Constitution de la IV e République repris par la Ve.) C’est sacré ! C’est la démocratie qu’on sape aussi ici.

Les gouvernements précédents ont suivi les directives de l'Union Européenne, en privatisant des entreprises publiques, en bradant des services publics, en instaurant une concurrence acharnée, dont, entre les peuples, mais on entend aller plus loin. On veut liquider nos plus essentiels acquis sociaux en s'en prenant aux principes mêmes qui ont été mis en place dans le cadre du programme du Conseil national de la Résistance qui a posé le socle de notre progrès social. C’est une marche-arrière toute de l’histoire, une descente annoncée aux enfers d’une large partie de notre société, celle du monde du travail ordinaire, fragmentant un peu plus la France en cassant cette cohésion sociale qui nous protège tous du risque d’embrasement. C’est encourager tous les replis identitaires. C’est aussi jeter par cette politique toujours plus de nos concitoyens dans les bras de l’extrême droite !

Il faut stopper cette volonté des technocrates de détruire les fondements sociaux de l’Etat qui n’est en rien leur bien mais le nôtre. Mais où donc est passée ici la gauche, alors que la lutte des classes n’a jamais fait aussi clairement son retour ? La France n’est pas une entreprise à mettre en bourse, c’est une nation, un peuple ! Il n’a pas dit son dernier mot.

Guylain Chevrier et Jean-François Chalot


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