Suis-je antisémite ?
par Fergus
lundi 2 décembre 2024
Le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, de son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et du responsable terroriste du Hamas Mohamed Deïf ne cesse de provoquer des réactions. Parmi elles, celle du premier nommé qui ose établir un choquant parallèle avec l’Affaire Dreyfus et accuser d’antisémitisme tous ceux qui approuvent la décision de la CPI à son encontre…
« Je me sens juif quand on persécute les Juifs. Je me sens palestinien quand on persécute les Palestiniens. » (Imre Kertész / Fergus)
Je m’intéresse depuis des décennies à la culture juive. À de nombreuses reprises, cela m’a amené à participer à des discussions enrichissantes avec mes amis ashkénazes et séfarades sur la judaïté, la géopolitique du Proche-Orient, la conduite de la politique des gouvernements successifs d’Israël et, sujet épineux mais incontournable, les rapports de l’état hébreu aux Palestiniens de la bande de Gaza et de Cisjordanie.
J’apprécie tout particulièrement la musique klezmer et le chant yiddish. Au point d’être allé à différentes reprises à des spectacles donnés par des groupes dédiés à ces genres spécifiques. Notamment à des concerts de la très talentueuse Talila, de Ben Zimet ou de Bratsch. Sans oublier les enregistrements que je possède de Chava Alberstein ou d’anciens grands noms d’avant-guerre, tels Naftule Brandwein ou Abe Schwartz Orchestra.
J’ai été horrifié par les abominables assassinats, viols et actes de barbarie commis lors de l’attaque du 7 octobre 2023 par les groupes armés criminels du Hamas et du Jihad islamique, très majoritairement sur les jeunes festivaliers de Reïm et de paisibles kibboutzim, y compris des vieillards, des femmes et des enfants. Et j’ai bien sûr été très choqué par les prises en otage concomitantes de dizaines d’innocents.
J’ai condamné sans la moindre ambiguïté l’attitude aussi scandaleuse qu’irresponsable des élus mélenchonistes de La France insoumise qui, au lendemain de ces massacres et de ces enlèvements, ont refusé par clientélisme d’employer le mot « terroriste » pour qualifier la nature des actes odieux commis ce jour-là à l’initiative de Yahia Sinouar et de ses alliés intégristes, principalement motivés par leur haine d’Israël et des Juifs.
J’ai reconnu, là encore sans la moindre ambiguïté, le droit intangible de l’état hébreu à défendre son existence et son peuple, soumis le 7 octobre, sur le sol israélien, à une agression terroriste barbare, soldée par 1139 morts et 150 personnes enlevées. Le droit, par conséquent, de traquer, dans le respect des conventions internationales, les auteurs de ce carnage que rien ne peut justifier, de quelque manière que ce soit.
MAIS :
Je suis encore plus horrifié par l’effarante disproportion de la riposte mise en œuvre par Benyamin Netanyahu. Horrifié par l’atrocité des massacres commis dans la bande de Gaza par l’armée israélienne. Bilan à ce jour : près de 44 000 morts dans la population palestinienne, dont 15 000 enfants tués et des milliers d’autres handicapés à vie, souvent très lourdement ! Sans oublier les 19 000 devenus orphelins, souvent à la suite de bombardements aveugles.
Je suis également très choqué, comme la plupart de mes amis juifs, par l’ignoble poursuite de la politique d’annexion rampante de la Cisjordanie, basée sur la spoliation des Palestiniens et sur les meurtres par les colons juifs israéliens des malheureux qui tentent de s’opposer à ces abjectes exactions. Des meurtres commis le plus souvent en toute impunité, parfois avec la complicité des soldats de l’armée israélienne.
Je suis consterné par le poids exorbitant des extrémistes religieux Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir dans le gouvernement israélien. Partisans déclarés de l’établissement du Grand Israël par la colonisation des territoires palestiniens, ces responsables politiques ne cachent pas leur haine viscérale des Palestiniens et servent les mêmes objectifs que Benyamin Netanyahu en jetant régulièrement de l’huile sur le feu.
Je suis écœuré par le cynisme récurrent des responsables politiques israéliens qui réclament à cor et à cris l’application des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations-Unies lorsqu’elles ciblent les voisins d’Israël, mais ignorent délibérément les résolutions qui visent l’état hébreu, notamment sur le conflit dans la bande de Gaza, la colonisation de la Cisjordanie et les rapports à l’état libanais.
Je reconnais sans réserve le doit aux Palestiniens à disposer, non d’un simple état observateur, mais d’un état reconnu de plein droit aux Nations unies. Un état qui, sous contrôle international, devrait recouvrer la totalité des territoires illégalement occupés puis colonisés depuis 1967 par Israël. Un état qui, de ce fait, devrait être pleinement respecté par le gouvernement hébreu sous peine de sévères sanctions internationales.
EN RESUME :
Je me sens proche de la culture juive et je prends plaisir à échanger avec tous ceux qui en sont imprégnés. Et il va de soi que je condamne fermement toutes les paroles, tous les actes visant les Juifs, où qu’ils vivent, au seul motif de leur appartenance à cette communauté.
Ce qui ne m’empêche pas de dénoncer très durement l’insidieuse épuration ethnique en cours en Cisjordanie – au prix d’intimidations, de spoliations et de meurtres – ainsi que les effroyables massacres à caractère génocidaire* mis en œuvre dans la bande de Gaza.
En sont clairement responsables Benyamin Netanyahu et le quarteron de criminels sur lesquels il s’appuie pour se maintenir au pouvoir et poursuivre, en violation délibérée du droit international, son projet criminel d’émergence d’un nouvel Eretz Israël.
SUIS-JE ANTISEMISTE ?
* Pour mémoire, l’article II de la Convention des Nations unies définit le génocide comme étant « un crime commis dans l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
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