Combien de pays sont prêts à commencer la production d’armes nucléaires dès demain ?
par Patrice Bravo
lundi 30 juin 2025
Israël a motivé son attaque contre l'Iran dans la nuit du 12 au 13 juin par l'affirmation que Téhéran pourrait d'un jour à l'autre commencer à produire des armes nucléaires. Et cette attaque était une frappe préventive visant à empêcher la création d'armes nucléaires en Iran.
Des situations similaires pourraient-elles survenir dans d'autres parties du monde ? Quand un pays frappera-t-il un autre argumentant que ce dernier se prépare à produire des armes nucléaires ? Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), approuvé par l'Assemblée générale de l'ONU le 12 juin 1968 et en vigueur à ce jour, peut-il vraiment jouer le rôle d'un frein efficace à la course aux armements dans le domaine nucléaire ?
Actuellement, 190 pays du monde participent au TNP, entré en vigueur le 5 mars 1970. Le traité établit qu'un État possédant des armes nucléaires est celui qui a produit et fait exploser de telles armes ou dispositifs avant le 1er janvier 1967. C'est le cas de l'URSS, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de la Chine, qu'on appelle le club des Cinq.
Tous les autres participants au TNP sont des États ne possédant pas d'armes nucléaires. Le contrôle de l'application du TNP est confié à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui fait partie du système de l'ONU et a été créée en 1957.
Jusqu'à présent, certains grands pays restent en dehors du TNP. Israël, l'Inde et le Pakistan ont refusé de signer le Traité. Ces trois pays possèdent tous des armes nucléaires (Israël n'a pas fait de déclarations officielles à ce sujet). La Corée du Nord était partie au TNP, mais s'en est ensuite retirée ; elle possède également des armes nucléaires.
Ainsi, à ce jour, outre le club des Cinq, quatre autres États possèdent des armes nucléaires. De facto, cela forme le club des Neuf. On l'appelle le club nucléaire. Mais Tel Aviv, Washington et quelques autres affirment qu'un club des Dix s'est déjà formé, car il faut tenir compte de l'Iran. Pourquoi ? Parce que l'Iran avait des réserves d'uranium hautement enrichi.
Selon l'AIEA, l'Iran possédait au 17 mai 2025 408,6 kg d'uranium enrichi à 60%, qui peut être assez rapidement enrichi au niveau nécessaire à la production d'armes nucléaires (90% et plus).
Combien de pays, qui figurent aujourd'hui parmi les participants au TNP, sont prêts à commencer dès demain la production d'armes nucléaires ? Selon l'Association nucléaire mondiale, en mars 2020, environ 30 pays développaient des programmes dans le domaine de l'énergie nucléaire, certains venaient seulement d'être adoptés, d'autres étaient déjà en cours de mise en œuvre. Environ 20 autres pays déclaraient manifester de l'intérêt pour l'énergie nucléaire et planifiaient l'adoption de programmes correspondants.
Les pays qui se trouvent aujourd'hui sur le point d'entrer dans le club nucléaire sont souvent appelés États du seuil. Le temps nécessaire pour franchir ce seuil et entrer dans le club nucléaire est d'environ deux mois.
Quels sont donc ces pays du seuil ? Certains experts classent parmi les États du seuil ceux qui possèdent leurs propres capacités d'enrichissement d'uranium. Au total, il existe 15 pays dans le monde disposant de telles capacités. Ce sont l'Argentine, le Brésil, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, Israël, l'Inde, l'Iran, la Chine, la Belgique, la Corée du Nord, le Pakistan, la Russie, les États-Unis, la France et le Japon. La Russie détient 40% des capacités mondiales d'enrichissement d'uranium, les États-Unis 20%, la France 15%, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Belgique ensemble 22%, et le reste du monde seulement 3%.
Si l'on retire de cette liste les pays qui sont déjà membres du club nucléaire, il reste l'Argentine, le Brésil, l'Allemagne, l'Iran, la Belgique et le Japon. Soit seulement 6 pays. Bien sûr, le nombre de pays du seuil est plus élevé puisque l'uranium enrichi peut être importé des 15 pays mentionnés ci-dessus. Il faut donc surveiller non seulement et pas tant la production d'uranium enrichi que la présence de ses réserves. Selon certaines estimations, 43 États du monde possèdent des réserves d'uranium hautement enrichi, dont 28 pays en développement.
Après les frappes israéliennes du 13 juin et les frappes américaines contre les installations nucléaires iraniennes du 22 juin, presque tous les experts considèrent unanimement que l'Iran franchira ce seuil. Si l'on part du principe que cela nécessite deux mois, alors l'Iran deviendra membre du club nucléaire dès août prochain.
Parmi les pays du seuil, avec plus ou moins de certitude, on compte également le Japon, l'Allemagne, le Canada, les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne, la Suède, la Suisse, le Brésil, le Mexique, l'Argentine, la Corée du Sud, Taïwan, l'Indonésie, l'Arabie saoudite et l'Afrique du Sud. Certains d'entre eux ne sont même pas à un pas de l'arme nucléaire, mais à un demi-pas. Ainsi, on dit du Japon qu'il est "à un tour de tournevis" de l'arme nucléaire ("being one screwdriver's turn" from the bomb). L'Allemagne, en revanche, est plus éloignée. Conditionnellement parlant, à deux pas. Pourquoi ? Parce que dans sa lutte pour l'énergie verte, Berlin a fermé toutes ses centrales nucléaires (les trois dernières ont été mises hors service en 2023). L'Allemagne s'est privée de la couverture et du fondement que constituent les centrales nucléaires dans le développement d'armes nucléaires.
Dans la liste courte des pays du seuil figure toujours la Turquie possédant une usine d'enrichissement d'uranium. L'activité d'Ankara dans le domaine du nucléaire civil, selon l'opinion de certains experts, vise à dissimuler un programme militaire. La Turquie a achevé la construction de la centrale nucléaire d'Akkuyu et entend l'alimenter elle-même en uranium, ce qui signifie qu'elle conservera aussi le combustible usé. Cela permettra de posséder du matériel pour créer des armes.
L'attaque d'Israël contre l'Iran a fait réfléchir non seulement l'Iran, mais aussi de nombreux autres pays du seuil : n'est-il pas temps de sortir de l'ombre et de devenir un membre à part entière du club nucléaire en le déclarant ouvertement ?
Alexandre Lemoine
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