Le soldat qui aurait épargné Hitler pendant la Première Guerre mondiale : la clémence tragique d’Henry Tandey
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
jeudi 10 juillet 2025
Dans la boue d’un champ de bataille français, en septembre 1918, un jeune soldat britannique, Henry Tandey, abaissa son fusil. Face à lui, un caporal allemand blessé titubait, désarmé, ses yeux croisant ceux de Tandey dans un éclair d’humanité partagée. Selon la légende, cet homme était Adolf Hitler. Cet instant de clémence, perdu dans le tumulte de la Grande Guerre, pourrait avoir changé le destin du monde, épargnant une vie qui déclencherait des horreurs indicibles. Un seul coup de feu aurait-il pu sauver 70 millions d’âmes ? L’histoire de Tandey, tissée de courage, de hasard et de regret, résonne comme l’un des mystères les plus poignants de la guerre
Un héros forgé dans l’adversité
À Leamington Spa, le 30 août 1891, à l’Angel Hotel, naquit Henry Tandey, dans une Angleterre victorienne en pleine effervescence. Orphelin de mère dès son plus jeune âge, il grandit dans l’ombre du deuil, ballotté dans un orphelinat où la discipline rigide forgea son caractère. Avec ses cheveux bruns en bataille et son regard vif, Henry n’était pas de ceux qui se laissaient abattre. À 18 ans, il s’engagea dans l’armée, porté par un mélange de patriotisme juvénile et de désir d’échapper à une vie sans horizon.
Le jeune Tandey trouva sa place dans le 5e bataillon des Green Howards, un régiment réputé pour sa ténacité. Les récits d’époque, tirés des archives militaires britanniques, dépeignent un soldat d’une bravoure presque téméraire. Lors de la bataille de la Somme en 1916, il traversa des champs de barbelés sous un déluge d’obus, portant secours à ses camarades blessés. Un rapport de son officier supérieur, conservé aux National Archives, note : "Tandey agit avec un mépris total du danger, ralliant ses hommes sous un feu nourri". Cette bravoure lui valut la Distinguished Conduct Medal, une distinction rare pour un simple soldat.
Mais la guerre use les âmes, même les plus résolues. Dans une lettre à sa sœur, datée de 1917, Tandey confiait : "Les tranchées puent la mort et la boue. Parfois, je me demande si je reverrai Leamington". Ces mots, griffonnés à la lueur d’une bougie, révèlent un homme partagé entre devoir et lassitude, un héros humain confronté à l’absurdité du carnage.
L’instant décisif de Marcoing
Septembre 1918. La guerre touche à sa fin, mais les combats restent féroces. À Marcoing, près de Cambrai, les Green Howards avancent sous une pluie d’automne qui transforme le sol en bourbier. Le 28 septembre, Tandey, désormais caporal, mène une charge contre une position allemande. Les archives britanniques décrivent une scène dantesque : des mitrailleuses crépitent, les obus labourent la terre, et l’odeur âcre de la cordite emplit l’air. Tandey, armé de son Lee-Enfield, élimine un nid de mitrailleuses, sauvant son unité d’une embuscade. Pour cet exploit, il recevra la Victoria Cross, la plus haute distinction militaire britannique.
C’est dans ce chaos qu’intervient l’épisode légendaire. Selon une anecdote rapportée dans les années 1930 par des vétérans britanniques, Tandey, posté près d’un abri ennemi, aperçut un soldat allemand blessé, désarmé, à quelques mètres. L’homme, hagard, leva les mains en signe de reddition. Tandey, épuisé par des heures de combat, hésita. "Je ne pouvais pas tirer sur un homme à terre, c’était contre mon honneur," aurait-il confié plus tard, selon un témoignage oral recueilli par un journal local de Coventry en 1939. Ce soldat, murmure l’histoire, était Adolf Hitler, alors caporal dans le 16e régiment d’infanterie bavarois.
Cette rencontre repose sur des coïncidences troublantes. Les archives allemandes placent Hitler à Marcoing ce jour-là, blessé légèrement à la jambe. Une lettre d’un officier bavarois, conservée à Munich, mentionne un "caporal miraculé" ayant échappé à une patrouille britannique. Mais aucun document ne lie directement Tandey à Hitler. La légende, amplifiée par la presse d’après-guerre, reste un point d’interrogation historique, un moment suspendu où le destin du monde aurait pu basculer.
Les échos d’un choix
Après la guerre, Tandey rentra à Leamington, un héros décoré mais hanté. Les rues pavées de sa ville natale ne suffisaient pas à effacer les horreurs des tranchées. Employé comme agent de sécurité, il menait une vie modeste, marié mais sans enfants, préférant la discrétion aux feux de la gloire. Pourtant, l’histoire de Marcoing le rattrapa dans les années 1930, alors que l’ombre d’Hitler grandissait sur l’Europe.
En 1938, une anecdote troublante émergea. Lors d’une visite en Allemagne, le Premier ministre britannique Neville Chamberlain reçut un message d’Hitler, rapporté dans une note diplomatique britannique : "Dites à cet homme de Leamington que je lui dois la vie". Ce message, particulièrement vague, alimenta la légende. Tandey, interrogé par des journalistes, se montra sceptique mais troublé. "Si c’était vrai, je ne dormirais plus jamais," aurait-il murmuré, selon un article du Coventry Herald de 1940. La culpabilité d’avoir peut-être épargné le futur dictateur pesa sur ses dernières années.
Les archives révèlent peu sur les pensées intimes de Tandey face à cette rumeur. Une lettre à un ami, datée de 1940 et récemment découverte dans une collection privée, laisse entrevoir son tourment : "On me parle de cet Allemand que j’aurais laissé vivre. Si c’est lui, que Dieu me pardonne". Ces mots, écrits d’une main tremblante, traduisent le fardeau d’un homme confronté à l’idée que son humanité ait pu semer le malheur.
Une leçon dans la boue
La légende de Tandey et Hitler, bien qu’incertaine, soulève des questions universelles sur le hasard et la moralité en temps de guerre. Dans les tranchées, où la mort était une compagne quotidienne, un geste de clémence était-il une faiblesse ou une force ? Tandey, en épargnant un ennemi désarmé, agit selon un code d’honneur que la guerre cherchait à briser. Les manuels militaires britanniques de l’époque, consultés aux Imperial War Museums, insistent sur la discipline mais taisent les dilemmes moraux des soldats face à l’ennemi.
L’histoire, si elle est vraie, illustre l’ironie tragique du destin. Hitler, rescapé de Marcoing, survécut à d’autres blessures et à des gazages pour devenir le maître d’un régime monstrueux. Les 70 millions de morts de la Seconde Guerre mondiale – soldats, civils, victimes des camps – pèsent comme une ombre sur cet instant. Pourtant, blâmer Tandey serait injuste. Comme l’écrivait un correspondant anonyme dans un journal de guerre de 1918, retrouvé dans les archives de la British Library : "La guerre nous force à tuer, mais elle ne peut nous ôter notre âme".
Aujourd’hui, l’histoire de Tandey reste un miroir tendu à notre humanité. À Marcoing, sous la pluie et les obus, un homme choisit de ne pas tirer. Ce choix, peut-être anodin, peut-être monumental, nous rappelle que l’histoire n’est pas seulement écrite par les grands, mais par les gestes ordinaires, dans la boue et le sang, d’hommes comme Henry Tandey.