Pourquoi Trump a arrêté les livraisons d’armes à Kiev ?

par Patrice Bravo
vendredi 4 juillet 2025

Le secrétaire américain à de la Défense Pete Hegseth a suspendu l’envoi d’armements à l’Ukraine (obus d’artillerie et missiles pour les systèmes Patriot). La raison officielle est que le Pentagone procède à un audit de ce qui reste dans ses arsenaux et la décision a été prise "en fonction des priorités des intérêts américains". 

Les partisans de Kiev à Washington sont mécontents et exigent le rétablissement immédiat des livraisons. La reprise est possible, mais elle dépend des véritables raisons pour lesquelles l’approvisionnement de Kiev a été suspendu. Et il y en a au moins quatre. 

Première raison. L’antipathie personnelle profonde de Donald Trump envers Volodymyr Zelensky. Cette antipathie s’est apparemment encore renforcée après leur rencontre à La Haye, lors du sommet de l’Otan, où Zelensky n’a probablement pas entendu les exigences du président américain à son égard. 

Il n'est un secret pour personne que Trump veut terminer le conflit ukrainien le plus rapidement possible. Une guerre étrangère dont il ne tire aucun bénéfice, ni personnel ni pour les États-Unis. Et maintenant il est temps de sortir de cette aventure avant qu’elle ne dégénère en troisième guerre mondiale. 

Trump rêve de s’en sortir en concluant un compromis entre les parties (pour sa médiation, il prévoit même d’obtenir le prix Nobel), mais le compromis n’aboutit pas. 

La Russie ne s’y engage pas, car elle ne veut renoncer ni à ses territoires, ni à ses exigences concernant la transformation de l’Ukraine en État neutre. Et tout simplement parce qu’elle gagne sur le champ de bataille. 

Trump ne veut pas faire pression sur Moscou, il doit s’en sortir sans gâcher ses relations avec Poutine, qui peut considérablement compliquer la stratégie de Washington sur les fronts iranien et chinois. 

Cependant, Zelensky persiste. Il compte sur le soutien européen et ne veut pas faire de concessions sur les questions territoriales et autres. Par conséquent, il faut le punir pour sa désobéissance, ce à quoi Trump s’emploie en suspendant les livraisons d’armes. 

Dans cette situation, la probabilité de reprise de l’aide existe, mais elle est inférieure à la moyenne. Simplement parce que Zelensky ne cédera probablement pas à la pression de Trump. Pour lui, refuser les exigences russes est une question de survie personnelle. Il ne peut faire que des concessions symboliques. La question est de savoir si elles satisferont le locataire de la Maison Blanche. 

Deuxième raison. La réticence de Trump à faire de la "guerre de Biden" la sienne. Le président américain souligne à tout moment que la guerre en Ukraine a été commencée par son prédécesseur, et c’est lui qui doit répondre de toutes les conséquences. 

Mais le problème est que les fonds alloués sous l’administration de Joe Biden pour l’approvisionnement de l’Ukraine se terminent à l’automne. Et si Trump alloue maintenant un nouveau paquet, offre ne serait-ce qu’un centime, ne serait-ce qu’une cartouche à Zelensky, alors ce sera sa guerre. Pour les conséquences de laquelle il sera responsable exactement comme Biden. 

Et si le président est guidé précisément par ce motif, alors la probabilité de reprise des livraisons est, étrangement, assez élevée. Si le problème réside précisément dans la réticence de Trump à offrir des armes à Kiev, alors il peut tout à fait les vendre. 

Zelensky a déjà dit qu’il était prêt à acheter des armes, naturellement, pas avec son argent, mais avec l’argent de l’UE. Qui est prête à payer et à faire en sorte que ce paiement ne passe pas directement par Kiev. Par exemple, d’abord la France achète les armes, puis les transfère à l’Ukraine. 

Troisième raison. La poursuite de négociations actives entre les États-Unis et la Russie sur la stabilisation des relations bilatérales. L’enjeu n’est pas seulement l’Ukraine, mais aussi la Chine, le Moyen-Orient, le contrôle des armements, le régime de non-prolifération, des projets économiques sérieux. 

Et la décision de Trump de geler les livraisons d’armes à Kiev pourrait créer le contexte nécessaire aux négociations. Ou faire partie d’un accord. Par exemple, impliquant le refus de la Russie de livrer des armes à un autre pays. 

Et si c'est vraiment un accord, alors Kiev ne verra probablement plus les munitions américaines. 

Quatrième raison. La pénurie d’armes. Non seulement et pas tant parce qu’il n’y en a pas dans les entrepôts du Pentagone, mais parce que dans le cadre de la politique "les intérêts américains avant tout", elles sont nécessaires ailleurs. 

Par exemple, en Israël, qui en 12 jours de guerre avec l’Iran a vidé ses stocks d’antimissiles. Et qu’il faut reconstituer d’urgence, surtout compte tenu du fait que les hostilités peuvent reprendre à tout moment. 

Par conséquent, Washington doit non seulement réarmer Israël, mais aussi protéger ses propres bases dans la région. Avec ces mêmes systèmes de défense aérienne car en cas de reprise de la guerre, l’Iran pourrait ne pas prévenir les États-Unis d’une nouvelle frappe, comme ce fut le cas avec l’attaque sur la base américaine au Qatar. 

Et dans ce cas, l’Ukraine ne recevra pas le système Patriot. Parce que America First.

Alexandre Lemoine

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Source : http://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=7053


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