Agitateurs de remugles
par C’est Nabum
mardi 4 mars 2025
Les communicants de la fange.
L'époque aime à se goberger dans les histoires les plus sordides, graveleuses ou bien encore détestables avec un plaisir non dissimulé. Tout est bon pour remuer la vase, soulever le tapis pour mettre en suspension les poussières qui jusqu'alors restaient soigneusement cachées. Si tout cela se faisait dans le souci d'une épuration éthique, nous en tirerions profit pour le plus grand triomphe de la morale.
Hélas, mille fois hélas, rien ne sort au grand jour par hasard. Il y a le plus souvent une convergence d'intérêts, des opportunités qui serviront ceux qui hurlent plus fort que les loups, des affaires à faire sur le dos des victimes comme de leurs tourmenteurs. Mettre au grand jour un scandale doit obligatoirement rapporter gros à certains tout en ruinant la carrière et la vie d'autres sans que leur responsabilité soit établie.
Le mieux en la matière (souvent fécale) consiste à être lanceur d’alerte sans pour autant être mêlé de près ou de loin avec ceux qui ont pâti de la chose. Cette posture permet d'étaler sans vergogne pour faire le buzz, se mettre en évidence et créer une vague d'indignation qui fait peu de cas de la présomption d’innocence tout comme de la complexité des faits.
S'en suit alors une curée qui est particulièrement vendeuse en termes de spots publicitaires, d'heures d'antenne ou de produits dérivés. Les agitateurs de remugles ont compris que l'argent n'a pas d'odeur et qu'ils ne risquent jamais d'être corrompus par la merde qu'ils remuent avec délectation. Ils sont en cet art, des spécialistes dignes des plus grands scatophages.
Le plus grand plaisir est de ruiner la réputation, la carrière ou l'honneur de quelques comparses à la lisière de l'information tandis que les vrais coupables échappent le plus souvent à la vindicte populaire. Il convient certes de salir mais surtout d'éviter les éclaboussures en s'en prenant à ceux qui tirent les ficelles ou jouissent d'une position privilégiée.
Rares sont les cas où un notable ou une notoriété de premier plan est broyé par le rouleau compresseur de la délation par voie de presse, numérique ou audiovisuelle. Ceux-là échappent à l’hallali, se contentant d'un démenti ou d'une plainte en diffamation. La meilleure défense est l'attaque, surtout pour qui a le nez morveux et la culotte sale.
Les agitateurs de remugles prennent toujours la précaution de ne frapper à la tête, de ne pas remonter aux sources réelles du scandale ou bien alors ils se font un devoir d'attendre la mort du coupable pour salir son souvenir quelques années plus tard. Ils se donnent ainsi bonne conscience alors qu'ils savaient depuis toujours.
À salir sans risque, on triomphe sans gloire tout en pouvant publier un joli pamphlet qui fera un joli succès d'édition, assurera des heures d'antenne et donnera une belle lisibilité à son auteur. En attendant de dénicher une nouvelle affaire tout en se gardant bien de dénoncer le système qui permet ainsi, au fil du temps, de maintenir pareilles exactions, pareils manquements aux bonnes mœurs et à la morale.
Ne pas dénoncer les fondements du système simplement pour faire du fric sur les quelques travers que l'on veut bien offrir en pâture au public est le plus sûr moyen de passer pour un chevalier blanc dans un système hypocrite ou chacun sait qu'il n'est pas possible d'atteindre les sommets sans quelques cadavres dans le placard et nombre d'entorses à l'éthique, la déontologie et la morale.
Finalement les agitateurs de remugles brassent du vent pour préserver le système qui leur a permis de trouver un créneau porteur sans remettre en question les fondements de cette mécanique diabolique.